Au Portugal, le retour inattendu de l’huître disparue

Publié le par Konbini Food,

© Getty Images

Après avoir disparu pendant de longues années, elle est (enfin) de retour.

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Il a fallu à Célia Rodrigues “du courage et beaucoup de persévérance” pour remporter son pari fou de devenir ostréicultrice dans l’estuaire du Sado, afin d’y produire des huîtres portugaises des décennies après leur quasi-disparition. “C’est une espèce qui risquait de disparaître et qui était vouée à l’abandon”, explique cette énergique femme de 47 ans, au bord d’un bassin vaseux dans le marais salant de l’estuaire du Sado, fleuve qui rejoint l’océan Atlantique à hauteur de la ville de Setúbal, à environ 50 km au sud de Lisbonne.

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Ces huîtres creuses, appelées en latin Crassostrea angulata, “les Français les ont produites entre les années 1860 et 1970, c’est pour ça que certains ont encore la nostalgie des huîtres portugaises”, dit-elle avec fierté. Succédant à l’huître plate, l’huître portugaise est devenue l’espèce prédominante avant d’être décimée par une maladie et, à son tour, remplacée par l’huître japonaise, la Crassostrea gigas, plus résistante et à la croissance plus rapide.

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L’estuaire du Sado a connu son apogée huîtrier en 1968, avec l’exportation de 10 000 tonnes d’angulata sauvages ramassées par des milliers de personnes. À partir du début des années 1970, le mollusque a cessé d’y être exploité pendant une quarantaine d’années car, en plus de la maladie des branchies, il a également souffert de la pollution provoquée par plusieurs industries naissantes et des eaux usées des quelque 120 000 habitants de Setúbal.

“Dans les années 1960 et 1970, cet écosystème a subi un ensemble de facteurs dramatiques et les huîtres ont été parmi les espèces les plus touchées”, relève Francisco Ferreira, président de l’ONG environnementale Zero. Quand le Portugal a rejoint l’ancêtre de l’Union européenne en 1985, le pays a dû adopter des lois plus strictes en matière de protection de la nature. “Il a fallu une quinzaine d’années pour en voir les résultats”, mais la station de traitement des eaux usées de Setúbal a fini par entrer en fonctionnement en 2003.

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La même année, un composé utilisé dans l’industrie navale, très nocif pour les huîtres, le tributylétain ou TBT, a été banni au plan international, poursuit l’écologiste qui constate aujourd’hui “une amélioration évidente” des niveaux de pollution de l’estuaire. Dès le début des années 2010, les pêcheurs locaux ont recommencé à trouver quelques huîtres sauvages.

Grâce au climat plus doux du Portugal, ces mollusques y grandissent plus vite qu’en France et des filières d’exportation se sont déjà développées dans les marais salants de l’Algarve, sur la côte sud, et d’Aveiro, à 250 km au nord de Lisbonne. Célia Rodrigues a été parmi les premières personnes à vouloir régénérer l’huître autochtone qui, selon une hypothèse historique non confirmée, serait en fait arrivée au Portugal depuis l’île de Taïwan en s’accrochant à la coque des caravelles des grandes découvertes du XVIe siècle.

Après avoir passé 14 ans à perfectionner ses méthodes, l’ostréicultrice et ses cinq employés espèrent, en 2021, doubler une production qui atteindra cette année les 35 tonnes. Cependant, l’angulata portugaise représente à peine 20 % de ce volume car, dit-elle avec pragmatisme, “il faut commencer par faire de l’argent quelque part”.

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Parmi la dizaine de producteurs de la baie de Setúbal, qui ont emboîté le pas à Célia Rodrigues, Pedro Ferreira aspire lui aussi à donner une seconde vie à l’huître portugaise. Pour l’heure, la société qu’il dirige produit 90 % de gigas japonaises, très prisées par ses clients, parmi lesquels se trouvent les grandes marques françaises comme Gillardeau, Geay ou Cadoret.

“Tout dépendra de la réussite commerciale de l’angulata, qui s’avère difficile, mais nous voulons nous distinguer de nos concurrents avec un produit différent”, explique l’entrepreneur associé au Français Éric Marissal, fondateur de l’écloserie Grainocéan à La Rochelle. Les huîtres étant pratiquement absentes de la culture gastronomique portugaise, leur production reste essentiellement tournée vers l’exportation.

“Le marché intérieur ne valorise pas les huîtres de qualité”, constate Pedro Ferreira, qui a levé près de 3 millions d’euros pour investir dans l’installation de 20 000 sacs et 7 000 paniers d’huîtres sur une petite île de vase qui n’émerge des eaux de l’estuaire du Sado qu’à marée basse. Cette année, Exporsado et sa vingtaine d’employés produiront environ 100 tonnes de mollusques, mais son projet, le plus ambitieux de la région, prévoit une production annuelle de 550 tonnes d’huîtres à partir de 2022.

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Pressés par la marée montante, quelques hommes équipés de cuissardes en caoutchouc chargent leur bateau de dizaines de sacs d’huîtres qui, une fois ramenées à terre, seront triées mécaniquement avant d’être remises à l’eau pour continuer de grandir. Sur la berge, les grues d’un important chantier naval et les cheminées d’une usine de pâte à papier se dressent toujours à l’horizon, pendant que des bancs d’oiseaux survolent les parcs à huîtres de la réserve naturelle de l’estuaire du Sado.

Konbini avec AFP