Lorsqu’on vient du Sud-Ouest et que l’on vit à Paris, le périple vers le quartier de Montparnasse se résume, le plus souvent, à courir à tue-tête, une valise à la main, pour ne pas rater son TGV. Aujourd’hui, c’est pour une mission bien plus réjouissante que je suis venu me frotter à ce quartier du sud de la capitale dans lequel je n’ai jamais vraiment eu mes habitudes culinaires. L’objectif de la journée : explorer, analyser et vivre l’effervescence de la “plus grande halle gastronomique d’Europe”, fraîchement inaugurée, Food Society.
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Ce food-court, qui a mis plusieurs mois, voire années, à voir le jour, est désormais prêt à accueillir le public avec une offre culinaire assez époustouflante, tant elle parvient à réunir dans un seul endroit l’identité et l’énergie des spots à street-food les plus en vue de la capitale, de Louie Louie à Blend, en passant par les sandwichs du Favori ou de Yemma. Une sélection fine et bien sentie que l’on doit notamment à Virginie Godart, l’incollable et imperturbable chasseuse de bonnes assiettes, déjà à l’origine du Food Market sur le boulevard de Belleville.
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À mon arrivée, au petit matin, c’est dans le cœur et centre névralgique de cette immense halle que je choisis de m’installer : pile entre les kiosques de Mojo, lancé par Mory Sacko, le Monobar d’Adrien Cachot et la trattoria de poche de Fabrizio Ferrara, chef de l’Osteria Ferrara. Le point de vue stratégique pour voir défiler, d’un coin de l’œil, le ballet des chefs, des commis, les livreurs et des petites mains de ce restaurant à très grande échelle.
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Le petit-déjeuner
Si ma mission du jour – manger, essentiellement – est simple, je me dois aussi d’être un peu malin. Garder de la place pour goûter le plus de choses possibles, en évitant une ruée pantagruélique qui me ferait gaspiller la moitié des assiettes. J’opte alors, d’abord, pour la simplicité. Un cappuccino bien exécuté, proposé sur le kiosque de Coutume, l’un des torréfacteurs de référence dans la capitale. Et, en attendant l’ouverture des cuisines à midi pétante, je me prépare une petite feuille de route de ce que je veux, de ce que je dois et de ce que je vais manger.
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Le rush du midi
On commence simple avec l’un des classiques de la pause déjeuner à la française : un jambon-beurre. Celui-ci est préparé par les équipes du Favori, l’une de nos fabriques à sandwiches préférées à Paris. Et on commence plutôt bien. Pain qui fait le taf, pickles de cornichon impeccables. Pour six balles, il pourrait peut-être se montrer un peu plus généreux, mais passons.
Si les premiers jours d’ouverture ont été un brin chaotiques, ce qui force à un peu d’indulgence, l’affaire semble désormais réglée comme du papier à musique. Un petit exploit pour un paquebot d’une centaine d’employés issus de quinze restaurants, réunis dans un même lieu, avec des contraintes propres à chacun d’entre eux.
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On poursuit notre épopée culinaire de la journée avec les tapas de Monobar, imaginées par le chef Adrien Cachot, qu’on ne présente plus. Une farandole de petites bouchées parfaitement exécutées, des croquettes fondantes Ossau-Iraty au taloa de veau. Mention très spéciale pour le boudin noir et les couteaux à la plancha au basilic thaï et piment rouge.
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Juste à côté, on enchaîne avec les créations de son acolyte et ami, Mory Sacko, qui a lancé Mojo. Un kiosque où l’on peut s’offrir un bref aperçu de la cuisine et de l’ADN singulier du chef : des cuisses de poulet pressées au mafé, un très régressif poulet du dimanche ou des cœurs de canard à la flamme. Mention spéciale pour ces derniers qui se marient très bien avec la patate douce braisée, également proposée à sa carte.
