Autrefois, l’attente d’une nouvelle saison de The Walking Dead était un petit événement comme la sortie d’un nouveau chapitre de Game of Thrones. Mais ça, c’était avant. Depuis, Negan a massacré Glenn et Abraham tandis que Scott M. Gimple, ex-showrunner, a massacré la série. Après une saison 6 imparfaite mais haletante, The Walking Dead a enchaîné les déceptions, les intrigues soporifiques, les incohérences, les baisses de budget flagrantes à l’écran et un festival de grand n’importe quoi dans la première partie de la saison 8, inoubliable tant s’en était devenu ridicule.
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Après huit saisons foncièrement inégales, peut-on encore apprécier et croire en TWD ? Oui, nous crie haut et fort la scénariste Angela Kang, dépêchée au poste de showrunneuse pour cette neuvième saison. Ironie du sort face aux échecs successifs de trois hommes en charge, ce sera donc à une femme de sauver comme elle peut l’un des plus importants naufrages sériels de ces dernières années.
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Et disons-le sans détour : c’est très certainement la meilleure idée qu’ont jamais eu AMC et les grands pontes du show zombiesque à la vue de ce season premiere intense et réconfortant pour nos cœurs de fan meurtris.
Un nouveau départ
Dans les comics, “A New Beginning” correspond à l’arc suivant celui de la guerre contre Negan et ses Sauveurs (c’est aussi le titre de ce premier épisode). C’est une étape de reconstruction majeure pour les survivants, qui se déroule plusieurs années dans le futur. Incroyable mais vrai, après de nombreux épisodes d’égarement, Angela Kang et son équipe de scénaristes ont enfin décidé de recoller au matériau de base, trop vite oublié voire bafoué pendant les deux dernières saisons.
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Comment commencer cette saison sous les meilleurs auspices ? Greg Nicotero, réalisateur du season premiere, nous répond par un rire franc de Michonne, joyeusement entourée de Rick et Judith, dès les premières minutes de l’épisode. Attendez, on peut rire dans The Walking Dead ?! Blague à part, “A New Beginning” nous rappelle qu’avant de les voir grogner, souffrir et s’entre-tuer, on aimait ces personnages pour ce qu’ils étaient : des personnes douées d’humanité. N’allons pas jusqu’à dire que la série est feel good, mais un peu de bons sentiments n’ont jamais fait autant de bien à TWD.
Bien entendu, les Bisounours n’ont pas remplacé les zombies. Ces derniers sont très présents dans l’épisode, et même remis au centre de l’intrigue. C’est bien simple, il ne se passe pas 5 minutes sans voir du découpage de mort-vivant dans les règles. Les fans en manque de gore et d’action depuis quelques saisons prendront plaisir à voir nos survivants sur la route, dans des situations nerveuses et dont la mise en scène est assez intense pour nous procurer un sentiment de stress comme au bon vieux temps. On se surprend même à sursauter devant des jump scare bien sentis et assez inattendus pour être soulignés.
En réalité, ce premier épisode est frappé par une sacrée dose de nostalgie qui émouvra certains et que d’autres trouveront sûrement lourdingues. Par exemple, les rôdeurs sont filmés en gros plan pour nous remémorer le thème premier de la série, lancée huit ans auparavant. Carol fait référence à Ed, son ex-mari tyrannique, au détour d’une conversation, alors que Norman Reedus arrête de marmonner dans sa barbe. Daryl reprend clairement des airs badass avec son foulard de motard et tient enfin des lignes de dialogue qui ne s’arrêtent pas à des grognements gutturaux. Angela Kang a soigné la stupidité chronique de notre archer préféré, et on l’adoube déjà pour ça.
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Dans le même style, Maggie a été retravaillée. Traumatisée par la mort de Glenn, insatisfaite de la décision de Rick de laisser Negan vivre, elle penche doucement mais sûrement vers le côté obscur. La douce Maggie est en train de devenir une femme de pouvoir intransigeante, en prenant finalement des décisions qui la rapprochent de sa némésis. À travers l’exécution publique de Gregory, violente et choquante, c’est sa bonté et l’espoir du pardon loué par Carl dans ses derniers mots que la leadeuse de la Colline sacrifie. On n’avait pas vu tel retournement caractériel depuis belle lurette dans le show, et la plume féminine voire féministe (symboliquement, on est quand même dans une histoire où une cheffe femme tue l’ancien patron homme) d’Angela Kang vis-à-vis des personnages n’y est sûrement pas étrangère.
