Pour Thibaut, devenir cuisinier n’était pas du tout une évidence : “C’est venu très tard. Je ne voulais pas du tout faire ça de ma vie, au départ”, déclare-t-il. Après un BEP, il accède rapidement aux cuisines de restaurants prestigieux. D’abord commis de cuisine au Four Seasons du George V, puis chef de partie d’Alain Senderens au Lucas Carton, il évolue ensuite aux côtés d’Alain Ducasse en tant que sous-chef pour le Jules Verne. Il devient chef de cuisine à l’Hôtel Particulier de Montmartre avant d’ouvrir son propre restaurant.
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Avec Anona, le chef imagine la cuisine de demain, locale et durable. Du choix de la ventilation au dressage de l’assiette, rien n’est laissé au hasard. Le lieu est pensé pour être entièrement écoresponsable. Ses plats engagés lui valurent de remporter une étoile verte au Guide Michelin.
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Avec son food court Starving Club ouvert en 2022, le chef n’a pas fini de nous faire rêver. Par ailleurs, à partir du 6 mai, il s’établira au Fabula, le restaurant éphémère du musée Carnavalet à Paris. Coup d’œil sur le parcours de ce chef à l’ambition inaltérable.
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Konbini food | Quand as-tu su que tu allais faire de la cuisine ton métier ?
Thibaut | J’avais un cursus scolaire classique, scientifique, et un jour je me suis dit que je voulais faire un travail plus utile. Je voulais ouvrir un bar cool pour faire à manger à mes copains. Ça m’est arrivé comme ça, sur un coup de tête. Je me suis inscrit à un cours de cuisine dans les Yvelines et, peu à peu, je me suis retrouvé dans les cuisines de grands restaurants.
Plus j’avançais, plus je découvrais que j‘adorais ça.
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Qu’est-ce qui te plaît dans ce métier ?
Très tôt, ce que j’ai aimé dans le métier, c’est le fait de rendre des gens heureux de façon aussi simple. On peut avoir le retour d’un client instantanément, qu’il soit content ou non. On évolue tout le temps, on se remet toujours en question. Ça influe beaucoup sur le moral, forcément. Au-delà de la cuisine, ce qui m’a plu, c’est de participer à la joie quotidienne des gens.
Je suis tombé amoureux du gastro car c’est la version sublimée de la cuisine : on allie la recherche au côté artistique.
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Wilfried nous disait qu’on n’a pas besoin d’un “management violent” pour réussir en cuisine. Qu’en dis-tu ?
Quand j’ai commencé, j’ai reçu une éducation à l’ancienne, clairement. C’était parfois sportif mais à l’époque, ça m’amusait, car j’étais un petit con. L’air de rien, ça m’a appris le respect et l’autorité.
Ça m’a fait marrer à l’époque mais aujourd’hui, dans mes restos, personne n’a le droit de hausser le ton. J’ai troqué l’esprit de brigade pour un esprit plus familial. Lorsque je recrute, je fais en sorte que les gens s’apprécient. Je ne lis pas les CV, je fais au feeling, je recrute beaucoup au mental.
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Il y a déjà des contraintes horaires, des contraintes de service… Physiquement et moralement, c’est déjà un métier dur, donc si en plus tu te fais engueuler, ta vie n’a plus beaucoup de sens. Je suis dans la vie comme au travail. C’est important pour moi que mes employés se sentent chez eux. Je ne veux pas qu’ils pensent au travail le week-end ou qu’ils aient une boule au ventre quand ils reviennent le lundi.
Selon moi, un bon management est un management où on comprend la richesse de chaque cuisinier.
Qu’as-tu voulu créer avec Anona ?
Avec Anona, on a pensé un restaurant éthique. On a pensé à l’écologie des produits, notamment : on a une politique de zéro gaspillage, zéro déchet, on retire les contenants, on essaie d’utiliser un maximum de produits biodégradables… Les tissus et les métaux du restaurant sont français. L’inox de la cuisine est français. On a que le matériel nécessaire. On réduit au maximum les émissions. On n’a pas d’émission de chaleur en cuisine, on utilise des plaques à induction.
Je voulais un resto “exemple”. Bien sûr, on peut toujours faire mieux, mais je fais attention au maximum d’éléments. Chaque décision est réfléchie. Pour moi, ça va de pair avec une équipe humaine. Je veux que les gars puissent se reposer, qu’ils ne s’épuisent pas, ne se surinvestissent pas.
