“Est-ce normal d’être excitée uniquement par la domination ?” Laura Berlingo répond au courrier des cœurs (et des culs)

Publié le par Konbini,

(© Konbini)

Enfin la réponse à toutes les questions que tu n’as jamais osé poser.

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Laura Berlingo est gynécologue obstétricienne. Elle a créé le Diplôme Universitaire “Santé sexuelle pour tous•tes” à Sorbonne Université, et écrit l’essai “Une sexualité à soi”, publié aux éditions Les Arènes. On lui a demandé de répondre à notre courrier des cœurs (et des culs). Un rendez-vous que vous pourrez retrouver tous les mois sur Konbini.

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Katia : Est-ce normal d’être excitée uniquement par la domination/le sadisme/l’humiliation ? Comment mettre ça en place dans un couple si l’autre ne souhaite pas se faire humilier/frapper (ce qui me semble logique) ? Quand faut-il consulter ? Faut-il bloquer ces envies ou les laisser aller ? Lorsque je jouis, je m’imagine souvent en train d’éjaculer, pourtant je suis une femme et je pense être bien dans mon genre.

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Laura Berlingo : Chère Katia, il y a beaucoup de questions différentes dans ce court paragraphe. Nous allons tenter de démêler un peu tout cela, et de faire la part des choses. D’abord, parlons du fantasme. Lorsque l’on dit “je suis excitée par (insérez ce que vous voulez, le BDSM comme le pli du coude)”, on en appelle à notre cerveau, à ces connexions qui se font entre une pratique banale ou dite extrême, et ce que cela provoque physiquement en nous. L’esprit qui met en branle le corps. Les neurones qui stimulent les clitoris et les verges.

Et là, Katia, je te le dis d’emblée, il n’y a pas de bon ou mauvais fantasme. Pour une raison simple : le fantasme n’a pas vocation à être réalisé. Cela paraît tout bête dit comme ça, et pourtant, c’est primordial. Le fantasme, c’est l’imagination. Nous n’avons pas à en avoir honte. Nous pouvons avoir envie de le partager, mais aussi de le garder pour nous. Un jardin secret auquel seuls nous et notre jouissance auront accès.

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Cela posé, vient la question des fantasmes de violence. Ce que tu appelles domination, sadisme, humiliation, coups (ce sont tes mots). Là, je pense que cela vaut le coup de tenter de remonter le fil. De réfléchir à l’origine de ces envies. De visiter la construction de tes “chemins de désir”, comme dirait la journaliste Claire Richard (écoute son podcast, il te parlera probablement).

Un·e sociologue te dira que ces désirs de violence sont des constructions sociales, que tu as été “élevée”, par les films pornos comme par la culture mainstream, à désirer être maltraitée ou à maltraiter. Un·e psychanalyste évoquera plutôt ton enfance et ton œdipe irrésolu. Un·e philosophe te mettra face au dilemme existentiel du choix : puis-je orienter mes désirs ? M’empêcher de réaliser un fantasme “inavouable” qui pourtant m’excite terriblement, ou au contraire me contraindre à penser mon désir autrement et investir d’autres chemins pour parvenir à la jouissance ?

Ma réponse sera celle d’une soignante qui aspire à accompagner les personnes sans leur dicter ce qu’elles doivent ou ne doivent pas faire. De façon très concrète, pose-toi des questions. Retrace ton histoire et tente de comprendre pourquoi tu dois faire mal à quelqu’un pour jouir. Si tu es en relation et que tu te sens à l’aise d’en parler, vas-y. Parfois, les astres s’alignent et nos fantasmes tous aussi fous ou simples qu’ils soient se complètent. Parfois, non.

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Alors, à nouveau, interroge-toi. Qu’est ce qui est le plus important pour toi ? Assouvir ce fantasme, ou entrer en relation avec une personne que tu apprécies (voire que tu aimes) par ailleurs ? Si cette personne ne veut pas tenter la soumission, tu sais bien que tu n’as pas le droit de la contraindre. Je rappelle à tou·te·s que cela serait du viol, un crime puni par la loi.

Dans ce cas-là, voudras-tu t’essayer à ouvrir l’horizon des possibles de tes fantasmes ? À modifier ton regard sur les corps, les pratiques, les désirs ? Cela s’entraîne, tu sais. Tu peux commencer par du porno féministe et queer, qui fait souvent la part belle à la réflexion sur la normativité de nos désirs. Tu peux aller voir du côté du tantrisme aussi. Regarde d’autres manières de faire, tente la douceur, la lenteur, peut-être que tu y trouveras ton compte. Peut-être pas. Explore.

