Après un mois de janvier sans viande et sans alcool, et un mois de février sans sucres ajoutés et sans café, on termine le premier trimestre 2018 avec un mois sans supermarché. Par supermarché, j’entends aussi les supérettes et autres commerces de proximité, de l’épicerie du coin de la rue au Bio c’est bon. Bref, un mois à n’acheter que sur les marchés et chez les vendeurs en circuit court.
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Contrairement à l’expérience menée récemment par la journaliste Mathilde Golla, auteure de l’ouvrage 100 jours sans supermarché, je me la joue beaucoup plus cool, en misant sur mon fond d’épicerie et en me contentant de l’aspect alimentaire pour cette expérience. Pendant 31 jours donc, je ne me procurerai aucun produit préparé ou transformé, issu de l’industrie agroalimentaire, mais uniquement des ingrédients bruts, cherchés chez le producteur ou chez un revendeur, seul intermédiaire entre le producteur et mon panier.
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Let’s go to the mall
Je vis en province et, ici, le supermarché, c’est surtout un grand cube avec devant son parking pour apprendre à faire des dérapages au frein à main le week-end. Un lieu où les familles se rendent le samedi après-midi, avec sa galerie marchande et son rayon jeux vidéo idéals pour patienter pendant que les parents font le plein de nourriture pour la semaine. Moi, je fais mes courses dans un petit supermarché de centre-ville, et j’oscille entre paniers au marché, courses à l’épicerie bio, et parfois directement chez le producteur. Je suis un trentenaire bobo si vous voulez, mais quand même, j’ai de l’affection pour les grandes allées de supermarché, et pour la facilité d’achat de produits du quotidien.
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Sans supermarché, pas de pot de glace Ben & Jerry’s à binge-manger en binge-watchant ma série préférée le dimanche soir. Sans supermarché, pas d’apéro vite fait improvisé pour les potes de passage le vendredi soir en sortant du boulot. Sans supermarché, pas de kiff régressif au rayon plat préparé. Sans supermarché, pas de sauces toutes prêtes, pas de boîte d’œufs ou de plaquette de beurre pour dépanner à 20 h 30 en semaine, bref, des détails qui peuvent paraître insignifiants mais qui sont des avantages auxquels nous sommes tous habitués.
Une première semaine sur la réserve
Je cuisine tous les jours. Que ce soit pour le boulot ou pour mes proches. J’ai donc un fond d’épicerie conséquent et des placards chargés. Cette première semaine, je la vis sans souci, sur la réserve, comme les 50 derniers kilomètres d’un plein, en passant les feux verts en première pour ne pas trop consommer jusqu’à la station d’essence. Des paquets de pâtes, j’en possède de toutes les formes, l’huile d’olive, j’en ai 5 ou 6 différentes, seuls les produits extra-frais vont me demander un effort, effort que j’effectue déjà toutes les semaines, avec par exemple les paniers réalisés chaque mercredi au marché pour Club Sandwich.
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En cette fin d’hiver, les étals des marchés prennent déjà quelques couleurs avec les légumes primeurs, de quoi apporter un peu de nouveauté dans l’assiette chaque semaine. Je décide donc, pour la première fois de ma vie, de me préparer un petit planning pour mes repas de semaine, histoire de ne pas me retrouver un mardi soir sans autre solution que de manger du pain dur. Ce planning, je l’ai à peu près tenu, même s’il était parfois un peu ambitieux. Le triumvirat céréales, sauce maison et légumes l’a souvent emporté sur le plat qui me prendrait au moins une heure à préparer.
Mot d’ordre : planifier
Pendant les semaines suivantes, j’ai transformé mon fond d’épicerie. Le dimanche, au lieu de préparer une sauce pour le déjeuner, j’ai pioché dans mes épices et autres munitions savamment mises de côté pour préparer des plats à dispatcher ensuite sur la semaine. Bouillon maison gardé dans un bac à glaçon, sauce tomate en quantité et soupe au litre. Bien rangé sans tous les paquets achetés au supermarché, mon frigo prend de belles couleurs et ma collec’ de tupperware est mise à contribution.
