“Cher·ère·s ami·e·s, c’est un honneur pour moi de me tenir ici et de vous délivrer ce sermon en tant que la première intelligence artificielle cette année à cette convention de protestants en Allemagne.” La voix monotone d’un avatar impassible résonne dans l’église Saint-Paul, située à Fürth, en Allemagne. Pendant 40 minutes, quatre individus animent sermons, prières et chants depuis un grand écran placé au-dessus de l’autel. Face à eux, plus de 300 fidèles écoutent attentivement et suivent les instructions, comme lors d’une réelle cérémonie.
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La seule différence, c’est que cette fois-ci, le service a presque entièrement été réalisé par une intelligence artificielle.
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“98 % vient de la machine”
Cette expérience est plus précisément le fruit du travail de ChatGPT et Jonas Simmerlein, un théologue et philosophe de l’Université de Vienne, rapporte Associated Press. “J’ai conçu ce service — mais en fait, je l’ai plutôt accompagné, parce que je dirais qu’environ 98 % viennent de la machine”, explique-t-il. C’est une première qui a suscité la curiosité des participant·e·s à la convention biannuelle des protestant·e·s le 9 juin dernier, où plus d’une centaine d’événements ont lieu un peu partout en Allemagne.
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Mais comment on “commande” un sermon tout fait à ChatGPT ? “J’ai dit à l’IA ‘On est au congrès ecclésiastique, tu es le prêtre… à quoi ressemblerait le service religieux ?’“, précise Simmerlein. Au programme, des psaumes, prières, sermons et bénédictions et messages spirituels comme l’importance de laisser le passé derrière soi, de se concentrer sur les défis du présent, surmonter la peur de la mort et ne jamais perdre foi en Jésus…
Le seul bémol, qui a provoqué les rires de l’assemblée, est l’expression absolument imperturbable des avatars et des banalités du genre : “Il faut prier et aller à l’église régulièrement”.
Un miracle technologique ?
Parmi les participant·e·s que Associated Press a pu interroger, les réactions sont mitigées : certes, le sermon est plutôt bien délivré, mais l’ensemble manque cruellement de chaleur humaine et de spiritualité. “Les avatars ne montraient aucune émotion, aucun langage corporel, et parlaient si vite et de façon si monotone que c’était très dur pour moi de me concentrer sur ce qu’ils disaient”, confie une informaticienne au média.
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Pourquoi s’évertuer à remplacer même les figures religieuses par des IA ? Selon Anna Puzio, chercheuse sur l’éthique de la technologie à l’Université de Twente aux Pays-Bas, de tels dispositifs rendent les cérémonies bien plus inclusives. Elles pourraient permettre à de nombreux·euses croyant·e·s dans l’incapacité de se rendre dans des lieux de culte de continuer à pratiquer.
Simmerlein affirme d’ailleurs qu’il ne compte pas remplacer les responsables religieux par l’intelligence artificielle, mais au contraire améliorer le quotidien des congrégations, avec les limites que cela peut impliquer : “Le pasteur fait partie de la congrégation, il vit avec, enterre des gens, les connaît depuis le début”, reconnaît Simmerlein. “L’intelligence artificielle ne peut pas faire ça”.