Voilà plusieurs mois, voire années, que nous nous acharnons à le dire : la cheffe Manon Fleury est l’un des visages de la cuisine de demain et indiscutablement l’un des plus grands espoirs de la gastronomie française moderne. Après quelques ellipses par des tables que l’on ne présente même plus et formée par des chefs dont la réputation n’est plus à faire (Dan Barber, Pascal Barbot ou William Ledeuil), elle vole aujourd’hui de ses propres ailes.
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Depuis quelques mois et pour encore quelques semaines, à la tête de la table éphémère du Perchoir de Ménilmontant à Paris, elle déroule une cuisine végétale prodigieuse et propose une utilisation poussée, érudite et presque inédite des céréales. Une proposition franche, assumée, divinement rodée, qui impose encore un peu plus la patte Fleury dans un paysage gastronomique en pleine quête existentielle.
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Il y a quelques semaines, le temps d’une journée, Konbini lui a confié une autre mission, loin de ses casseroles : embarquer un appareil photo jetable dans ses poches afin de documenter, à sa manière, l’une de ses virées chez l’un de ses producteurs. Ce jour-là, c’est à la ferme biologique Les Limons de Toulotte, dorlotée par le maraîcher Xavier Fender, à quelques kilomètres de la capitale, qu’elle faisait escale.
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L’histoire qui relie Manon Fleury et cette ferme a pris forme grâce à un heureux concours de circonstances, et par la force du bouche-à-oreille que les chefs savent encore très bien entretenir. Tout commence lorsque le maraîcher Xavier Fender contacte Alexia Duchêne, peu après son passage dans l’émission Top Chef, interpellé par son discours sur la cuisine responsable et son attachement à la cuisine légumière.
De fil en aiguille, Alexia Duchêne passe le mot et met le maraîcher en relation avec plusieurs amis cuisiniers, dont Manon Fleury, alors à la tête du Mermoz et Alessandro Candido, chef-pilote de l’auberge-restaurant la plus courue de Belleville. Ensemble, ils montent alors un réseau officieux de livraison de légumes pour plusieurs restaurants dans la capitale.
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En cet après-midi de septembre, Manon Fleury était de passage à Limons de Toulotte pour événement un peu spécial dans la vie d’une ferme maraîchère en automne : la cueillette des courges, qui répond à un protocole assez précis. D’abord cueillir, donc, puis les entreposer dans la serre, les trier en fonction de leur variété, les faire sécher, puis les entreposer dans la grange où elles pourront être conservées pendant tout l’hiver.
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Manon Fleury a passé beaucoup de temps dans cette ferme durant le confinement, ce qui lui a permis de comprendre le travail de Xavier Fender, son quotidien, ses contraintes, les pressions auxquelles les maraîchers comme lui sont soumis… “C’est primordial, pour comprendre leur travail, leurs contraintes, et pour les inverser. Et aussi comprendre comment les produits poussent, comment s’inspirer de la nature pour construire un plat”, dit la cheffe.
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À tel point qu’aujourd’hui, le système d’approvisionnement qui les lie est complètement inversé. Désormais, ce n’est pas la cheffe qui impose ses contraintes au maraîcher en lui demandant tel ou tel produit qu’elle souhaiterait mettre à son menu, mais Xavier Fender qui lui indique ce qu’il a pu récolter chaque semaine. “Je fais avec ce qu’il a à m’offrir. S’il n’y a pas tel ou tel légume, ce n’est pas grave, je m’adapte. Avec le recul, c’est d’ailleurs plus juste et logique de procéder ainsi”, confie la cheffe qui crée ainsi ses plats à partir d’une liste de produits disponibles.