J’espère t’avoir aidée sur la première partie de tes questions. Pour la dernière, je vais peut-être t’apprendre un truc : tu éjacules quand tu jouis. Pas besoin d’un pénis pour ça. Les corps ne sont pas si différents. Le clitoris est un organe érectile, et les glandes de Skene, situées de part et d’autre du méat urétral (par où est évacuée l’urine), émettent souvent un produit similaire à l’éjaculat pénien pendant la jouissance (en quantité moindre que le sperme, 2 ou 3 ml).

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Et si, par ta phrase, tu voulais dire que tu avais l’impression de jouir avec un pénis, la boucle est bouclée, on revient à la question des fantasmes. On peut imaginer sans passer à l’acte, ni même avoir envie que cela se réalise. Si tu penses être bien dans ton genre, alors tu es bien dans ton genre. Seul ton ressenti compte.

Alexandre : La masturbation a-t-elle des conséquences néfastes sur la qualité du sperme ou sur la fertilité ?

Laura Berlingo : Eh bien Alexandre, non. La masturbation n’a pas de conséquences néfastes sur quoi que ce soit. Certains travaux suggèrent même qu’une éjaculation régulière aurait plutôt tendance à les améliorer. Bon, comme beaucoup d’études scientifiques, c’est controversé, pas simple à prouver, et encore faut-il que la recherche s’y intéresse.

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Mais surtout, parlons des bienfaits de cette pratique ! Car, pénis ou clitoris, l’objectif poursuivi est celui du plaisir, parfois de l’orgasme. Deux états corporels qui libèrent de superbes hormones, qui créent de la joie et diminuent le stress : les endorphines et la dopamine. Bref, n’hésite pas à te faire plaisir, cela ne rend ni sourd ni stérile.

Ceci dit, si tu as besoin de te faire jouir cinquante fois par jour, que cela a un impact négatif sur ta vie de couple ou ta vie professionnelle, que tu n’arrives plus à prendre du plaisir avec quelqu’un·e, bref, si cela provoque de la souffrance, n’hésite pas à te faire aider ! Par un·e sexologue ou sexothérapeute qui saura t’aiguiller, te faire trouver le rythme qui te rendra heureux et épanoui, et qui ne peut absolument pas être standardisé. Une fois par mois ou une fois par jour, cela n’appartient qu’à toi !

Solène : Faut-il se protéger et comment pendant des rapports sexuels lesbiens ?

Laura Berlingo : C’est une question extrêmement importante Solène, et la réponse est oui, il faut se protéger. On en parle trop peu. Globalement, on ne croit pas vraiment à la sexualité entre femmes. On imagine une (a)sexualité de Bisounours, alors que les pratiques sont variées, et pourvoyeuses de risques d’IST (infections sexuellement transmissibles).

Par ailleurs, des études de santé publique et de sociologie ont montré que les personnes qui sortent de l’hétérosexualité sont plus discriminées, notamment dans leur accès aux soins. Ce qui veut dire moins d’information, moins de dépistages, moins de traitements.

Donc, en pratique : le maître mot est le dépistage régulier ! À adapter aux nombres de partenaires et aux types de pratiques, même sans aucun point d’appel (80 % des IST ne provoquent pas de symptôme). Si signe particulier, notamment douleur pelvienne ou écoulement vaginal, on file en consultation et on fait des examens.

Lors des rapports de manière générale, quelques repères : les ongles courts pour ne pas abîmer les muqueuses, une particulière attention quand on a ses règles (si rapport, utiliser une cup ou un tampon), le nettoyage à l’eau et au savon des objets entre deux personnes qui les utilisent, des préservatifs sur les objets pénétrants, des gants en latex et des digues dentaires pour les rapports oraux (vulvaires ou anaux) si besoin.

N’hésitez pas à consulter CeGIDD, qui sont des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic. Il en existe un peu partout, vous y trouverez des professionnel·le·s formé·e·s aux questions de santé sexuelle dont les IST. Vous pourrez y poser toutes vos questions (rien ne doit être tabou !) et adapter votre fréquence de dépistage et votre niveau de protection à vos pratiques. Enfin, une ressource en ligne très bien faite : le guide Tomber la culotte, en téléchargement libre sur le site SOS homophobie.

Pour écrire à Laura Berlingo, ça se passe à cette adresse : vossexualites@konbini.com