Voilà quelques années que la pâtisserie et la boulangerie se sont transformées en véritables machines à tendances. Après l’Ispahan de Pierre Hermé, les Saint-Honoré de Claire Damon, les célèbres flans de Philippe Conticini ou, plus récemment, les créations de Cédric Grolet, Yann Couvreur et Jessica Préalpato, l’hystérie des roulés à la cannelle ou la nouvelle vague de boulangers-pâtissiers (Mamiche, Circus, Sain, Ten Belles, The French Bastards, Archibald…), il est aujourd’hui une folie qui semble s’être emparée de la capitale française depuis plusieurs années désormais : la babka.
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Longtemps inconnue du grand public, la babka trône aujourd’hui fièrement sur les étals de la plupart des boulangeries parisiennes “nouvelle génération”, en version sucrée, en version salée et déclinée sous mille et une formes.
Mais avant de venir conquérir la capitale, c’est dans l’est de l’Europe que le gâteau a fait des émules, notamment en Pologne. “C’est la brioche juive polonaise par excellence qui a été importée très tôt en Israël où tu en trouves un peu partout sous le nom babka ou ougat shmarim dans les boulangeries, mais aussi les supermarchés de manière industrielle“, dit Jérémie Bankhalter, à l’origine d’une ribambelle d’affaires à Paris, dont le Houmous Bar, Levantine et la néo-boulangerie MaMi…
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Bien qu’ancrée dans les habitudes et usages alimentaires depuis des décennies, ce n’est pourtant qu’il y a quelques mois et années seulement que la plupart des amateurs de sucré ont eu l’occasion de faire connaissance avec la babka. À Levantine, petite cantine mettant à l’honneur la gastronomie du Proche-Orient, Jérémie Bankhalter en servait depuis l’ouverture, en janvier 2018. Mais avec l’inauguration de sa boulangerie MaMi, il a décidé de passer à la vitesse supérieure. “On l’a institutionnalisée, en quelque sorte, chez MaMi, depuis septembre dernier, où cela représente une bonne partie de notre offre sucrée. Elle est déclinée en différents goûts : chocolat, cannelle, fruits rouges et en différents formats”, explique-t-il.
Mais comment expliquer le raz-de-marée médiatique et populaire de babkas que l’on observe aujourd’hui ? Il y a, en réalité, plusieurs pistes. “D’abord, parce que c’est trop bon”, commence Jérémie Bankhalter, avant de se pencher sur d’autres hypothèses un peu plus rationnelles. La première serait intimement liée à la nouvelle génération de jeunes boulangers-pâtissiers curieux, venus mettre un coup de pied dans la fourmilière dans un monde qui tournait en rond. La deuxième se joue à plusieurs milliers de kilomètres de là, à New York.
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“Il y a une explication très pragmatique en réalité. La folie babka est arrivée à New York il y a quelques années, notamment par la Breads Bakery, la boulangerie d’Uri Scheft – qui a aussi des boulangeries en Israël – qui a fait un carton, dit-il. Étant donné que New York est un incubateur de tous les projets culinaires, un peu comme Londres, cela a inspiré de nombreux boulangers à travers le monde.”
La mondialisation de la babka
Une autre explication tient à l’attention et à l’engouement grandissants pour la cuisine levantine, notamment grâce à des figures et des chefs incontournables comme Yotam Ottolenghi. Ce dernier a vivement participé à la démocratisation de cette cuisine et a ouvert les yeux de nombreux chefs et particuliers sur une culture gastronomique jusque-là lointaine et abstraite. “Il a participé à ce mouvement, c’est certain. Si on se souvient bien, il y avait une recette de babka dans son bouquin ‘Jérusalem’ ; c’est d’ailleurs ce qui nous a inspirés quand on a commencé à en servir chez Levantine il y a deux ans.”
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“C’est la babka aujourd’hui, ce sera autre chose demain”
À Paris, si l’on pouvait retrouver occasionnellement des babkas dans certaines boulangeries ashkénazes du Marais (le plus souvent sous le nom de “kantz”), notamment au moment de la fête religieuse de Pessa’h, c’est surtout la boulangerie Mamiche qui s’est lancée dans le grand bain de la babka dès son ouverture en 2017. Une brioche “plutôt inspirée par l’Europe de l’Est que du Levant”, note Jérémie Bankhalter. Quelques mois plus tard, des restaurants ont emboîté le pas : Levantine, Yafo…
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En 2019, MaMi a été le premier établissement de Paris à décliner la babka sous différents goûts et formats. Une initiative suivie de près par d’autres pâtisseries plus traditionnelles, à l’image de Stohrer et Jeffrey Cagnes. Depuis plusieurs mois, comme un symbole de l’avènement de cette brioche pas-comme-les-autres, des enseignes “mono-produit”, entièrement consacrées à la babka, ont également vu le jour (Babka Zana, Babka Paris…)… avant de se diversifier progressivement face à l’essoufflement du concept.
Les raisons du succès public de la brioche sont, eux, beaucoup plus irrationnels. Encore une fois, Jérémie Bankhalter revient à la charge : “Honnêtement, je me répète, mais c’est vraiment excellent. Entière ou en roll, quand ça sort du four, c’est une tuerie et ça ressemble peu à ce qu’on peut voir traditionnellement dans les boulangeries.”
Surtout, une fois que l’on a compris comment tresser et comment la cuire à la perfection, la confection d’une babka est relativement simple. “C’est le signe que le monde de la boulangerie est en train d’évoluer et de s’ouvrir à d’autres cultures et à d’autres savoir-faire, à l’inverse de la boulangerie à l’ancienne que l’on a tous connue, conclut-il. C’est la babka aujourd’hui, ce sera sûrement autre chose demain.”