Après des années à croiser des tomates en privilégiant l’innocuité au goût, l’industrie alimentaire a tué la tomate originelle. Jusqu’à aujourd’hui.
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Vous l’ignorez probablement mais il n’y a pas si longtemps, la tomate avait un goût savoureux, à la fois frais et sucré, et était aussi délicieuse en salade estivale qu’en sauce bolognaise. C’était avant l’avènement de circuits de mondialisation alimentaire et des produits génétiquement “améliorés” par croisement d’espèces.
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Voyez-vous, l’industrie alimentaire se préoccupe assez peu du goût de ce qu’elle vend, préférant concentrer ses efforts sur la résistance de ses fruits et légumes aux transports (bah ouais, trois semaines de cargo sans lumière, ça réussit pas à grand monde), aux maladies, aux insectes et, ces derniers temps, aux pesticides qu’elle utilise. Refermant ainsi la boucle absurde inventée par les géants des biotechnologies, qui possèdent à la fois les engrais, les pesticides et les graines modifiées des fruits et légumes. Résultat : croisement après croisement, la tomate a perdu son goût originel, pour de bon.
Et c’est là que la science, celle-là même qui a engendré cette monstruosité au goût de flotte vendue dans toutes les épiceries sous l’appellation “tomate”, vient à la rescousse de sa progéniture dégénérée pour lui rendre son goût d’antan. Une étude publiée dans Science et relayée par The Verge vient de retrouver la “recette” génétique perdue de la tomate au goût de tomate. Grâce au travail des chercheurs, il existe désormais un manuel d’instructions génétiques, à la disposition de chacun, pour produire la tomate la plus goûtue possible.
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Cartographie génétique du goût
Pour retrouver ce goût perdu dans le labyrinthe des croisements génétiques, les chercheurs ont d’abord séquencé le génome de 398 espèces de tomates, histoire d’avoir le plus de gènes possible à leur disposition. Ils ont ensuite fait pousser, en laboratoire, 160 échantillons de tomates qu’ils ont offerts à un panel de 100 testeurs humains. Ceux-ci devaient noter les échantillons strictement en fonction de leur goût, et déterminer quelle tomate leur semblait être la meilleure.
En recoupant les évaluations des testeurs puis en comparant les génomes des tomates élues, les chercheurs ont compris quelles associations de gènes étaient responsables du goût. À partir de cette rétro-ingénierie génétique, ils ont donc pu éditer une sorte de manuel moléculaire à destination des “éleveurs” de tomates, pour leur expliquer comment créer le fruit le plus savoureux.
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“Car la tomate est bien plus complexe que les autres fruits”, explique le co-auteur de l’étude Harry Klee à The Verge : là où la banane, la fraise et les autres ont un seul composé chimique dominant associé à leur goût, elle est un assemblage moléculaire particulièrement riche, raison pour laquelle elle fut traditionnellement l’un des fruits les plus exposés aux manipulations génétiques. Aujourd’hui cependant, les éleveurs n’ont plus le temps, encore moins les ressources, pour continuer à chercher l’équation génétique parfaite.
Les résultats de l’étude de Klee sont donc fondamentaux, car ils feront gagner un temps fou aux producteurs…. du moins à ceux qui sont encore intéressés par l’idée de donner du goût à leurs produits. À savoir, les producteurs de circuit court. Les tomates mondialisées, elles, continueront d’être résistantes et sans goût, et continueront d’être cueillies encore vertes pour arriver rouges à destination après leur voyage en cargo.