Pour la toute première fois après des années d’attente, Guy Savoy est finalement venu participer, à son tour, à l’émission culinaire Top Chef. Une apparition rare et précieuse, articulée autour d’une épreuve unique en son genre : la soupe. Un thème particulièrement cher au chef triplement étoilé pour lequel la soupe est tout sauf un simple plat d’hiver réconfortant.
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Car, à la Monnaie de Paris, Guy Savoy sert une soupe mondialement connue, régulièrement citée comme l’un des “meilleurs plats du monde”, préparée à partir d’artichauts, de truffe et d’une brioche feuilletée aux champignons. Un plat signature que l’on ne présente plus, mais qui garde encore quelques mystères. Alors, pour Konbini food, Guy Savoy a accepté de revenir sur son histoire et ses petits secrets.
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Lorsqu’on lui demande de dater l’invention de ce plat, Guy Savoy hésite d’abord. “Je dirais que cela remonte à une trentaine d’années, déjà, dit-il. Mais il faut savoir une chose : je ne suis pas le premier à avoir marié l’artichaut et la truffe.” Une précision qui lui tient à cœur et qu’il aime à rappeler à chaque fois, ou presque, qu’on évoque avec lui ce plat phare de son répertoire culinaire.
Et pour cause, des chefs, restaurateurs et cuisiniers se sont déjà essayés, par le passé, à cette association. Un jour, un journaliste et critique gastronomique du Monde lui avait même confié qu’il avait trouvé une trace de cette association dans des livres de cuisine du XVIIe siècle. “Comme quoi, je n’ai rien inventé en mariant ces deux produits”, ironise-t-il.
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S’il est une chose que Guy Savoy a inventée, en revanche, c’est la manière d’associer et de cuisiner ces deux produits, à la fois étroitement liés et profondément antagonistes. Mais pour comprendre la véritable histoire de cette soupe d’artichaut, il faut d’abord s’intéresser au passé du chef. “J’ai commencé avec la pâtisserie chez Louis Marchand, à Bourgoin-Jallieu, qui avait comme spécialité une brioche feuilletée aux fruits confits, et c’était une folie”, se souvient le chef.
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L’idée lui vient alors de rendre hommage à cette brioche en la déclinant en version salée. “J’ai remplacé les fruits confits par une duxelles de champignons et de la truffe. C’est devenu, je pense, l’accompagnement parfait pour la soupe d’artichaut que j’étais en train d’élaborer en parallèle, ose-t-il. Les deux éléments ont été créés concomitamment.” Et c’est peut-être le secret de leur savante alchimie.
La définition d’une soupe
Alors que la soupe se fait une place dans le menu dégustation, le plat gagne en popularité auprès des gourmets et des becs salés. “Assez vite, les gens semblent avoir plébiscité cette soupe. C’était d’autant plus étonnant qu’elle incarnait une célébration absolue et très personnelle de ma gourmandise.” Un jour, un habitué du restaurant interpelle le chef. “Je crois que j’ai trouvé la définition de ta soupe”, lui chuchote-t-il. Guy Savoy tend alors son oreille. “Les artichauts sont tes origines modestes, la truffe est ta quête d’excellence et la brioche est ton âme d’enfant.”
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L’autre piste qui pourrait aider à comprendre la naissance de cette soupe d’artichaut viendrait de la mère du chef. Il y a une quinzaine d’années, alors que la soupe se voit déjà bien installée dans l’univers gastronomique de Guy Savoy, elle lui fait une confidence. “La seule purée de légumes que je mangeais avec plaisir étant petit, c’était la purée d’artichaut. Alors, il faut peut-être remonter jusque-là, sourit-il. J’ai peut-être commencé à garnir ma papillothèque dans les premiers mois de ma vie.”
“C’est assez enfantin”
À l’inverse de chefs qui multiplient les tests et les expérimentations avant d’atteindre la perfection d’une recette, Guy Savoy se souvient d’un processus de création relativement simple pour cette soupe d’artichaut. “De l’idée à la réalisation, tout est allé très vite. C’est rapidement tombé juste et je n’ai pas eu besoin de faire beaucoup d’essais, dit-il. C’est assez enfantin comme recette. Il y a bien quelques finesses de cuisinier, mais cela reste assez simple. Une fois que vous avez cuit le fond d’artichaut dans du jus de truffe, que vous avez compensé le sel avec un parmesan qui assaisonnera sur la longueur…”
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S’il reconnaît des “problèmes” de saisonnalité, le chef s’est efforcé de s’adapter au fil des années, notamment sur la truffe que l’on ne trouve que durant certains mois de l’année. Celle-ci est transformée en jus, puis surgelée, pour pouvoir être utilisée et servie hors saison. “La surgélation n’a un effet que sur la consistance, pas sur le goût”, rassure-t-il.
Derrière le titre du plat quelque peu alambiqué (“Soupe d’artichaut à la truffe noire, lamelles de truffe noire et copeaux de parmesan, brioche feuilletée aux champignons et beurre de truffe tartiné”) se cache ainsi une ode régressive et unique de la gourmandise. Et si ce plat est souvent mis en lumière pour illustrer l’ADN et l’essence de l’univers culinaire du chef, lui préfère tempérer. “C’est un plat que j’ai toujours beaucoup de plaisir à goûter tous les jours, mais je vais vous faire une confidence : ce n’est pas le plat dont je suis le plus fier, sourit-il. Mais c’est peut-être un problème d’enfant gâté.”
Si vous aimez les soupes, Guy Savoy vient de sortir un nouvel ouvrage, Soupes de printemps.