Le roi du sandwich cuisine avec le cœur, et pas mal d’huile d’olive.
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Star du marché des Enfants-Rouges dans le 3e arrondissement, Alain Miam Miam est un comédien, un comédien du sandwich, de la galette, star d’une pièce où tout se passe dans la file, parfois interminable. Alors qu’il est sur le point d’ouvrir un nouveau restaurant à Paris au 26 rue Charlot, Alain aime se promener pour faire voyager ses sandwichs. Ce mardi 3 avril, il est donc descendu avec son jambon et ses fromages pour un pop-up déjeuner en province. On est allé passer le service avec lui, le temps de cuisiner une centaine de ses sandwichs à la garniture gargantuesque.
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Arrivé là un peu par hasard
Dix heures du mat’, la valise ouverte à même le sol, Alain sort un énorme morceau de cantal, puis le même de comté. Dessous, plusieurs kilos de jambon de pays. De la bonne came qui a dû embaumer le train bondé par lequel il est arrivé de Paris. Paris, où il officie sans être Parisien. Dix ans en Normandie, puis dix-sept à Nice, pour “passer de la crème fraîche à l’huile d’olive”, Alain est un nomade, et quoi de mieux pour se balader qu’un sandwich pour casser la croûte entre deux rencontres ?
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“Je suis arrivé dans la bouffe par hasard, le jour où j’ai repris le stand au marché je ne savais pas trop où j’allais. J’ai commencé par des crêpes sucrées, les meilleures de l’univers. Et puis, ensuite, mes sandwichs et mon cornet végétarien. C’était les choses que je cuisinais pour mes enfants, c’était naturel, je ne suis pas cuisinier, tout n’est pas que technique, je sais que ce que je fais est délicieux, tout est dans le produit.”
Pour ce midi, plus d’une centaine de personnes sont attendues. Pas de quoi stresser le monsieur qui, du haut de ses 63 ans bien tassés, est d’une jeunesse d’esprit incroyable. Avant de démarrer les hostilités, épaulé par le chef du resto qui a mis à disposition les lieux, il prépare quelques premiers sandwichs pour le repas de brigade d’un resto gastronomique situé de l’autre côté de la rue. Huile d’olive, salade, oignons confits, champignons, tomates, avocat, ciboulette, fromage et jambon, le tout toasté sur une crêpière, le sandwich est généreux et carrément coquin, à l’image d’Alain.
Un rêve de gosse
11 h 45, les premiers clients arrivent, et Alain se met en scène, faisant goûter son fromage, coupant les avocats, faisant pleuvoir l’huile d’olive. Son visage s’illumine devant l’assistance conquise, alors que l’odeur de pain grillé flotte dans l’air.
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“Ce n’est que quelques années après que je me suis aperçu que ma petite entreprise était en fait ma destinée depuis le début. Un rêve d’enfant où je vendais des trucs dans une ville du Moyen Âge, un truc qui me faisait cogiter la nuit quand j’étais gosse, et me voilà dans le plus vieux marché de Paris à être famous du Japon à la Corée en passant par Moscou.”
Famous, facile quand le New York Times, CNN ou Action Bronson ne jurent que par ses sandwichs. Mais pas famous par hasard ; partant d’une recette simple, Alain se mue en alchimiste, transformant un sandwich riche et bien garni en plat réconfortant, avec une finesse bien cachée sous les rubans de fromage qu’il gratte en lâchant des clins d’œil à la file qui s’allonge.
“J’ai 4,5/5 sur Trip Advisor, et j’ai perdu ce demi-point parce qu’un mec a trouvé que la salade était trop croquante. Les gens ont trop de temps, moi, quand je vais manger, j’écris pas un roman après. D’ailleurs, en fait, je mange surtout chez moi. Si je sors quand j’ai le temps, c’est pour boire un coup à La Perle ou chez Martin – boire et manger. Et puis, je me couche bien plus tôt qu’avant.”
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Quatre murs et un toit
Les sandwichs s’enchaînent, suintant l’amour et l’huile d’olive. Cool kids, employés en pause, commerçants du quartier, comme à Paris, le public d’Alain est éclectique. Et puis, au fond, la “coolitude”, Alain en joue, s’essuyant sans sourciller les mains sur un sweat streetwear, plutôt que sur son tablier. Jusqu’à 15 heures, il assaisonne, découpe, dragouille, boit du thé vert, ronchonne avec le sourire aux lèvres, avant de fermer le dernier sandwich, avec le sentiment du travail accompli. Les clients, tous repartis le ventre plein et les doigts brillants, peuvent se dire que la prochaine fois, la queue sera peut-être moins longue, car après 12 ans au marché des Enfants-Rouges, Alain ouvrira un premier restaurant en dur dans quelques semaines.
“26 rue Charlot, à deux pas du marché, pour pouvoir faire les deux. Là-bas, on servira les mêmes produits, quelques recettes plus simples à emporter aussi. Et puis, on pourra venir dès le petit-déj, ça restera ma cuisine, mon petit territoire, mais avec un toit et quatre murs.”
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Après un coup de ménage, quelques photos et quelques promesses de se revoir bientôt, Alain repart avec sa valise plus légère qu’à l’aller en fromage et jambon, mais son cœur plein des compliments de ces estomacs qu’il a nourri d’amour et d’un peu de son identité, celle qui vient de partout et est renfermée entre deux tranches de pain toasté.