Comme tous les précieux trésors, les pépites de la gastronomie et autres richesses culinaires attirent, elles aussi, les convoitises. En France ou en Italie, il n’est ainsi pas rare que la presse fasse état de larcins de bouteilles de vins, de jambon, d’huile d’olive… un peu comme l’on volerait des bijoux à la nuit tombée.
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Le parmesan, fromage de lait de vache italien connu et réputé mondialement, n’y échappe pas. Mais si les vols nocturnes de meules de fromage sont fréquents, celui-ci doit également faire face à un obstacle autrement plus préjudiciable : la copie et/ou la contrefaçon.
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Pulpe de bois dans le fromage
Depuis 2008, pourtant, les règles sont claires. Seul le parmesan (Parmigiano Reggiano en VO) produit dans une zone délimitée d’Émilie-Romagne – 353 fromageries au total sont recensées par le consortium –, dans le nord de l’Italie, peut être vendu sous cette dénomination. “Une mesure nécessaire face au nombre important de fraudes dont est victime le fromage en Europe”, rappelait l’European Observatory on Illicit Trade en 2018.
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Sauf que, parfois, les protections juridiques ne suffisent pas. Si une AOP, censée préserver l’intégrité et l’authenticité du parmesan italien, existe bel et bien, elle n’empêche pas de nombreux acteurs du monde de l’agroalimentaire de s’en affranchir. C’est particulièrement le cas en dehors de l’Union européenne, où les AOP ne sont pas reconnues juridiquement. Et dans cette entreprise de contrefaçon, ce sont les États-Unis qui mènent la danse.
Ces dernières années, plusieurs tests indépendants ont ainsi retrouvé dans des échantillons de fromages, vendus et présentés comme du parmesan, des traces de cellulose et d’autres fromages bon marché. “Là-bas, les fraudes consistent à indiquer sur le paquet un fromage 100 % parmesan, mais à le couper avec des fromages bon marché, et de la cellulose, un anti-agglutinant fait majoritairement de pulpe de bois”, notait l’observatoire européen.
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Réécrire l’histoire
Pour contrer ce phénomène massif d’usurpation de savoir-faire, le consortium a maintes fois exprimé son impuissance au cours des dernières années. Dans une enquête des Échos, publiée en 2016, un fromager résumait alors parfaitement le déséquilibre de ce bras de fer entre producteurs et géants de l’agroalimentaire étrangers.
“Aux États-Unis, on peut fabriquer et vendre librement des produits agroalimentaires avec des dénominations ambiguës, des éléments graphiques qui, sur les emballages et les étiquettes, rappellent directement notre pays, via le drapeau italien ou des références aux monuments et aux œuvres d’art les plus connus de la Péninsule.”
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“Parmesanito”
Alors que, à l’inverse de ce que l’on observe en Allemagne ou en France, les producteurs italiens de fromage peinent à se regrouper efficacement, les contrefaçons de parmesan ont alors fleuri partout ailleurs dans le monde (Argentine, Uruguay, Canada…), profitant de cette absence de concertation et de solidarité interprofessionnelle : du “Canadian Parmesan”, du “Springbok Cheese”, du “Parmesano”, du “Parmesanito”, du “Reggianito” ont ainsi pu tranquillement voir le jour.
“Les artisans fromagers ne savent pas agir ensemble. Or, aucune fromagerie prise isolément n’a la force de frappe pour combattre la contrefaçon”, regrettait Nerina Aldini, à la tête de l’une des plus grandes fabriques de parmesan, aux Échos.
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Alors que faire ? En 2018, des chercheurs italiens de l’université de Brescia se sont associés à une start-up afin de développer un “nez artificiel” capable de détecter le faux parmesan et les différentes substances qui le composent. Mais aussi prometteuse soit-elle, cette avancée technologique n’est encore qu’une petite goutte dans l’océan de contrefaçons dont le fromage est victime. Le véritable défi, et certainement le plus difficile, tient désormais dans une simple question : l’Europe parviendra-t-elle un jour à faire respecter ses AOP en dehors de ses frontières ?