Alors que l’on déambule dans les allées du food-court, le chef italien Fabrizio Ferrara nous alpague. Lui qui a installé une antenne de sa prodigieuse osteria dans la halle nous dirige vers l’un de ses best-sellers, des fusilli all’amatriciana, à la tomate, pecorino et guanciale. Malgré leurs intitulés alléchants (arancino au ragoût de porc, focaccia garnie, piadina…), on fera l’impasse sur les petites assiettes à sa carte. D’abord parce qu’on lui fait entièrement confiance, ensuite parce qu’il nous reste du chemin à parcourir et encore pas mal de choses à avaler.
Le mystérieux “French Dip”
L’heure est venue de se frotter au plat qui nous fait saliver depuis quelques semaines déjà. Un burger “inédit” et “jamais vu en France”, intriguant et pour le moins curieux, signé Blend. Le “French Dip” est un hamburger complètement immergé dans du jus de viande, né d’une légende urbaine californienne et “clin d’œil à la tradition saucière française”. Une bonne dose de décadence et une belle surprise, que l’on gardera en tête pour les journées froides, mais peut-être pas celles où l’on doit enchaîner les réunions au bureau.
Un crochet par Louie Louie et sa pizza margherita – une valeur sûre – et une soupe de nouilles épicée du Comptoir Coréen, et nous voilà devant Presqu’île, un kiosque dédié aux assiettes iodées en tout genre. On optera pour le ceviche et un croque haddock bien costaud. Et puis pour un petit roupillon salvateur pour digérer tout ça.
Au hasard d’une contre-allée, on trouve le temps de parler semoule et bouillon avec Abdel Alaoui, à la tête de Yemma et d’un kiosque dédié à son “interprétation contemporaine de la cuisine du bled”. L’occasion de lui commander un petit “kasdal”, “l’un de nos plats qu’on vend le plus depuis que je l’ai mis à la carte, il y a quelques années” et “hommage aux msemmens de mon enfance”. Toujours aussi réussi. Toujours aussi efficace.
La galette-saucisse qu’il nous fallait
Alors que l’heure tourne et que l’on retrouve l’appétit, direction Krügen, l’une des enseignes qui comptent dans le game de la crêpe et de la galette. On se laisse tenter par une galette-saucisse, qui nous coûte clairement un peu plus cher qu’au marché des Lices de Rennes un samedi matin, mais qui n’oublie pas d’être généreuse. Pour boucler la boucle, on saute également sur une crêpe sucrée au chocolat qui fera amplement le job.
Il est 16 heures et l’aventure du jour touche à sa fin, ou presque. Avant de plier bagage, on s’autorise un petit détour par Fou de Pâtisserie qui a bricolé, lui aussi, un petit kiosque dédié aux créations sucrées des plus grandes pâtissières et pâtissiers français.
Enfin, pour finir en beauté cette journée forte en calories et en émotions, on part se jeter un verre à Petit Combat, le microsatellite de la mixologue de Combat, Margot Lecarpentier. Mention spéciale, ici, pour son “breakfast martini”, préparé à partir de gin sans alcool, de marmelade, de fleur d’oranger et de citron. Pour ceux qui préféreront opter pour une alternative alcoolisée, on recommandera le “moscow mule” à la pression, boosté par une ginger beer maison.
Morale de l’histoire : Food Society est un lieu de vie qui semble avoir déjà réussi son pari, une fois dépassées les petites galères (habituelles) et l’hystérie du lancement. Un food-court où l’on peut respirer et qui ne nous oblige pas à nous entasser les uns sur les autres, comme c’est malheureusement le cas dans la plupart des halles gastronomiques contemporaines que l’on peut retrouver ailleurs en France et en Europe. Un lieu, aussi, qui change de visage à mesure que les heures passent. Les pressés du matin laissent place, le midi, aux gens des bureaux et aux familles, avant que les fêtards et foodies ne viennent les remplacer, en fin de journée.
Conseil d’ami : pour les soirs de fin de semaine et les week-ends, où les places sont chères, optez pour des horaires décalés afin d’éviter une cohue trop importante. Côté prix, les assiettes grimpent autour des 10-15 euros. Ainsi, pour goûter un maximum de plats différents, la meilleure solution restera, une fois encore, de débarquer à plusieurs afin de partager les victuailles.
Food Society
68 avenue du Maine (Paris 14)
Ouvert toute la semaine de 10 heures à 2 heures du matin.