À Paris, n’importe quel chef ou restaurateur vous le dira, pour bien remplir ses frigos, il faut avant tout bien remplir son carnet d’adresses. Ici, les meilleurs fournisseurs, producteurs et intermédiaires se refilent discrètement, se chuchotent, et tout le monde accepte volontiers ce petit cinéma. Depuis maintenant près de huit ans, la famille Benitah, que l’on décrit dans le milieu comme les meilleurs “dealers” de pastrami de la capitale, compte parmi ces précieux contacts.
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À la tête du réseau, on retrouve William, le père, à l’origine de cette petite entreprise familiale, accompagné de sa femme Isabelle, la mère qui veille au bon déroulement des affaires ; les deux frères, Sacha, journaliste et réalisateur de documentaires et Simon, ancien pubard reconverti en cuisinier et aîné de la fratrie. C’est lors d’un voyage à Montréal et d’un passage chez l’emblématique Schwartz’s, en 1989, que “Will” découvre la “smoked meat” pour la première fois. Ce jour-là, les épices, la finesse et la surprise des arômes du pastrami sonnent comme une révélation. “J’ai tout de suite dit à Isabelle : ‘un jour, je ferai ça à Paris'”, nous confie-t-il.
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Avant de devenir le fournisseur privilégié en pastrami de très belles tables de la capitale, du George V à Cédric Grolet en passant par les petits délicatessens à la mode, la famille Benitah a dû batailler. À l’époque, si certains fabriquaient déjà du pastrami ashkénaze dans la capitale, eux ont été parmi les premiers à importer en France la recette de “smoked beef” que se partagent les Montréalais et New-Yorkais. Aujourd’hui, la famille fournit des restaurants à hauteur de 500 et 700 kg de pastrami par semaine, selon les périodes, et vient d’ouvrir son propre deli, Will’s Deli, en plein cœur de la capitale, à quelques pas du Grand Rex.
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Recette secrète
On y retrouve les trois viandes qui ont fait la renommée et le succès de la famille. Un pastrami de bœuf signature, puissant en épices et légèrement fumé que l’on déguste en tranches fines et épaisses ; un pastrami de bœuf “façon charcuterie” au fumé très puissant à avaler en chiffonnade ; et un pastrami de veau “tout en délicatesse tant dans la saumure, les épices que le fumé”, détaille Simon.
“On est très contents de notre pastrami de bœuf classique, donc notre recette phare n’a pas bougé depuis un petit bout de temps. Mais on ne se ferme pas à une quelconque évolution si une idée nous vient. Quant à la recette, je la garde secrètement dans un coin de ma tête, tant que je ne perds pas la boule.”
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Bouche-à-oreille
Dans les arrière-cuisines parisiennes, le nom de Benitah sonne désormais comme une évidence lorsqu’on se met à discuter de viande fumée. “Voir son produit travaillé par des chefs qui ont un immense niveau d’exigence est un énorme signe de reconnaissance pour ce que l’on fait, explique Simon. La première fois que l’équipe de Joël Robuchon ou que le George-V m’ont appelé, j’étais comme un fou. Je me suis imaginé comme dans Top Chef, lorsque de grands chefs viennent goûter votre cuisine.”
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L’important réseau dont ils disposent aujourd’hui dans la capitale est né du bouche-à-oreille, de recommandations avisées et de petites confidences. “En fait, il s’est construit tout seul”, résume Simon. Lorsque Yohann Caron, ancien second de Cédric Grolet et chef exécutif de la nouvelle boulangerie-pâtisserie à Opéra l’appelle, il lui explique alors que c’est un cuisinier du Ritz qui lui a parlé de la famille Benitah. “Pourtant, nous, on n’avait jamais travaillé avec le Ritz et on y connaît personne”, sourit Simon.
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“Family Business”
C’est justement cette spontanéité qui plaît à la famille. “Je me souviens être passé dépanner un restaurant et entendre un commis dire ‘Le livreur est là’ alors que je suis le fabricant. Je me suis retrouvé face à deux chefs en plein désaccord lors de la dégustation argumentant sur lequel de mes deux produits était le meilleur… Ils ont finalement pris les deux”, se souvient Simon. Avec leur nouveau delicatessen, Will’s Deli, la famille Benitah souhaite aujourd’hui faire résonner son savoir-faire différemment, en proposant des préparations traditionnelles et authentiques d’Europe centrale, en revisitant quelques recettes familiales et en explorant quelques-uns de leurs coups de foudre culinaires.
Un nouveau défi qui ne les empêche pas de continuer à innover et à s’essayer à de nouvelles choses. Depuis plusieurs mois, et bien avant la série Family Business, la famille Benitah planche sur une “pastraweed”, un pastrami fumé au chanvre. “J’ai halluciné en voyant la bande-annonce de la série, dit Simon. Je me suis dit : ‘soit c’est une énorme coïncidence, soit ils ont croisé mon père dans un restaurant qui a son logo cousu sur son blouson et ils s’en sont inspirés.'” La recette, actée et définitive depuis quelques semaines, devrait voir le jour à la carte du Will’s Deli à la fin du confinement. “Je pense que les Français et les Parisiens en ont bien besoin”, finit Simon qui nous avoue travailler, en parallèle, sur une sauce au CBD pour ses sandwiches et bien d’autres surprises culinaires.