En plein cœur de la Touraine, le domaine des Grandes Espérances a vécu une année difficile. Après les gels tardifs, les intempéries et le mildiou, les récoltes ont été décevantes. Mais Arnaud et Laurent Saget, à la tête de la maison familiale, et Emmanuel Clavier, ne perdent pas espoir. Pour Konbini food, ils reviennent sur cette année difficile, sur leurs projets et perspectives, avec quelques images de leurs dernières vendanges prises à l’aide d’un appareil photo jetable.
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Alors, ces vendanges, ça a donné quoi ?
Une récolte très faible, en raison de conditions climatiques catastrophiques cette année, et notamment une énième dégradation de la météo mi-septembre qui nous a contraints à démarrer la récolte plus tôt que prévu pour préserver les baies. Il a fallu faire preuve d’adaptation pour ces vendanges : nous avons moins de maturité sur les moûts que d’habitude, un peu plus de vivacité… Il va falloir être bon vinificateur pour piloter les fermentations et obtenir des vins avec de la structure et de la rondeur.
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Les vendanges sont toujours un moment particulier, comment les avez-vous organisées cette année ?
Cette année est un peu particulière. Nous avons vendangé avec l’équipe en place sur le domaine alors que d’habitude, pour les parcelles que nous vendangeons à la main, nous faisons appel à des saisonniers – les mêmes qui nous aident durant l’hiver et l’été pour les travaux manuels.
L’année a été très difficile d’un point de vue climatique. Avez-vous, vous aussi, souffert du gel puis du mildiou ?
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Nous avons dû faire face à deux épisodes de gel : un début avril qui a duré environ onze jours et un deuxième plus court tout début mai. On avait déjà perdu plus de 80 % de la récolte à ce moment-là. Ensuite, avec les pluies importantes, la pression de mildiou est devenue vraiment très élevée… notre domaine étant conduit en agriculture biologique nous avons dû être encore plus vigilants que d’habitude. Mais cela n’a pas suffi : nous avons quand même eu des dégâts liés au mildiou.
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Pouvez-vous nous expliquer le problème avec le gel tardif ?
On appelle gel tardif le gel qui intervient sur le mois de mai, lorsque tous les bourgeons ont éclos. À cette période, les bourgeons contiennent déjà les futures grappes. Lorsque les températures sont négatives, les grappes “brûlent”, et ne sont plus en mesure de fournir de raisins. Le gel de début avril est quant à lui un gel normal. Pour autant les choses se compliquent quand les températures de fin mars s’envolent – plus de 30 degrés cette année –, cela a fait sortir plus de la moitié de nos bourgeons avant les périodes de gel.
Quels cépages travaillez-vous sur le domaine ?
Nous avons la particularité de travailler la plupart des cépages du Val-de-Loire. Nous vinifions des blancs secs en mono cépages : Sauvignon, Chardonnay, et Chenin, plantés sur des sols siliceux apportant aux vins gourmandise, pureté et minéralité. Les blancs bénéficient de courtes macérations pelliculaires avant pressurage et fermentation afin de conférer gras et complexité aromatique aux futurs vins, qui seront élevés en fûts ou en jarres en terre cuite. On produit également un 100 % Chenin vinifié en vin orange, avec une macération de plus de trois mois.
Et pour les rouges ?
On a des cuvées de Malbec (appelé Côt en Touraine), Pinot Noir et Cabernet Franc, ainsi que du Gamay pour notre vin “de copains”. Les terroirs sont composés majoritairement de sables et graviers. Les raisins sont vendangés exclusivement à la main, et bénéficient de microvinifications en barriques qui permettent d’apporter élégance, complexité et potentiel de garde. Toutes ces cuvées sont ensuite élevées dix-huit mois en fûts et en jarres en terre cuite et en grès.
Le climat va-t-il vous obliger à évoluer dans les années futures ?
Oui, et nous nous y préparons déjà. Cela fait plus de dix ans que nous adhérons à la démarche Terra Vitis, pionnière française de la viticulture durable. On a introduit certaines pratiques telles que le travail des sols, l’enherbement de certaines parcelles, les vendanges en vert et l’utilisation de produits certifiés. Avec la conversion vers l’agriculture biologique à partir de 2015, nous avons souhaité inscrire le domaine dans une dynamique encore plus forte de respect de notre environnement.
Comment ça se matérialise concrètement ?
Pour les années à venir, et de manière très concrète, on va essayer de tailler nos parcelles plus tard car nous remarquons que cela décale la sortie des bourgeons. Toujours pour la lutte contre le gel, nous nous sommes équipés de trois brasseurs d’air pour lutter contre les températures négatives, et nous envisageons d’en ajouter d’autres. Pour les périodes de fortes chaleurs, nous essayons depuis deux ans de blanchir nos vignes avec de l’argile pour repousser les rayons du soleil. Les résultats sont encourageants. Il faut également penser aux futures plantations de vignes, en mettant des clones plus tardifs pour allonger le temps de maturation des raisins, et ainsi éviter de commencer les vendanges trop tôt.
Ça fait beaucoup de contraintes…
Toutes ces adaptations font le charme de notre métier, mais exigent également de la détermination pour garder le cap que nous nous sommes fixés. Nous souhaitons continuer à offrir des vins généreux, festifs, plein de charme et de promesses. Nous entretenons donc nos grandes espérances…