Crayon en main, Seth Rogen et Evan Goldberg n’ont peur de rien. Le duo derrière Preacher, dont la dernière saison arrive en août sur OCS chez nous, s’est lancé à l’assaut d’un comics de nouveau réputé comme inadaptable. Après les aventures blasphématoires de Jesse Custer, Rogen et Goldberg reviennent avec The Boys, transposition de l’œuvre trash signée Garth Ennis et Darick Robertson et publiée chez Dynamite Entertainment (Panini Comics en France) entre 2006 et 2012. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il vaudrait mieux éloigner les enfants de cette série jubilatoire et totalement NSFW.
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The Boys est une satire de l’Amérique et de ses super-héros emblématiques créés dans les écuries Marvel et DC Comics. Le show se déroule dans un univers où les surfemmes et surhommes sont connus de tous, célébrés et même vendus comme des produits marketing. Une équipe en particulier, les Seven, est gérée par une entreprise douteuse baptisée Vought. Officiellement, Homelander, A-Train, The Deep, Black Noir, Translucent, Queen Maeve et Starlight passent leur journée à sauver des vies, prendre des selfies avec leurs fans et veiller sur les États-Unis.
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Sauf qu’en réalité, les agissements de Vought ont pour objectif de prendre le contrôle du département de Défense du gouvernement. Ainsi, les Seven intégreraient l’armée américaine et pourraient intervenir dans le monde entier. Mais une bande de bras cassés, blessés indirectement voire traumatisés par les actions des “super”, va s’élever contre la corporation machiavélique et tenter d’abattre une à une ses armes bien plus létales que salvatrices.
Boys are back in town
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Le pilote de la série débute par une séquence sauvage qui annonce le ton de The Boys : la petite amie de l’innocent Hughie (Jack Quaid, fils de Dennis) est littéralement déchiquetée en petits morceaux après un passage éclair de A-Train. C’est à travers ses yeux de jeune adulte abattu et bouleversé que l’on découvre l’univers impitoyable de The Boys. Alors qu’il hurle de rage et de douleur face au responsable, Vought tente de couvrir l’affaire en lui proposant une importante somme d’argent.
C’était sans compter sur l’arrivée de Billy Butcher (Karl “Dredd” Urban, toujours aussi charismatique), un indic pour la CIA qui a lui aussi des comptes à régler avec les Seven. De là, Billy rassemble une équipe pour contrer les super de Vought, composée notamment d’un bricoleur fêlé appelé The Frenchie, d’un dur à cuire sensible baptisé Mother’s Milk et d’une asiatique muette mais féroce répondant au nom de The Female. Ces marginaux, qu’on a déjà le sentiment d’avoir aperçu plus tôt dans l’année dans The Umbrella Academy et Doom Patrol, proposent toutefois une vendetta irrésistible, sanglante et complètement barrée.
The Boys est une série chorale qui aime jouer sur les faux-semblants. C’est le cas des Seven, où le leader Homelander, pastiche de Superman et le plus puissant de la bande, est en réalité le pire des psychopathes. À l’inverse, le frêle Hughie est le premier à se débarrasser d’un super, dans une scène gore et tordante comme la saison va en proposer tout du long. Dans cette série, on retrouve ce qui faisait déjà le sel de Preacher, dont l’humour noir voire cynique qu’affectionnent tant Seth Rogen et Evan Goldberg : beaucoup d’hémoglobine et de membres déchiquetés, un soupçon de tragédie et une critique acerbe du gouvernement américain voire de la religion chrétienne.
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Cent pour sang
Si The Boys est complètement décomplexée dans sa narration et sa mise en scène, souvent très inspirée, elle tape fort sur les doigts de la législation Trump. Résolument politique et engagée, la série fait le parallèle entre armes de destruction massive et super-héros, qui ici se confondent pour devenir tout deux aussi instables et dangereux qu’une bombe nucléaire entre les mains d’un enfant. Quand Homelander crame des victimes innocentes, on a l’impression de voir le 45e président des États-Unis tweeter une nouvelle ineptie, plus bourreau que leader d’espoir pour son pays.
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Évidemment, The Boys invite aussi au premier niveau de lecture pour vivre un visionnage jouissif, poignant et souvent hilarant. Les créateurs de la série n’ont aucune limite dans leur imagination, allant de la rencontre d’un dauphin libidineux à un bébé avec des rayons laser dans les yeux. Loin d’être cheap, le show s’appuie sur une production value plus que suffisante pour créer des scènes de baston assez dantesques et violentes, principalement quand elles impliquent la bestiale The Female.
On ne va pas se mentir, The Boys a un petit air chaotique derrière ses personnages excentriques et son intrigue anticonformiste. Mais c’est justement parce qu’elle parvient à mettre du cœur, au sens aussi littéral que poétique, dans ce mélange des genres imprévisible, qu’elle n’en devient que plus géniale. Mieux encore, Rogen et Goldberg ont (presque entièrement) effacé les problèmes de rythme qui venaient entacher Preacher.
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Pour couronner le tout, la série insuffle beaucoup d’amour et de respect envers son œuvre de base (jusqu’à inviter Simon Pegg en guest pour une raison évidente) et réinventer, ou plutôt pervertir, les codes traditionnels du super-héros. Comme le disait si bien Thin Lizzy en 1976, “Boys are back in town”, et ils sont venus en découdre avec le politiquement correct. The Boys est sans aucun doute le blockbuster intelligent de l’été, dont on se délecte déjà de voir la saison 2, commandée récemment par Amazon.
La première saison de The Boys est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video.