Lors de la dernière saison de Top Chef, l’épreuve du trompe-l’œil nous avait réservé l’un des plus grands moments de la télévision française. Adrien Cachot, décontenancé devant un plat et un dressage qui ne le satisfaisaient pas, décidait d’écraser sa préparation à l’aide d’un bocal et nommait cet éclair de génie “Premier pas dans la nature”. Cette année, c’est un tout autre défi qui attendait les candidats du concours culinaire : une épreuve de trompe-l’œil sur des plats que l’on n’imaginerait pas comestibles, supervisée par le chef basque Andoni Luis Aduriz qui en a fait sa spécialité au Mugaritz, son restaurant doublement étoilé à Saint-Sébastien (Espagne).
Publicité
Et si la critique et la presse culinaire aiment généralement résumer le travail d’Andoni Aduriz à ses trompe-l’œil déroutants, ce n’est pas tant par fainéantise que par clairvoyance face à la nature et l’ADN de sa cuisine. Pour se remettre dans le contexte, Andoni Aduriz est de ces personnes que la cuisine a sauvées ou, tout au moins, rattrapées. Encore adolescent, le chef basque se trouve en difficulté dans tout ce qu’il entreprend : l’école, le sport et les études religieuses. Il embarque donc, par défaut, dans une formation en école hôtelière.
Publicité
Publicité
Assez vite, il croisera le chemin de Ferran Adrià, l’une des références de la cuisine mondiale, particulièrement connu pour ses travaux sur la cuisine dite moléculaire, puis de Martin Berasategui. En 1998, il ouvre son propre restaurant, Mugaritz, où il posera et expérimentera les bases de son répertoire gastronomique désormais mondialement salué. Dans son Pays basque espagnol, il crée chaque année des centaines de plats, tous aussi créatifs les uns que les autres, à l’image de ses trompe-l’œil d’éléments et de produits qui semblent, à première vue, impropres à la consommation.
Si cette démarche laisse parfois entrevoir une forme de provocation, ces créations culinaires vont en réalité bien au-delà de la performance technique et artistique. Ces trompe-l’œil perturbants, et franchement peu ragoûtants, sont une manière pour le chef de créer un contraste entre ce que le cerveau pense manger et ce qui se trouve véritablement dans l’assiette. Une manière de tester les limites du client, et de le forcer à une forme d’aventure culinaire unique. “Les plats peuvent aussi avoir une vocation pédagogique : pour faire goûter du boudin à ceux que le sang écœure, le chef lui a donné l’apparence d’un beau macaron couleur chocolat”, résumait Libération.
Publicité
Parmi ses créations les plus connues, on retrouve un pain de savon (lait d’avoine et riz) accompagné de ses bulles (miel) qui lui demandera près d’un an de travail, épaulé par un ingénieur, ou encore une pomme pourrie (pomme fermentée et Penicillium candidum, Penicillium roqueforti, marmelade d’orange).
Dans son répertoire de trompe-l’œil, on retiendra également ses célèbres galets comestibles (pommes de terre déshydratées), un oursin blanc (ceviche de homard) ou un célèbre pain rassis (pain brioché et Penicillium roqueforti) s’appuyant sur les propriétés gustatives et visuelles du champignon que l’on retrouve notamment dans les fromages bleus.
Publicité
Pour garantir cette créativité toujours plus audacieuse et aventureuse, le restaurant et le chef doivent s’adapter. Quatre mois dans l’année, la table ferme ses portes à double tour afin que les équipes puissent se concentrer pleinement sur l’élaboration de nouveaux plats et recettes. Une marge de manœuvre rare dans l’univers effréné des restaurants étoilés, mais essentielle pour garantir ce qui reste le plus précieux aux yeux d’Andoni Aduriz : sa liberté.
Publicité