Lancée ce vendredi 3 mai sur Netflix, Tuca & Bertie est l’une de ces pépites qui passeraient presque inaperçues dans le brouhaha assourdissant de la Peak TV. Il est loin le temps où la plateforme lançait une série toutes les deux semaines.
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Désormais, difficile de se distinguer du capharnaüm qu’est devenue sa page d’accueil, surtout si les algorithmes ont décidé de ne pas être aventureux. La curiosité étant la meilleure alliée des sériephiles, faites-vous une fleur et regardez Tuca & Bertie : c’est l’une des meilleures nouveautés 2019 sur Netflix.
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Elle est le mariage réussi entre Broad City et BoJack Horseman. La parenté avec cette dernière saute d’ailleurs assez rapidement aux yeux, et c’est normal : c’est Lisa Hanawalt, productrice et dessinatrice du canasson dépressif, qui a créé Tuca & Bertie, une fable pleine d’inventivité, qui cultive une certaine bizarrerie et une identité férocement féminine (voire féministe), sur l’amitié entre deux trentenaires, et les petites joies et obstacles qu’elles rencontrent au quotidien.
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La buddy comedy (ou “comédie de potes” en bon français) a éculé tous les tropes possibles de la broculture (encore un anglicisme — pardon — que l’on pourrait traduire par “culture de potes”), on a vu toutes les configurations imaginables de ces relations super complices et amicales entre mecs, mais attention, dans la limite de ce que permettent les normes de virilité hétéro hein, faut pas pousser… Bref, les filles ont une revanche à prendre sur le genre, et ce sont elles qui pervertissent le mieux ses codes.
Tout le monde n’adhérera pas à l’univers de Tuca & Bertie, et c’est sans doute ce qui la rend si spéciale. Mais pour peu qu’on se laisse embarquer, cette série, entre crise de la trentaine et trip hallucinatoire à Birdtown, est un régal absolu. On devient alors les témoins privilégiés de la belle amitié entre Tuca, une femme toucan sans complexes doublée par Tiffany Haddish, sobre depuis six mois et qui a grandi sans mère, mais infatigable boute-en-train, et Bertie, incarnée par Ali Wong, une dame oiseau qui a le cœur sur la main, et est une perfectionniste angoissée par la vie.
À l’instar du générique, chaque pas de ces deux héroïnes sur le bitume fait pulser la ville qui les entoure. Le décor vivant, organique et joliment surréaliste est un personnage à lui tout seul, et il se fait bien souvent le reflet des états d’âme de Tuca et Bertie. Quand elles sont joyeuses, il explose de vie et de mouvements, quand elles se sentent exposées, il se fait menaçant. On vous incite d’ailleurs fortement à faire “pause” de temps en temps pour admirer le travail.
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Le point de départ sur le chemin de leur empowerment (les Québécois·es diraient “empouvoirement”), c’est quand Tuca, jusqu’ici vivant en coloc avec Bertie, son amie depuis la fac, doit changer d’appart (deux étages au-dessus) car celle-ci emménage avec son petit-ami Speckle, doublé par Steven Yeun.
La première va devoir apprendre à se prendre en main seule et affronter son passé d’alcoolique, quand la deuxième va questionner sa relation de couple, tout en subissant les assauts de deux prédateurs sexuels sur son lieu de travail. En dépit de sujets très sérieux, (elle atteint des sommets d’intelligence et de délicatesse dans l’épisode 9, “The Jelly Lakes”, mais on vous laisse découvrir de quoi il retourne) Tuca & Bertie est une série bien plus lumineuse que la désenchantée BoJack Horseman.
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Elle doit évidemment beaucoup à l’interprétation de ses deux actrices Tiffany Haddish et Ali Wong qui donnent toute leur personnalité à ces deux oiseaux et à l’écriture inspirée et inspirante de Lisa Hanawalt. Mais la série recèle aussi des trésors d’inventivité dans son animation, aussi belle qu’absurde : des séquences de flash-back, par exemple, sont illustrées par des marionnettes, ou du stop-motion. Tuca & Bertie est une comédie qui claque, qui frétille, qui twerke… et il y a décidément de très belles choses dans ces cervelles de moineau (et de toucan).