Après les séries et les films, Netflix investit désormais massivement sur l’acquisition et la création d’animes originaux. Fort du succès de Cannon Busters, LeSean Thomas a de nouveau frappé à la porte du géant américain avec une idée inédite : un biopic sur la vie de Yasuke, le premier samouraï noir et africain du Japon féodal. Mais le producteur américain ne veut pas d’un récit classique, où il a peur de s’ennuyer, et préfère partir sur un mix entre science-fiction, fantasy et jidai-geki, le drama historique à la sauce nippone.
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Yasuke nous transporte donc dans un XVIe siècle alternatif, où l’invasion mongole du Japon s’est articulée autour d’affrontements épiques avec de la magie et des mechas. Mais dans l’ombre, une démone orgueilleuse souhaite s’emparer de l’archipel avec son général noir et son armée des ténèbres. Yasuke, le samouraï noir, a déjà essuyé un échec contre cet ennemi surpuissant. Il aura finalement l’occasion de prendre sa revanche lorsqu’une jeune fille prénommée Saki découvre les pouvoirs démentiels qui l’habitent, capables de rivaliser avec la Daimyō. Le rōnin a désormais une nouvelle raison de dégainer son katana et reprendre le combat.
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Un univers onirique mais bordélique
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Pour son premier anime (faussement) japonais, Netflix n’a pas fait les choses à moitié. L’animation de Yasuke a été confiée au studio MAPPA, que les fans de Jujutsu Kaisen et L’Attaque des Titans connaissent bien. La firme de Masao Maruyama assure pour retranscrire les décors féodaux de Yasuke, avec une palette impressionnante de paysages et de couleurs. L’anime flatte la rétine tout comme les scènes d’action, sanglantes et dynamiques, qui rappellent les meilleurs affrontements d’Eren et ses amis. Malgré quelques séquences en 3D moins convaincantes, le studio MAPPA étale encore une fois son talent pour rendre le voyage du samouraï noir et de Saka aussi poétique qu’envoûtant.
La série animée risque toutefois de surprendre certains spectateurs. On est très loin de l’ambiance stylisée des films d’Akira Kurosawa ou même des longs-métrages américanisés comme Le Dernier Samouraï. LeSean Thomas a choisi une approche mystique et fantaisiste pour la mythologie de Yasuke, qui ressemble à un joyeux patchwork de pop culture nippone. On y croise tantôt des mechas, des sorciers noirs, des loups-garous et autres démons de l’enfer qui vont se frotter à la lame de notre guerrier africain. Ce bestiaire met clairement en valeur le travail du studio MAPPA tout comme le rythme endiablé de la saison 1, mais peut aussi être à double tranchant.
En effet, on se sent parfois un peu désabusés face à autant de liberté dans l’univers de Yasuke. La mythologie de l’anime est très permissive voire incohérente, et même finalement assez bordélique, si bien qu’on est souvent perdus voire dénués d’émotions face aux multiples monstres qui défilent. Les spectateurs qui s’attendaient à profiter d’un récit historique voire pédagogique sur le Japon féodal seront décontenancés dans ce shōnen qui manque finalement d’originalité au niveau du scénario. On y voit un mix étrange, une alchimie ratée même entre les univers de Naruto, Fullmetal Alchemist et Vagabond de Takehiko Inoue.
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On pourrait aussi regretter le choix de l’anglais comme langue originale pour un anime développé par un studio nippon et qui se déroule au Japon. Encore une fois, certains choix artistiques de Netflix manquent de lisibilité et de cohérence, même si le doublage a un atout dans sa manche : Lakeith Stanfield. L’acteur américain, qui monte en puissance depuis Atlanta, donne chair à ce samouraï solitaire et taiseux, avec une voix grave et caverneuse. Il est d’ailleurs accompagné par quelques stars du petit écran, comme Darren Criss et Ming-Na Wen, qui assemblent un cast tout aussi réussi que leurs personnages secondaires.
La musicalité de Yasuke est aussi une qualité indéniable de l’œuvre. La BO, entièrement composée par l’artiste Flying Lotus, apporte toute la poésie nécessaire au voyage de nos héros. Ce dernier prend à contre-pied les thèmes jazz très habituels des animes du genre pour imposer sa patte et nous faire vibrer. Ses morceaux s’imprègnent de son style électro et expérimental, avec l’utilisation de vagues de synthés, de percussions africaines et de sonorités asiatiques qui se marient parfaitement avec le mysticisme de l’anime.
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Yasuke est un petit ovni dans le genre, où se croisent traditions de la période Edo du Japon et un brassage surprenant des mythologies issues de la fantasy et de la science-fiction. L’harmonie n’est pas toujours au rendez-vous, mais l’anime parvient tout de même à conter une histoire épique pleine d’anomalies qui donnent finalement un certain charme à l’ensemble. LeSean Thomas, qui a pitché à Netflix un projet sur plusieurs saisons voire avec quelques spin-off à la clé, parviendra peut-être à mieux recentrer son univers et son voyage initiatique par la suite. Six petits épisodes pour une première saison, c’est sûrement trop peu pour juger pleinement du potentiel de ce personnage historique hors du commun.
La première saison de Yasuke est disponible en intégralité sur Netflix.