Survivants comme spectateurs, tout le monde est entré dans l’ère neganienne, pour le meilleur et pour le pire. Attention, spoilers.
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On le sentait arriver bien avant le cliffhanger du season finale de la saison 6 de The Walking Dead. Un peu comme si la mélodie de Casimir avait été sabotée : “Voici fini le temps des rires et des chants, dans l’île de Negan c’est tous les jours les tourments”, à fredonner sur l’air d'”Easy Street” pour encore plus de malaise. Après avoir réduit en bouillie la cervelle de deux héros de la série à l’aide de sa précieuse batte Lucille, Negan a assommé les fans du show à coups de “F-bombs“, de sourires narquois et de punchlines cinglantes et bigrement vulgaires. Mais comme de nombreux adeptes de The Walking Dead ne cessent de le répéter aux détracteurs de la série, ici ce n’est pas les Bisounours, alors Negan ne fera pas dans la finesse.
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Depuis son arrivée, une bonne partie des fans fuit The Walking Dead. La prestation de Jeffrey Dean Morgan, si acclamée à la fin de la saison 6, a lassé, horripilé, frustré. Certains spectateurs sont tellement en overdose qu’ils en viennent à dénigrer toutes les qualités de la série. Pourtant Negan, par le biais de son interprète, n’agit que pour instaurer une ambiance qui n’a jamais quitté The Walking Dead : les personnages évoluent dans un cauchemar permanent. Après celui des zombies, puis celui des survivants prêts à tout comme ceux du Terminal, place aux bâtisseurs dictatoriaux de la nouvelle civilisation dont Negan est l’architecte le plus en vue.
L’épisode “Sing Me a Song” nous a permis de pénétrer encore plus en profondeur dans l’antre des Sauveurs. À travers les yeux de Carl, on a découvert un Negan mégalomane, un Negan paternel ou encore un Negan avec un cœur. Oui, l’homme à la batte est irritant. Mais ça le rend terriblement attachant.
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Negan le tyran
Comme on l’avait aperçu dès le 3e épisode, Negan est un mégalo qui se complait dans sa puissance et son autorité exercées sur sa communauté. Dans sa forteresse, il a instauré un régime tyrannique, où il règne par la terreur. Pour appliquer sa loi, il a mis en place un système de points dont il use et abuse. Si l’un de ses Sauveurs vient à manquer à l’une de ses règles, il est alors puni par le fer. Contrairement à la violence dont a fait preuve le season premiere, à travers des séquences très critiquées, The Walking Dead utilise cette fois davantage le sous-entendu pour exprimer la torture physique et psychologique que Negan inflige à son peuple. Excepté quand il s’agit de faire un clin d’œil très fidèle au comic, de la case vers le plan.
Negan est également un sociopathe, un être impulsif qui n’a que faire des conventions et des codes culturels. Contrairement au reste des survivants qui essaie tant bien que mal de garder un semblant d’humanité en se raccrochant aux vestiges du passé, il balaie ces anciennes mœurs et intronise les siens. L’exemple le plus flagrant est son harem de femmes dont il se vante auprès de Carl. Negan est un Gepetto malsain qui tire les ficelles de ses fidèles en les terrorisant. Pour assouvir les résistants, il viole leur intimité. Littéralement pour les femmes, allégoriquement quand il demande à Carl d’ôter son bandeau pour observer pernicieusement son œil mort.
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Negan est narcissique et il profite de la présence de Carl pour faire une fois de plus preuve de sa fierté. Il montre au jeune homme à quel point il domine les autres quand il exulte à embrasser la femme de Dwight sous ses yeux. Même si Carl tient bon, Negan tente de lui inculquer les règles de son nouveau monde, de profiter de sa jeunesse pour en faire un être à son image. “J’aime bien mater ton œil dégueu de petit dur qui a la classe”, lance-t-il à Carl, comme si ce dernier représentait le miroir de son âme, sombre et profondément souillée.
Le système de Negan a toutefois ses failles, l’homme aussi et il ne se gêne pas pour le confirmer à Carl. Negan prétend ne pas se méfier de l’eau qui dort du côté d’Alexandria, du Royaume ou même de Jesus qui disparaît sous ses yeux. Il ne prête guère attention également à la colère de Dwight qui monte. Mais au terme de l’épisode, on comprend alors, comme un fauve qui se sent isolé et proche de la mort, que Negan n’est jamais aussi dangereux que quand il est menacé. Le plan final de “Sing Me a Song”, où Negan tient Judith dans ses bras et prend un bain de soleil sur la terrasse de Rick, résume parfaitement le malaise de la situation.