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Ce fameux bouillon, préparé avec les légumes du marché et le reste d’une carcasse de poulet fermier venant des halles de ma ville, c’est une petite bombe qui assaisonnera vos plats un peu tristes. En faisant revenir la carcasse avec les légumes (carottes, céleri, oignon, etc.) puis en la plongeant dans l’eau frémissante plusieurs heures, on obtient ce concentré de parfum, mis par la suite dans un bac à glaçon comme dans une vidéo Tasty. C’est mon trick du mois, une technique que je garderai probablement toute ma vie.
Les invités
J’aime recevoir le week-end, c’est le moment où je fais tester mes recettes, en buvant du vin, moment convivial auquel mes potes se sont habitués. Avec mon défi, je devrais proposer des plats encore différents, ou en tout cas moins pensés au dernier moment. À la manière des caves à manger à la mode, j’ai fortement tendance à présenter des petites assiettes de toutes sortes, en proposant un travail sur un seul produit et des assaisonnements justes (ou parfois douteux, c’est le prix de l’aventure).
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Sauf que, si vous ne pouvez pas faire les courses, et que vous bossez le jour même, vous ne pourrez pas sortir in extremis deux mozzas du fond du frigo pour servir de base à ces champignons oubliés il y a quelques jours. Tout est donc une nouvelle fois question de planification. Surtout, pour une fois, je suis un peu allé chez les autres, et au restaurant le soir le week-end, et c’est vraiment un plaisir quand vous ne possédez pas de lave-vaisselle.
Panne sèche
Au 15 mars, mes réserves de “produits secs” s’épuisent, il est donc temps de trouver des solutions. Le meilleur exemple, c’est sans doute le café. Après des années à me contenter des capsules d’une grande marque bien connue, j’ai tenté ma chance avec d’autres produits. Évidemment, le café ne pousse pas localement, mais se fournir chez des torréfacteurs change la donne, et niveau prix, la douloureuse est moins violente que prévu. Et pour ceux qui pensent qu’opter pour ce type de café implique forcément de s’équiper d’une autre cafetière, tant s’en faut, votre artisan pourra vous fournir en capsules, recyclables qui plus est.
L’autre panne, c’est celle des céréales. J’aime les pâtes, mes De Cecco et mes Rumo, trouvables maintenant dans tous les supermarchés. En suivant ma démarche, je pourrais simplement acheter les mêmes pâtes chez mon traiteur italien, mais ce serait vraiment éviter le défi une fois au pied du mur. Pour le coup, c’était l’occasion parfaite pour me relancer dans la confection de pâtes maison, faciles à faire et à conserver quelques jours.
Pour les farines, j’ai testé plusieurs options, de la farine locale à celle achetée à mon boulanger, puis en trichant un peu avec des farines italiennes chez ce fameux traiteur. J’ai fait de la pâte, beaucoup, j’en ai congelé, j’en ai laissé fermenter, j’en ai mangé pas mal, et la conclusion va peut-être vous paraître un peu triste, mais aussi délicieuse que peuvent être les pâtes fraîches, les pâtes sèches m’ont manqué, de par leur texture, leur simplicité, et leur porosité qui se marie au mieux avec les sauces. On ne devient pas roi de la pasta en quinze jours.
Le retour du caddie
Le 31 mars, veille du long week-end de Pâques, je me décide à retourner au combat. Je reçois de la famille et par facilité je retourne sillonner les allées de la grande distribution. Ironie du sort, c’est le jour qu’ont choisi les employés de mon supermarché pour faire grève. Devant le piquet de grève, les caissières et employés de la grande franchise se mobilisent pour défendre leurs conditions de travail. En discutant ensemble, on se demande ce que sera le futur de ces grandes enseignes : sont-elles capables de se réinventer pour proposer une offre mieux pensée ?
Sur le bilan financier, j’ai plus dépensé qu’un mois classique, mais c’est surtout parce que j’ai voulu tester de nouveaux produits d’épicerie. Pour les fruits et légumes, les prix des marchés sont souvent plus faibles ou égaux à ceux de la grande distribution. On ne pourra pas remplacer l’intégralité de nos placards, mais les alternatives sont possibles. Surtout pour les produits frais, ne coûtant pas plus cher en circuit court et permettant de mieux rétribuer les producteurs tout en respectant la saisonnalité.