Pour l’aération de la salle de restauration, on a un filtre qui purifie l’air. On veut rendre les conditions de vie agréables, optimales.
Tu as adopté le même état d’esprit pour ton food court, Starving Club ?
On retrouve cette cuisine bienveillante et écoresponsable, oui. Par exemple, j’avais recruté un chef excellent, mais au bout de 15 jours, il commençait à hausser le ton. Le lendemain, il était viré. Je pense au bien-être des employés, je mets en place des horaires de travail aménagés… Même dans la cuisine, on retrouve ce côté écoresponsable. Tout est 100 % fait maison, les produits viennent d’Île-de-France, on fait attention au zéro gaspi.
Pourquoi avoir tenté Top Chef ?
J’ai tracé mon chemin, j’ai eu différentes expériences. Je pense que ça ne fait jamais de mal d’avoir une mise en avant, l’émission permet d’avoir un nom reconnu. C’est cool pour mon staff, pour mes clients habitués. Ça ramène les nouveaux et conforte les anciens clients. Aujourd’hui, participer à l’émission constitue un énorme tremplin pour un cuisinier, c’est un accélérateur de carrière.
Ç’a été un coup de boost pour ma vie. C’est enrichissant au niveau de la cuisine, bien sûr, mais c’est aussi une stratégie commerciale. C’est le plus gros argument qui vaille en cuisine, aujourd’hui. Je vois les anciens candidats de Top Chef comme des footballeurs de la cuisine.
Comment as-tu vécu l’aventure ?
Je vois l’émission comme une colonie de vacances d’anciens. On a tous entre 25 et 35 ans, on adore la cuisine et faire la fête. On a été confinés pendant deux mois et demi tous ensemble. Ce sont de beaux souvenirs, on n’arrête pas de se voir, depuis. Ce qui reste, c’est cette famille qui s’est créée.
Quel est ton pire souvenir sur le tournage ?
Ce sont les épreuves de dernière chance. On le voit à l’image : je suis livide, les cheveux dressés sur la tête ! Aujourd’hui, avec mes deux restaurants, je passe la majeure partie de mon temps au bureau, donc j’ai perdu le rythme par rapport à d’autres candidats, comme Pascal et Ambroise. J’ai subi physiquement les épreuves, c’était difficile de tenir le temps imparti.
L’ancienneté crée l’expérience, mais on s’y perd, parfois… Glenn Viel me disait : “Ton plus gros défaut, c’est ton expérience”, car on essaie de faire au mieux. Mais ce n’est pas ça, l’objectif sur Top Chef. Il faut savoir s’adapter à toutes les épreuves, pas nécessairement montrer toute l’ampleur de notre cuisine, de ce qu’on sait faire…
Quel candidat était le plus méritant, selon toi ?
Chacun a apporté quelque chose d’assez extraordinaire, j’ai adoré travailler avec Louise et Wilfried. J’adore le calme de Wil. Quant à Louise, elle a très vite compris le principe de l’émission, elle a une connaissance et une créativité impressionnante, c’est une bosseuse. J’ai beaucoup admiré Pascal. C’est le plus jeune de l’émission, il a une énergie positive, il est tout le temps content. En fait, tous les gens que j’ai côtoyés, je les ai appréciés.
Quel est le chef avec qui tu rêverais de cuisiner ?
Pierre Gagnaire ! Il a été dithyrambique sur mon assiette. Il est très admiré. Si je devais choisir une personne, ce serait lui. J’ai aussi énormément apprécié Glenn Viel, on s’est très bien entendus. Je n’ai que six ans de différence avec lui, ça me fait mal de le dire…
Quels sont tes projets à venir ?
J’ai des projets en cours pour cet été, et j’espère qu’avec tous ces projets, on arrivera à recruter. Que, malgré toutes les pénuries de l’emploi, on essaiera de motiver des gens pour revenir dans le métier et que ça durera le plus possible.
J’aimerais libérer du temps le plus possible pour passer du temps avec ma femme et mon fils. Je gère les deux restos en même temps : je commence à 8 h et je finis parfois à 2 h du matin. C’est parfois dur de s’y retrouver. Ça fait 18 ans que je fais ce métier maintenant, des fois, j’ai besoin de souffler.