C’est dans la brume de l’Aubrac, à Laguiole, que les candidats de l’émission Top Chef avaient rendez-vous pour le deuxième épisode de la douzième saison du programme. Si le décor rappelle les Highlands écossais ou, parfois, les plaines de Nouvelle-Zélande, c’est pourtant bien dans l’Aveyron que ceux-ci sont venus rencontrer Sébastien et Michel Bras, ce dernier étant l’une des légendes de la gastronomie française. En effet, on lui attribue la paternité d’un dessert aujourd’hui mondialement connu : le cœur coulant au chocolat.
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Est-ce vraiment Michel Bras qui a donné naissance à ce dessert unique, mêlant un extérieur solide et cuit à un intérieur coulant ? Pour bien comprendre l’origine de ce mets, il faut se remettre dans le contexte. En 1981, lorsque le cœur coulant arrive sur les tables du restaurant familial de Laguiole, quelques années avant l’ouverture du Suquet, celui-ci a tout d’un ovni. À l’époque, ce dessert est considéré comme révolutionnaire et précurseur.
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Si beaucoup l’ont longtemps envisagé comme la conséquence d’une cuisson manquée, le cœur coulant au chocolat est, en réalité, le résultat d’une longue réflexion de Michel Bras. Né dans son esprit après une “balade au ski en famille”, le cœur coulant incarne alors un souvenir et une sorte de révélation. “On était tous revenus complètement gelés et, pour réchauffer tout ce monde et retrouver la parole, mon épouse a lancé un chocolat à l’ancienne, cuit à la casserole avec du grain de sel”, se souvient Michel Bras.
“On a servi ça à tout le monde et d’un coup, c’était la fête, ça sentait bon, les enfants étaient aux anges et ce partage était jouissif. J’ai alors voulu traduire un gâteau au chocolat en deux temps : d’abord le gâteau et, à l’ouverture du biscuit, ça libère ce chocolat de la casserole, celui qui coule, pas le mi-cuit, ni le moelleux.”
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Il aura fallu près de deux années de tests et d’essais avant d’arriver à un résultat convenable pour le chef : une pâte à biscuit à l’extérieur et une ganache congelée à l’intérieur. À cette époque, dans les années 1980, le plat est vu comme le symbole d’une nouvelle cuisine audacieuse et forcément très créative. Désormais, près de quarante ans plus tard, il semble n’avoir pris aucune ride. Le fils de Michel Bras, Sébastien, continue de le proposer à la carte et l’a décliné près de 150 fois dans des versions sucrées ou salées, à l’image de l’épreuve imposée dans Top Chef.
Aujourd’hui vendu dans le monde entier sous une montagne de noms et d’appellations différentes (“coulant au chocolat”, “fondant au chocolat”, “mi-cuit”, “lava cake”, “volcán de chocolate” ou même “soufflé au chocolat”…), le cœur coulant aurait longtemps intéressé Picard, rapportent Les Échos. Finalement, la chaîne de surgelés préférera faire appel à un prestataire italien offrant une recette moins contraignante. Plus tard, alors qu’il est copié dans un nombre incalculable de restaurants, dans des versions plus ou moins abouties, le cœur coulant faillit même disparaître de la carte du restaurant de la famille Bras.
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Aux États-Unis, le chocolate lava cake est devenu un incontournable – on le retrouve même dans une scène de film mythique. Souvent, de l’autre côté de l’Atlantique, on pense que le dessert a été inventé, pensé et créé par Jean-Georges Vongerichten, chef français de renom installé à New York depuis des décennies, en 1987. Or, c’est à nouveau une erreur. Car, oui, le cœur coulant est bel et bien né à plusieurs milliers de kilomètres de là, chez les Bras, en Aveyron, dans la sueur et le crépuscule des massifs de l’Aubrac.