Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, voilà comment on pourrait résumer l’interview du chef Yves Camdeborde donnée au Journal du dimanche, qui agite depuis le milieu de la gastronomie. À la tête du Comptoir et des Avant comptoir, celui à qui on attribue la paternité de la bistronomie – une cuisine créative et moderne élevant et revisitant des classiques du bistrot – s’est laissé aller à quelques commentaires acerbes sur l’état actuel du monde de la gastronomie et ses travers, notamment à Paris.
Publicité
“Plusieurs événements primordiaux ont fait changer les choses : la médiatisation des chefs, l’arrivée des agents, des attachés de presse et, enfin, celle des influenceurs, dit le chef. La starification des cuisiniers a été positive au début, car elle a montré aux catégories sociales supérieures que les métiers de bouche étaient respectables. Mais l’ego des chefs est devenu surdimensionné. Quand on vous dit toute la journée que vous êtes le meilleur, on finit par le croire et on ne sait plus écouter. C’est un vrai problème.”
Publicité
S’il reconnaît lui aussi avoir eu recours à la médiatisation, en participant à l’émission MasterChef en tant que juré, il se veut aujourd’hui plus mesuré et critique envers ces méthodes. “Aujourd’hui, j’accepte les projets médiatiques quand ils ont un sens”, prévient-il. De là à pervertir complètement la profession ? “Le côté négatif des émissions s’active à la sortie : les jeunes chefs entrent dans la communication pure et dure, les agences leur expliquent qu’ils sont des ‘valeurs industrielles’, ils comprennent qu’il y a de l’argent à gagner”, décrit-il.
“Les communicants les brossent dans le sens du poil et, pour qu’ils plaisent à tout le monde, lissent leur langage. Moi je me fous de leurs recommandations, je n’ai jamais eu ni agent ni ‘relations presse’. Je suis comme je suis, je ne veux pas devenir quelqu’un d’autre.”
Publicité
“Je n’ai jamais eu d’agent”
Aujourd’hui, à 56 ans, Yves Camdeborde aspire à autre chose. Dans son interview au Journal du dimanche, il confie vouloir quitter Paris à l’horizon 2024, après les Jeux olympiques de Paris, et s’installer dans le Vaucluse où il réfléchit déjà à une nouvelle adresse. Une “dernière affaire” et, surtout, une manière pour ce chef respecté de tous de prendre du recul face à un nouveau tournant dans le monde de la gastronomie.
Publicité
“Pour ne pas être un vieux con, j’ai même reçu un jeune homme d’une société de conseils, sur la vente en livraison. Il voulait que je remplace les ‘spaghettis bolognaises’ par ‘spaghettis aux boulettes de viande et sauce tomate’ et ‘avocat-crevettes’ par ‘guacamole, crevettes et pain pita’… Il a 30 ans, il maîtrise des codes que je n’ai pas et cette formule cartonne avec les jeunes. Faut-il entrer là-dedans ? Je suis hélas obligé de me poser la question.”
Le chef se retrouve aujourd’hui face à un dilemme et un nœud que de nombreux chefs, situés dans l’entre-deux générationnel, peinent à aborder. “J’ai dû créer un compte Instagram pour MasterChef, mais je ne le gère pas moi-même. Et en même temps, je ne veux pas devenir un ‘vieux con has been’… J’ai besoin d’exister professionnellement, de toucher les jeunes, explique-t-il. Mais Instagram, c’est surtout de la com’ : je n’arrive pas à dialoguer avec les influenceurs, ils ne sont pas les ‘nouveaux journalistes gastronomiques’, comme ceux avec qui j’ai eu des débats enrichissants. Les vrais critiques culinaires, hélas, ne sont plus que quelques-uns, esseulés, à se battre pour garder des moyens pour faire leur métier.”
L’interview complète est à retrouver ici.
Publicité