Bon, c’est quoi, ce bazar avec Friendzy (ex-Crush), “l’appli de rencontre” pour mineurs ?

Publié le par Julie Morvan,

© Natalia Bodrova/Getty

De sa promotion opaque à son rebranding hâtif, elle fait parler d’elle.

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“Bon, je pense que vous avez tous entendu parler de l’application Crush”, lance tout sourire Ophenya, une influenceuse française autoproclamée “Cupidon 3.0” et suivie par 4,8 millions de personnes sur TikTok. Ces mots, elle les prononce lors d’un live TikTok diffusé le samedi 4 novembre dernier. Elle y vante les mérites de l’application Crush, accompagnée de son fondateur Marc Allain.

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Son logo : une flamme violette, son motto : “trouve ton crush secret”, une expression qui ne laisse aucune place au doute : il s’agit ni plus ni moins d’une application de rencontre pour écolier·ère·s, qu’elle enjoint à télécharger et à bombarder de bonnes notes sur l’App Store. Problème : dessus, on peut s’inscrire dès l’âge de… 10 ans.

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Un Rencontre Ados bis ?

L’information a été relayée dès le lendemain par le développeur free-lance Julien Queffelec sur X/Twitter. “Déjà quand on crée un compte, on demande l’âge. Entre 10 et 21 ans”, note-t-il. Accompagné de captures d’écran, son thread montre alors toutes les autorisations que l’utilisateur·rice doit fournir à l’application : géolocalisation, carnet d’adresses…

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Côté confidentialité, à date du 5 novembre, il était aussi possible de voir le nombre de personnes inscrites par établissement (collège ou lycée), ainsi que leur classe, leur prénom et l’initiale de leur nom de famille. Puis viennent les sondages, visant à “matcher” deux personnes entre elles. On peut y répondre et en créer soi-même. S’il reste impossible de discuter via messages privés sur l’appli, le principe permet néanmoins bien de mettre en relation des personnes mineures avec des personnes majeures.

“Si c’est le cas, c’est la porte ouverte aux prédateurs sexuels”, note Julien Queffelec. “Sans compter qu’une enfant de 10 ans peut matcher avec un mec de 20 ans”.

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La porte ouverte aux dérives qui n’est pas sans rappeler une autre plateforme : Rencontre Ados. Ce site, aussi accessible depuis une application supprimée en août dernier, permettait de mettre en relation des personnes âgées de 13 à 25 ans. De nombreux prédateurs sexuels et pédocriminels s’étaient alors emparés de l’occasion.

Marc Allain a réagi à cette comparaison mardi dernier dans Le Figaro : “Mon objectif avec Crush, c’est de lutter contre le harcèlement scolaire en incitant les jeunes d’un même établissement à se faire des compliments via des sondages positifs”, a-t-il tenu à préciser. Quant à l’âge, il fait appel au “contrôle parental” que les parents peuvent installer sur les téléphones de leurs enfants, qui leur demande leur autorisation pour télécharger une application. En revanche, rien n’est mis en place pour vérifier l’identité des inscrit·e·s.

Quand le crush se fait friendzoner

Dans un premier temps, Marc Allain modifie alors le slogan et le visuel de l’application. On passe d’une flamme pourpre à un simple “crush” sur fond bleu ciel, et on troque le “trouve ton crush secret” contre un “Crush, sondages entre amis.” Le même jour, la limite d’âge passe d’une fourchette qui s’étendait de 10 à 21 ans, à une fourchette désormais comprise de 13 à 18 ans, note Julien Queffelec :

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“J’ai décidé de simplifier le nom ainsi que d’augmenter la moyenne d’âge pour se créer un compte”, précise le créateur de l’application au Figaro.

En revanche, le système d’achat intégré reste le même qu’au début : pour accéder au “mode divinité”, qui permet de connaître les noms complets de ses “admirateurs”, il faut payer 3,99 euros par semaine grâce à un abonnement via son compte iTunes qui se renouvelle automatiquement. “Même s’il s’agit d’ados, on les plonge immédiatement dans des considérations de comptabilité et donc dans ses situations qui ne sont pas forcément de leur âge”, explique Samuel Comblez, psychologue clinicien, au Figaro. Vous avez dit marchandisation de l’amour ?

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Le lendemain, face aux nombreuses critiques, “Crush” devient “Friendzy”, accentuant encore plus l’aspect “amical” de l’application contre ses précédents sous-entendus romantiques, si l’on en croit l’historique des mises à jour de l’application sur l’App Store (version 3.0.0).

© Friendzy

À l’heure où nous écrivons ces lignes, Friendzy se situe à la 4e position dans le classement des applications gratuites de réseaux sociaux sur l’App Store. Contrairement aux autres applications de dating telles que Tinder, Bumble, Fruitz ou Happn, rangées dans la catégorie “Style de vie” du store. Elle indique être éditée par “Positive Tech SAS”, une entreprise dont l’immatriculation n’existe pas encore, et semble avoir été créée en avril 2023.

Si aucune condition générale d’utilisation n’est à valider lors du téléchargement ou de l’inscription sur l’application, ces dernières sont accessibles via un lien indiqué sur l’App Store. Dedans, Friendzy précise que les utilisateur·rice·s s’engagent à “fournir une adresse mail effective” dont iels sont propriétaires au moment de l’inscription en guise d’authentification.

Sur une autre page web, dédiée à la politique de confidentialité de l’application, il est précisé qu’il faut fournir “votre numéro de téléphone, votre nom, votre école, votre niveau scolaire, votre sexe, votre nom d’utilisateur, votre âge et votre photo de profil” à Friendzy. Il est indiqué que la localisation n’est pas suivie “après la création du compte”.

En revanche, l’application recueille “automatiquement” le type d’appareil utilisé, le système d’exploitation, l’adresse IP, les identifiants uniques, les actions effectuées sur l’application et sa durée d’utilisation. Ces données peuvent être divulguées à des fournisseurs de services, avocats, comptables, destinataires de transactions commerciales, autorités juridiques et sécurité, précise la page. Même une fois le compte supprimé, Friendzy peut conserver les données pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois ans.