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Depuis le mois d’octobre dernier, Lucas Delerry s’est lancé dans un drôle de tour de France. À 22 ans, cet étudiant en agronomie, passionné de cuisine et de gastronomie, a profité d’une année de césure auprès de l’école d’ingénieur AgroParisTech pour monter Gùn, un projet inédit : visiter des restaurants-potagers et partir à la rencontre de chefs concentrant leur cuisine autour de ce que leurs jardins leur offrent.
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Une aventure notamment soutenue par François Pasteau, chef engagé à la tête de L’Épi Dupin. Avant de transposer ses tribulations dans un livre, il documente son périple sur Instagram. Alors qu’il vient de finir un séjour enneigé chez Laurent Petit, au Clos des Sens, il a accepté de répondre à quelques questions. Entretien.
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Club Sandwich | C’est quoi l’objectif de ce projet ?
Lucas Delerry | L’idée est assez simple. C’était de rendre visite à des chefs et des jardiniers, en passant du temps avec eux et pas seulement le temps d’un entretien, afin de partager leurs journées, de découvrir la réalité de leur travail et, à terme, d’en faire un livre.
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Tu sembles accorder beaucoup d’importance à ces rencontres.
Oui, car cela me permet d’observer, de documenter la réalité du terrain et de mettre les mains dans la terre. Et aussi de voir si les chefs se rendent véritablement dans le potager ou si c’est une image qu’ils se donnent. Ces rencontres me donnent aussi l’occasion d’entrer dans les cuisines de chefs, de comprendre le fonctionnement et l’état d’esprit de celles-ci et de leurs brigades, de voir comment ils trient leurs déchets…
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Comment tu choisis les restaurants dans lesquels tu te rends ?
J’ai fait pas mal de veille sur Internet, mais je me suis heurté à un biais : je me suis retrouvé avec des restaurants assez connus, qui avaient les moyens d’assurer une présence en ligne. Alors je me suis aussi fié au bouche-à-oreille. Dans ma formation en agro, les étudiants viennent des quatre coins de la France et connaissent des adresses, des fermes-auberges… Ce qui m’intéressait, c’était d’avoir une pluralité dans les établissements, et pas seulement des restaurants triplement étoilés.
Est-ce que le fait d’avoir un potager à disposition peut changer un chef ?
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J’ai le sentiment que le fait d’avoir les mains dans la terre, cela rend les chefs assez humbles. Ils témoignent d’un état d’esprit très ouvert, assez unique vis-à-vis du monde gastronomique. Ils sont très fiers de ces potagers, et ils ont raison : cela leur demande énormément de moyens financiers, physiques et intellectuels.
“Parfois, certains chefs ne comprennent pas trop l’intérêt de visiter un potager en hiver…”
Dans cette pluralité, tu as remarqué des disparités, des points communs entre les restaurants ?
Il y avait des disparités assez nettes, que je n’avais pas anticipées avant de partir. J’ai vu des cas très différents dans le fonctionnement, mais aussi dans les objectifs. Certains cherchent l’autonomie totale en production végétale ou animale, comme à Pornic. D’autres veulent des jardins ornementaux pour faire de la pédagogie et expliquer ce qui se retrouve dans leurs assiettes.
Il y a des restaurants qui se permettent d’avoir un ou plusieurs jardiniers. D’autres n’en ont pas, même des étoilés, comme Hervé Bourdon au Petit Hôtel du Grand Large à Saint-Pierre-Quiberon (56). D’autres encore font appel à leurs parents pour le fonctionnement au quotidien du potager. Et d’autres sont soumis à des contraintes particulières, comme au tout récent Hôtel Brach à Paris, qui dispose d’un potager sur son toit. Il y a des moyens, mais la surface n’est pas très grande, alors il faut optimiser…
Tu voyages tout au long de l’année, ce qui te donne à voir des potagers parfois très fleuris et parfois… pas du tout fleuris.
C’était mon idée de départ. Je voulais rencontrer les chefs et les jardiniers à toutes les saisons, et pas qu’au moment de récolter les tomates au mois d’août. Parfois, certains chefs ne comprennent pas trop l’intérêt de visiter un potager en hiver… mais je leur explique que c’est tout le but de ma démarche. Je veux montrer tout ce que suppose un potager, en hiver comme en été : la récolte, l’arrachage, la couverture, le fumier, etc.
Ton voyage n’est pas terminé, mais quelles sont les leçons que tu as pu tirer jusque-là ?
Je suis trop jeune pour voir une évolution avec les années 1980, par exemple, mais je remarque une chose qui n’existait pas vraiment auparavant : les chefs mettent beaucoup en avant leurs agriculteurs et producteurs. Il y a eu une certaine bascule avec l’époque où c’était les agriculteurs qui étaient fiers de travailler avec des chefs.