Avec la pandémie mondiale au seuil d’alerte maximale et les confinements interminables, on a tous envie d’oublier l’année 2020. Heureusement, les fans de séries pouvaient s’évader le temps de quelques épisodes devant leur écran, notamment avec l’une des productions françaises qui a cartonné pendant cette période terne : Validé. La série de Franck Gastambide sur le rap français a explosé tous les records de Canal+, devenant un véritable phénomène et propulsant Hatik en haut des charts. Sans peur ni regret, l’interprète de DJ Sno a pourtant complètement rebattu les cartes dans un final digne de Game of Thrones, marqué par la mort du héros de l’histoire.
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Clément, alias Apash, comme un triste rappel des assassinats des légendes du rap Tupac et Notorious B.I.G., a péri suite à une sanglante fusillade au volant. Désormais, William et Brahim décident de lui rendre hommage en montant un label à son nom. Pour signer leur premier nom et marquer le coup, les deux amis misent sur une jeune rappeuse, Sara, dite Lalpha, une artiste bourrée de talent mais rattrapée par un passé sombre. Accompagnée de Sno et Mastar, la fine équipe va tenter de la faire exploser sur le devant de la scène malgré les embrouilles, les obstacles et la misogynie ambiante du rap game.
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Le spectre d’Apash comme véritable ennemi
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Avec cette nouvelle saison et sa décision audacieuse, Franck Gastambide doit surmonter un défi de taille : remplacer Apash dans le cœur des fans de Validé. Le pilote, puissant et haletant, avait marqué le public avec le freestyle du titre “Prison pour mineurs”, une grosse claque qui icônisait instantanément Clément comme rappeur crédible et talentueux. Même si le réalisateur évite judicieusement de trop se concentrer sur Apash et l’identité de son tueur, le spectre du emcee hante la saison 2 par sa puissance émotionnelle. Hatik était doué, autant pour le rap que pour le jeu, et son manque à combler était aussi compliqué que faire oublier Ned Stark aux amateurs de Game of Thrones.
Pourtant, Gastambide trouve un équilibre parfait dans la gestion émotionnelle de cette tragédie. La mort d’Apash et le chagrin de ses proches arrivent par petites touches, des moments plein de subtilité et de justesse dans l’écriture. On pense au flash-back du freestyle, aux discussions déprimantes entre William et Brahim à propos de leur ami ou encore à une scène spécifique du dernier épisode, où Saïdou Camara nous a littéralement brisé le cœur. Gastambide et ses auteurs font le deuil de Clément avec une belle sincérité et un équilibre remarquable, afin de laisser place à Lalpha sans tenter de la comparer à son alter ego décédé.
Le créateur de Validé s’en est allé dans une petite troupe de théâtre parisienne pour dénicher Laetitia Kerfa, la nouvelle rappeuse de la saison 2. Une comédienne pétillante et franchement douée, qui prépare un album solo hors de la série et possède donc une légitimité certaine pour reprendre le flambeau d’Apash. Toutefois, Lalpha tabasse moins que son homologue masculin. C’est d’autant plus vrai que sa scène de freestyle au début de la saison 2 n’a pas la même puissance émotive pour l’imposer aux yeux des fans. Il faudra prendre le temps de découvrir l’entièreté de la saison pour saisir son talent et son évolution, peut-être bien une métaphore sombre du parcours très difficile des femmes dans le rap game.
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La trajectoire de Sara est à la fois clichée et authentique. On retrouve des tropes propres à cet univers, dont le sexisme et la misogynie toxique de certains rivaux, voire maisons de disques, dans ce milieu. Mais Lalpha se bat aussi contre des injonctions maternelles poussives dont on se serait bien passés : elle est jeune, a déjà un enfant à charge et un ex-copain absent, violent et envoyé derrière les barreaux, incarné par un Saïd Taghmaoui toujours aussi intense et impressionnant de charisme. Là où on appréciait les références à Gomorra et aux séries mafieuses dans la saison 1, ce nouveau chapitre de Validé tombe parfois dans la caricature bas du front, en se concentrant davantage sur le côté gangster plutôt qu’artistique du rap.
D’un côté, la formule explosive du show continue d’assurer le spectacle. Avec son rythme haletant et ses cliffhangers omniprésents, Validé se regarde d’une traite avec un plaisir non dissimulé. On apprécie le retour de certains personnages secondaires emblématiques, comme Karnage et surtout Mounir, qui donnent des frissons à chacune de leur apparition. Les fans des rappeurs ne seront également pas déçus par les multiples caméos des stars du game : Alonzo, Soolking, Naps, Dinos et même Rohff s’offrent un passage plus ou moins réussi dans la saison 2. Le côté Entourage de Validé, pleinement assumé et recherché par ses créateurs, est toujours aussi palpitant à découvrir.
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Même si cette deuxième saison nous semble moins convaincante et attachante, Franck Gastambide a montré la voie pour plus de fictions françaises dans le monde du rap. Il invite de nouveaux créateurs à tenter leur chance sans avoir peur des retours parfois tranchants des acteurs du game, malgré sa sincérité et son envie d’explorer un milieu qui le fascine. Ce tremplin va d’ailleurs se concrétiser très bientôt avec Diana Boss, une série de France.tv Slash imaginée par Marion Séclin et avec la rappeuse Moon’A sur… une femme qui se lance dans les rap contests. Désormais, plus personne ne pourra éteindre ce mouvement entamé par le triomphe galvanisant de Validé.
Les deux premières saisons de Validé sont disponibles en intégralité sur MyCanal.