Publicité
Une fin du monde imminente, des naissances aussi inexpliquées que spontanées à travers le monde, un trip sous acide, une mystérieuse valise, une super team qui a bien du mal à accorder ses violons, une violoniste sans fausse note mais diablement ordinaire, un chimpanzé majordome, un manoir plein de secrets, des voyages dans le temps et un duo de tueurs tout droits sortis d’un film de Tarantino… bienvenue dans la Umbrella Academy !
Publicité
Pour celles et ceux d’entre vous qui n’ont pas lu les comics, il s’agit donc d’une adaptation de l’œuvre de Gerard Way illustrée par Gabriel Bá, développée pour Netflix par Steve Blackman. C’est l’histoire d’une famille dysfonctionnelle et reconstituée. Sept enfants nés en même temps et de grossesses inexpliquées, recrutés par un aristocrate misanthrope aux ambitions cachées, Reginald Hargreeves, qui vont devenir des héros et héroïnes malgré eux/elles pour, une fois adultes, sauver le monde de l’apocalypse. Une ligue extraordinaire qui nous embarque assez aisément dans ses mésaventures et insuffle un petit parfum de folie à un genre qui a du mal à innover, sans toutefois trop se départir de certains tropes. Est-ce qu’on vous recommande The Umbrella Academy ? Absolument ! On a aimé, mais on a aussi quelques réserves. On fait le point.
Et on s’est dit qu’on allait d’abord arracher le sparadrap avant de lui passer de la pommade. The Umbrella Academy souffre d’un défaut assez commun mais qui, fort heureusement, peut être corrigé en saison 2 (si saison 2 il y a). La série a beau nous répéter, à travers le personnage de Numéro 5, qu’on n’a pas le temps de lambiner, elle échoue pourtant à donner à son intrigue ce sentiment d’urgence. C’est un syndrome dont sont souvent atteintes les séries super-héroïques de Netflix qui, jusqu’à présent, concernait surtout les productions Marvel. Elles ont toutes en commun, du fait de leur “binge-watchabilité”, de perdre de vue l’enjeu principal pendant une grande partie de la saison pour raccrocher les wagons, un peu à la hâte, dans les derniers épisodes. C’est une équation que les scénaristes bossant sur ces séries n’ont pas encore résolue, et c’est d’autant plus flagrant (et préjudiciable) dans des récits de “quête”, un des grands marqueurs des histoires de super-héros, parce que les rouages sont déjà très exposés aux yeux du spectateur.
Publicité
L’autre problème de The Umbrella Academy, c’est la prédictibilité de certains points d’intrigue (on parle ici, bien sûr, du public qui n’a pas lu les comics), et ce, en dépit de tous les efforts déployés pour nous mettre sur de fausses pistes. Difficile de donner des exemples concrets sans risquer le spoil. Disons simplement que la trajectoire de Vanya, si belle et touchante soit-elle, est, par sa position même d’”outsider”, un gros indice quant à la suite des événements. Mais alors, comment la série se relève-t-elle de ces faux pas ?
La réponse : en misant tout sur ses personnages et une identité à mi-chemin entre X-Men (pour les thématiques) et Preacher (pour le style). Oui, c’est un sacré grand écart. Suffisamment décalée pour être divertissante, The Umbrella Academy joue habilement entre l’humour, le drama et le besoin désespéré de ses protagonistes de mener une vie banale (à l’exception de Vanya, qui veut surtout être aimée en dépit de sa “normalité”).
Publicité
Ces justiciers et justicières n’en sont d’ailleurs pas vraiment. Enrôlé·e·s bien malgré eux/elles, et dès leur enfance, dans cette ligue des gamins extraordinaires, ils n’étaient pas des enfants sages, et ne sont pas devenu·e·s des adultes vertueux·ses. L’éducation autoritaire, que l’on peut sans problème associer à de la maltraitance, de Reginald Hargreeves ne leur offre comme seul espace de liberté que le temps de leurs missions. À cette occasion, kids will be kids, c’est l’heure de la récré, et ce grand défouloir les autorise à déchaîner toute la violence qui les habite. Ils ne connaissent alors aucune limite, surtout pas morale, à leurs pouvoirs.
Si les enfants de l’académie se sont assagis en grandissant, c’est surtout parce qu’ils et elles ont appris qu’il y a parfois un prix à payer. Et aujourd’hui, par-dessus le marché, et alors que leurs chemins s’étaient séparés, on leur demande d’empêcher l’apocalypse tout en tentant de survivre aux assauts constants d’un duo de tueurs psychopathes hauts en couleur, Cha-cha et Hazel (Mary J. Blige et Cameron Britton). Une vie qu’ils et elles n’avaient pas choisie, un destin qui les rattrape et le plus gros défi qu’ils et elles aient eu à affronter… Les membres de l’Umbrella Academy ont de quoi alimenter leurs névroses jusqu’à la fin des temps (qui, apparemment, est pour bientôt).
Écrire une série chorale implique quelques figures imposées. Notamment celle de consacrer le même temps d’écran à chaque personnage en explorant sa backstory, ses tourments, ses motivations ou non à rejoindre le groupe dans une mission commune. Cette tribu reconstituée est le cœur battant de The Umbrella Academy : séparément, ses membres réussissent à décrocher sans mal notre sympathie, mais c’est évidemment ensemble, ou dans les différentes relations qui les unissent, que cette team de héros et héroïnes involontaires brille le plus. Klaus, interprété par le chouchou de Misfits Robert Sheehan, est un junkie excentrique hyper attachant et drôle. Le statut d’outsider de Vanya, la sœur “ordinaire” de cette tribu de surdoué·e·s, jouée par la formidable Ellen Page, fait d’elle un personnage aussi fascinant que touchant auquel on s’identifie sans peine. Diego la fine lame, incarné par David Castañeda, aurait sans doute mérité un peu plus d’attention, mais son rapport à sa mère de substitution brise un peu la cuirasse du chevalier noir.
Publicité
Allison, sauvée par la prestation sans faille d’Emmy Raver-Lampman, n’a pas eu le traitement qu’elle méritait : tantôt présentée comme un “love interest”, tantôt comme une mère inquiète, sa réticence à utiliser ses pouvoirs fait qu’on ne la voit pratiquement jamais faire la démonstration de ses capacités qui, à n’en pas douter, sont bien supérieures à celles de ses frères. Numéro 5 est aussi très bien servi côté casting : Aidan Gallagher, l’air gringalet, parvient à lui donner une épaisseur et une maturité surprenantes.
Enfin, Luther, interprété par Tom Hopper, est probablement le moins intéressant de la bande. La faute, d’abord, au manque de charisme de l’acteur qui semble aussi mal à l’aise dans ce rôle que son personnage ne l’est avec son corps hors norme. Les tentatives pour nous pousser à l’aimer sont hélas un peu vaines, et le duo qu’il forme avec Allison ne fait que mettre l’accent sur son manque de substance. Sa backstory est, heureusement, plus intéressante que tout ce qu’il montre dans le présent. Le dernier épisode est un bel exemple de ce que la série a de mieux à offrir. Des points forts, des défauts très surmontables, un gros pouvoir d’attraction et une bonne marge d’amélioration, The Umbrella Academy séduit et laisse espérer une saison 2 palpitante.
La première saison de The Umbrella Academy est disponible depuis ce vendredi 15 février, sur Netflix.
Publicité