Biche, don’t kill my vibe
La saison 9 est donc celle de la reconstruction, l’heure de bâtir une nouvelle civilisation pour nos survivants. “Construire le futur en s’inspirant du passé”, explique Rick aux Sauveurs en faisant appel à une référence métafictionnelle. En effet, dans les coulisses de la série, on a appelé à la rescousse des vétérans (Angela Kang est scénariste sur TWD depuis la saison 2, Greg Nicotero est un vieux de la vieille, les clins d’œil aux premières saisons sont nombreux dans l’épisode) pour ériger quelque chose de frais, d’ambitieux. Même le générique macabre de la série s’offre un design moderne et tout simplement beau, dans la veine des séries prestiges signées HBO et rappelant l’esthétique des productions Marvel de Netflix.
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À l’écran, cette volonté de repartir sur de nouvelles bases est physiquement palpable. De l’éthanol comme carburant, des charrettes pour transporter des vivres, des panneaux solaires pour l’électricité… Encore une bonne idée, puisque le saut dans le temps est ainsi montré de manière particulièrement subtile. Cette intrigue inédite est plutôt palpitante à suivre, surtout quand le groupe de Rick se rend à Washington pour piller un musée et récupérer d’anciens artefacts afin de leur offrir une seconde vie. De nouveau, on retrouve les anciennes vibes de la série : la survie en milieu hostile, sur la route, où le danger rôde de toutes parts. Le passé n’a jamais été aussi judicieusement utilisé pour bâtir le futur que par Angela Kang.
Évidemment, il reste encore beaucoup de travail à la showrunneuse pour redorer le blason de The Walking Dead et tout n’est pas parfait dans ce season premiere. Certains écrans verts sont fades, symboles d’une production value toujours limitée (le souvenir de la biche en CGI hante profondément l’esprit de votre serviteur), Lauren Cohan en fait des tonnes pour faire ressortir la dark Maggie qui est en elle et Negan n’apparaît pas une seule fois dans l’épisode, au grand dam de ses fans. Aveu de faiblesse dans le traitement du personnage en saison 8 de la part des scénaristes, ou simple envie de se recentrer sur le groupe de héros ? Là encore, le reste de la saison nous le dira.
Par moments, la série retombe même dans ses pires travers. C’est le cas avec la mort de Ken, qui n’est pas le mec de Barbie mais un personnage random mordu par un zombie. Pourquoi tuer un inconnu ? Le spectateur ne ressent absolument rien lors de son trépas, n’ayant pas eu le temps de s’investir émotionnellement. Une sale habitude prise par le show depuis plusieurs années. De plus, le jeune homme succombe à ses blessures en trente secondes chrono, alors que certains infectés ont survécu à une amputation sans anesthésie par le passé… Bref, les incohérences sont toujours là mais pas assez énormes pour gâcher notre plaisir.
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Haïr et critiquer The Walking Dead est devenu tendance. Mais avec le vent de fraîcheur qui souffle sur cette saison 9, on se dit qu’il faut accorder le bénéfice du doute à Angela Kang. À travers ce season premiere prometteur, la showrunneuse nous réconforte dans l’idée de ne pas abandonner une série à qui l’on a consacré huit années de vie et d’émotions. Au-delà d’une victoire contre les zombies comme l’encourage la nouvelle civilisation de Rick, Angela Kang réaliserait un magnifique pied de nez à l’industrie télévisuelle en prouvant qu’une femme peut redonner ses lettres de noblesse à une série longtemps vendue pour les mecs et gérée par des mecs qui l’ont laissée dépérir. Finalement, en début de saison, c’est peut-être à la gueule du patriarcat que Michonne éclate de rire.
La saison 9 de The Walking Dead est diffusée sur AMC outre-Atlantique et en US+24 sur OCS Choc chez nous.