Negan le paternel
Si au début de l’épisode Carl est décidé à cribler de balles le corps de Negan, il semble par la suite être une oreille attentive. Alors qu’on se prend à s’étrangler devant notre écran, à lui sommer d’exploser la tronche du leader des Sauveurs quand il lui tend Lucille à plusieurs reprises, Carl ne peut s’empêcher d’être troublé par le charisme du bonhomme. Il y a une forme de complicité naissante entre les deux, comme si Carl buvait les paroles d’un gourou, de la même manière que l’organisation des Sauveurs s’apparente par moments à une secte. Carl voit peut-être en Negan une forme paternelle forte et rassurante, des sentiments que ne lui inspire plus son père, décidé à subir jusqu’à preuve du contraire l’autorité de son bourreau.
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À plusieurs reprises, l’épisode dévoile cette facette cachée de Negan : l’une de ses femmes procède à un test de grossesse et il montre à Carl la vie qu’il mène dans son sanctuaire, comme s’il s’agissait d’une passation de pouvoir d’un père à son fils. De la même manière, Negan se révèle tendre et son regard s’illumine quand il porte dans ses bras Judith. Force est de constater que Negan a un cœur enfouit sous sa veste en cuir et son torse bombé, même si ces sentiments surprenants pourraient rapidement s’évaporer après le mid-season.
Au fond, sur certains aspects, Negan et Rick se ressemblent. Les deux personnages entretiennent une relation comme Jack et Locke dans Lost, où l’homme de foi vient contrarier l’homme de science et inversement. L’un voit derrière ce monde apocalyptique une future utopie où il règne en maître, où tout est à faire et à créer, où il incarne ce guide spirituel auprès d’autrui. L’autre, en revanche, tue par nécessité, s’impose en chef car la collectivité le lui a demandé et cherche à se délester de ce lourd fardeau en amenant les siens dans un sanctuaire impérissable.
Negan le… comique ?!
Si le terme “comique” est un poil exagéré pour définir un trait de la personnalité de Negan, il faut reconnaître que certaines de ses actions sont complètement décalées par rapport à sa cruauté. De retour à Alexandria, Negan se promène en mode touriste et profite des moindres recoins de la maison de Rick, le tout en se pavanant pieds nus sur la moquette. Entre cet humour noir, sa prétendue tendresse envers Judith et ses excuses auprès de Carl après la scène du bandeau, les créateurs de la série ont probablement souhaité mettre en avant l’once d’humanité qui vit toujours en Negan. Contrairement au Gouverneur, il est capable de ressentir des choses et c’est peut-être cette lueur d’espoir qui le rend finalement si attachant et charismatique.
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Les prochains épisodes viendront nous le confirmer, mais ce comportement surprenant de la part de Negan pourrait cacher en vérité une noirceur d’âme encore plus terrifiante. En prenant ses aises, le leader des Sauveurs montre à toute la communauté d’Alexandria qu’il est ici chez lui. Que même sans la présence de Rick, il peut prendre le risque de poser sa batte et de retirer sa veste, d’ôter son masque sachant que tout le monde est terrifié par l’homme derrière les faux sourires et les vulgarités. L’esprit de Negan est tellement impénétrable qu’on ne sait jamais s’il va péter un câble et fracasser Lucille sur Carl ou encore broyer Judith entre ses mains.
Dans la scène où Carl chante, Negan se met à faire des mouvements hostiles avec sa batte comme s’il essayait de passer ses nerfs. Comme si, pour une fois, il nourrissait Lucille avec autre chose que du sang pour la satisfaire. Toutes ces séquences sombres, oscillant entre tortures psychologiques, violences physiques et viols sous-entendus créent un malaise persistant. Negan possède toutes les caractéristiques du diable, séducteur mais dangereux comme jamais. Si Batman a son Joker et Superman son Lex Luthor, on ne va pas se plaindre que Rick ait finalement trouvé sa némésis.
En France, la saison 7 de The Walking Dead est diffusée en US+24 sur OCS Choc.