Difficile de passer à côté de ChatGPT, l’intelligence artificielle capable de tenir une conversation et de générer des articles, dissertations, notices sur-mesure. Depuis son introduction en novembre dernier, des étudiant·e·s ont déjà utilisé le modèle conversationnel d’Open AI pour tricher pendant leurs examens ; un internaute s’en est servi pour donner vie à une histoire d’héritage complètement folle et BuzzFeed a déjà annoncé son intention de travailler avec l’inventeur de l’IA pour produire des contenus.
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Mais bien avant que les intelligences artificielles n’entrent dans nos vies, l’artiste Alison Knowles donnait vie à une œuvre entièrement générée par informatique, The House of Dust. Retour sur l’histoire d’un poème devenu ancêtre des IA textuelles contemporaines, actuellement au cœur de l’exposition “The House of Dust” du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne (MAMC+).
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Un poème-partition et des milliers de permutations
Née en 1933 à New York, l’artiste plasticienne, compositrice et poète Alison Knowles, rattachée au mouvement Fluxus, articule son travail autour de performances, des arts visuels et conceptuels. Elle se fait remarquer en 1964 avec Bean Rolls, qui réunit des boîtes de haricots et des notes décalées sur les légumineuses inscrites sur des rouleaux. En 1967, elle dévoile The Big Book, un livre de deux mètres 40, conçu comme un environnement habitable. La même année, elle innove avec The House of Dust, un poème-partition présenté comme une performance, qui marquera l’histoire de l’art.
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“A house of clay, In a desert, Using candles, Inhabited by lovers. A house of roots, In an overpopulated area, Using all available light, Inhabited by various birds and fish. A house of paper, In a deserted church, Using all available light, Inhabited by friends.”
Conçu sur la répétition des mots “A house of…”, le poème généré par ordinateur est divisé en quatrains basés sur un modèle prédéfini par l’artiste. Chacun d’eux liste différentes habitations, globalement abstraites, avant d’en décrire de manière très factuelle leur environnement, la lumière qui les traverse et les personnes qui les habitent.
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Avec 84 672 combinaisons possibles, le logiciel génère aléatoirement différentes permutations mêlant structures architecturales et éléments narratifs. Le poème emprunte physiquement à l’esthétique de l’administration, avec une machine à écrire déroulant les milliers de permutations générées par l’ordinateur.
La beauté des logiciels
Composé avec l’aide du compositeur James Tenney dans un langage de programmation spécialisé dans le calcul scientifique et numérique appelé Fortran, The House of Dust marque un tournant dans l’histoire de la poésie concrète et expérimentale comme dans celle de l’informatique et des œuvres ouvertes.
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En 1969, l’un des quatrains du poème prend physiquement forme : Alison Knowles reçoit une bourse de Guggenheim et fait construire l’une des habitations du poème en deux maisons à l’architecture organique dans le quartier de Chelsea, à New York. Celle-ci est détruite peu de temps après et déplacée à la CalArts, une école d’arts en Californie pour devenir un lieu artistique collaboratif où la plasticienne enseigne entre 1970 et 1972.
À la croisée de la poésie, de la performance, de la technologie et des arts visuels, The House of Dust n’a pas seulement été novateur dans le milieu de l’art. Avec ses quatrains abstraits et imprévisibles, le poème résonne également avec le contexte de l’époque et bouscule les idées en place.
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“Depuis la fin des années 1940, les milieux algorithmiques ont été gouvernés par un fantasme de calcul total qui permettrait de tout traduire sans altération. Les débuts du développement de la cybernétique ont généré le rêve d’un ordinateur qui offrirait des traductions transparentes d’un idiome à un autre. Dans l’esprit des systèmes informatiques, le langage serait réduit à une tâche essentiellement utilitaire : communiquer un message sans ambiguïté, ne laissant aucune interprétation possible” détaillent des chercheurs dans la revue Art by Translation.
Il y a plus de 50 ans, Alison Knowles démontrait brillamment la puissance créatrice des logiciels, tout comme leur capacité à créer un langage aux interprétations multiples.
“The House of Dust ; Collections au féminin (1960-2020)” est visible jusqu’au 10 avril 2023 au MAMC+ de Saint-Étienne.