Peu de gens s’en souviennent, mais la mode du chou kale est née sur un plateau de télévision. Un peu à l’image d’un nouvel artiste inconnu qui viendrait éclore subitement après une performance époustouflante, le légume s’est bâti une carrière sur un coup d’éclat. Nous sommes en 2011, aux États-Unis, sur le plateau du Ellen Show, et la chanteuse et actrice Gwyneth Paltrow, est invitée à présenter l’une des recettes de son nouveau livre de cuisine : des chips de kale.
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Ce jour-là, l’Amérique découvre le chou frisé. Déjà très populaire dans des pays comme les Pays-Bas, le kale est encore peu connu et consommé outre-Atlantique. Du moins, il ne jouit pas (encore) d’une image très reluisante : dur à mâcher, dur à cuisiner, goût et textures particulières… Mais grâce à Gwyneth Paltrow et d’autres apôtres de ce légume aux multiples bienfaits pour la santé, la donne va rapidement changer.
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Exit les épinards et choux de Bruxelles, consommés jusqu’à l’écœurement dès l’arrivée de l’automne, bienvenue au nouvel aliment miracle : le kale. Les restaurants et chefs vont s’en emparer, si bien qu’on le retrouvera sur presque toutes les cartes de restaurants de Los Angeles, ville-étendard de la nourriture saine et healthy, jusqu’au milieu des années 2010.
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La fête est finie
Mais désormais, la fête est finie. Depuis 2014, année durant laquelle le chou frisé a atteint des sommets de popularité, le kale est en déclin. L’un des indicateurs de cette dégringolade est disponible en quelques clics, sur Google Trends, où l’on peut observer une courbe qui ne cesse de fléchir depuis six années maintenant. Si ce n’est pas forcément la donnée la plus fiable pour évaluer l’évolution réelle de sa popularité, elle est en revanche l’expression la plus éloquente du déclin de sa domination.
Outre Google Trends, il existe d’autres indicateurs qui confirment l’hypothèse d’un déclin du chou kale. À commencer par le New York Magazine qui témoignait, dans une superbe enquête sur la folie des restaurants à salades “à emporter” aux États-Unis, d’une diminution des offres à base de chou frisé au profit de plats chauds ou de salades préparées à partir de graines. Un constat confirmé, en off, par plusieurs directeurs de franchises.
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Non contente de cette théorie que les mêmes directeurs n’ont pas voulu lui répéter, Amanda Mull, journaliste pour The Atlantic s’est plongée dans les chiffres, données et statistiques. Cette expédition dans les méandres des rapports et des fichiers Excel l’a amenée à une première conclusion : les ventes continuent de baisser et sa chute semble inexorable. Là où les tendances culinaires durent entre dix et vingt ans, le chou kale n’aura même pas tenu la moitié.
Le mal-aimé
Si l’on pourrait résumer ce phénomène au goût pas toujours ragoûtant du légume, il existe une autre théorie plus solide : les Américains n’aiment pas le chou kale, mais ils se forcent à l’aimer. Dans ses analyses de données, The Atlantic est arrivé à démontrer que les pics de vente interviennent en grande majorité autour du mois de janvier. Markété comme un “superaliment” riche en vitamines A, C et K, le chou kale profite des scrupules des Américains qui, après des repas de fêtes gargantuesques, se tiennent à leurs bonnes résolutions… avant de les abandonner le mois suivant.
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“Si manger du chou frisé était quelque chose que les gens appréciaient vraiment, vous pensez bien qu’ils continueraient à en manger le reste de l’année”, fait remarquer Amanda Mull.
Dans un billet sur France Culture, Guillaume Erner voyait une “bonne nouvelle” dans le déclin du chou kale. “Le kale décline… Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que c’est atroce, et les seules recettes où le kale demeure sont celles où l’on parvient à le masquer : gratin au kale, pâtes au kale, risotto au kale… Mais, moi, la recette que je préfère et pas seulement parce que ça rime, c’est kale à la poubelle”, soufflait-il. Le chou kale est aujourd’hui en voie de disparition et c’est triste à dire, mais il y a fort à parier qu’il ne manquera pas à grand monde.