On a testé (et validé) le resto parisien où l’on mange dans le noir

Publié le par Lisa Miquet,

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On a mangé dans le noir chez Dans le noir, et on n’a même pas eu peur.

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J’ai entendu parler plusieurs fois de Dans le noir, un resto qui propose de déguster un repas dans l’obscurité totale. Si l’idée me tentait, je me posais un bon nombre de questions : “Est-ce que ce n’est pas angoissant ? Est-ce que je ne vais pas me salir en mangeant ? Est-ce que je vais casser la vaisselle et tout faire tomber ?” Pour assouvir ma curiosité, et pour l’amour du journalisme – bien évidemment –, je suis allée tester cette table dans le quatrième arrondissement de Paris.

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Arrivée au restaurant, on m’accueille dans un espace éclairé. Le personnel est là pour me briefer et m’explique que pour vivre une expérience sensorielle totale, les menus sont “surprises”. On prend donc connaissance de mes allergies et intolérances alimentaires, et j’opte pour un menu dégustation “entrée, plat, dessert, accordé de trois verres de vins”.

Je pose mes affaires personnelles dans un casier prévu à cet effet, et même mon téléphone, car ce dernier pourrait perturber l’expérience. Me voici prête à entrer dans la salle du restaurant, plongée dans l’obscurité totale. On m’explique que le service sera assuré par une personne non-voyante. Cette dernière vient me chercher, nous partons alors en file indienne pour entrer dans la salle sans faire de casse.

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Perte de repères spatio-temporels

Une fois installée à ma table, une véritable expérience sensorielle débute. Plongé dans le noir, le cadre spatio-temporel devient extrêmement différent : je n’ai aucune idée de la taille que peut faire la pièce, elle me semble immense. La vaisselle et les couverts me paraissent aussi disproportionnés. La notion du temps devient floue, difficile d’en avoir une exacte sans accroche visuelle, sans montre ni téléphone.

Côté gustatif, c’est une vraie découverte. En occultant la vue, les autres sens se décuplent, nos jugements et idées reçues se brisent : et je me retrouve à apprécier des saveurs que – je l’apprendrais par la suite – pensais détester. Je passe de longues minutes à tâter tous les aliments du bout de ma fourchette tellement les textures sont devenues ludiques : la mousse, le croustillant, le poisson, les herbes… Tout se transforme en une nouvelle découverte, et la tablée se lance évidemment dans une véritable investigation sur le contenu de l’assiette.

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Les différents plats et vins sont bons, les produits sont frais et savamment travaillés. Les quantités me semblent copieuses, mais le serveur m’explique que ce sont des portions tout à fait normales : cette impression vient du fait que je ne peux pas visualiser ce qu’il y a dans mon assiette, mais aussi du handicap visuel. N’ayant pas l’habitude de manger dans le noir, je mets un peu plus de temps à terminer mon assiette, ce qui joue sur ma satiété.

Se libérer des codes sociaux du restaurant

D’un point de vue social, l’expérience est intéressante aussi. On se trouve rapidement libéré de tous les codes du restaurant : je ne regarde pas les autres et personne ne me regarde, ce qui évite les jeux de paraître absurdes. Je n’ai pas besoin de me tenir droite, je peux me lécher les doigts si l’envie m’en prend, déboutonner le bouton de mon pantalon OKLM, saucer le fond de mon assiette ou à l’inverse choisir de ne pas la finir. Si, bien évidemment, la politesse reste d’usage, cette absence de jugement se révèle agréable et permet de se concentrer sur l’expérience culinaire.

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Le repas terminé, je repars en file indienne, sort éblouie par la lumière qui me semble beaucoup trop forte et découvre le contenu du menu surprise. Je me rends compte que je suis très mauvaise en blind-test gustatif et que j’ai apprécié de nombreux aliments que je pensais ne pas aimer. Les manger dans le noir, sans le savoir, a alors levé tous mes a priori.

Je ressors du restaurant ravie. Non seulement j’ai bien mangé et j’ai vécu une expérience sensorielle intéressante, mais je me suis mise, le temps d’une petite heure, dans la peau d’une personne non-voyante, ce qui m’a permis de toucher du doigt la difficulté de ce handicap. Et pour répondre à toutes mes questions : “Non ce n’est pas angoissant, oui tu vas te salir, mais c’est parce que tu n’es pas douée, et t’inquiètes, la vaisselle sera en plastique.”

Restaurant Dans le noir – 51, rue Quincampoix, IV Paris. À partir de 43 euros le soir.

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