De Westworld à Atlanta, les tendances de la rentrée 2016 des séries US

Publié le par Adrien Delage et Florian Ques,

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Escalade de violence, retour en force des séries familiales, échec des reboots et adaptations… Biiinge analyse les tops et les flops de cette riche rentrée 2016 des séries US.

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#1. Violence et surenchère

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La violence dans les séries, même si elle a toujours été présente et qu’elle attire un public en masse et favorise l’action, dérange. Ce fut le cas lors de la diffusion du season premiere de la saison 7 de The Walking Dead, assimilé à du “torture porn” par certains fans. Pourtant, l’utilisation de la violence à souvent quelque chose à nous dire. Dans le cas du show d’AMC, elle était aussi démonstrative afin de marquer le coup et de faire entrer les personnages dans une nouvelle apocalypse : le cauchemar instauré par les survivants de la menace zombie.

Westworld, le nouveau mastodonte de HBO, a aussi recours à la violence. Sous prétexte que les androïdes ne sont pas humains, ils peuvent se mettre sur la gueule à volonté sans troubler la conscience collective. À la manière du “torture porn”, cette violence gratuite reflète l’aspect le plus malsain de notre humanité.

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Dans Quarry, on a à faire à un autre type de violence. Conway souffre d’un syndrome de stress post-traumatique. Il faudra attendre le season finale pour que la tension et la brutalité atteignent leur paroxysme, dans une scène de guerre d’anthologie. Enfin, dans Black Mirror, la violence est sous-entendue, mais tout aussi traumatisante car elle affecte l’esprit : les thèmes futuristes développés sont assez proches de la réalité pour qu’on en souffre rien que de les imaginer IRL.

Enfin, il y a l’utilisation de la violence gore façon Evil Dead. Elle est tellement too much qu’elle en devient absurde, et provoque un effet comique. On ne croit pas une seconde à ces jets de sang exagérés et à ces têtes qui explosent en mille morceaux au moindre impact. Si Ash vs Evil Dead est un spécialiste du genre, la famille des comédies horrifiques gore s’est agrandie cette année avec Crazyhead ou encore Stan Against Evil.

#2. Marvel et Netflix remportent le combat des super-héros

Belle réussite pour l’association Marvel et Netflix. Les deux géants continuent d’asseoir leur domination sur le monde des justiciers en série. Dernière en date, sortie le 30 septembre : Marvel’s Luke Cage. Sur l’année 2016, le justicier afro-américain est le 5e show le plus regardé sur Netflix selon Business Insider. Il se place juste après la saison 2 de Marvel’s Daredevil et a réalisé de meilleures audiences que Marvel’s Jessica Jones. Marvel’s Iron Fist puis Marvel’s The Defenders, attendues pour 2017, ne devraient pas rencontrer de kryptonite capable de stopper cette vague de succès.

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Ce n’est pas un hasard si les séries Marvel/Netflix fonctionnent aussi bien. Elles proposent toutes une approche réaliste, un ton adulte et une personnalité propre qui les distinguent les unes des autres. Les méchants sont charismatiques (le Punisher, Cottonmouth, Kilgrave, pour ne citer qu’eux), les scènes de combats superbement chorégraphiées et les fans sont pris dans le tourbillon de la chasse aux easter eggs du Marvel Cinematic Universe.

En revanche, c’est la désillusion pour la CW et le Berlantiverse. Après une saison 4 décevante, due à des choix scénaristiques hasardeux et un antagoniste tout pété, les audiences d’Arrow sont en chute libre. La série du vigilante de Star City a perdu 20 % de son audience au début de la saison 5, comparé au season premiere de la saison précédente. The Flash est elle aussi en perte de vitesse. L’amertume éprouvée par les puristes des comics liée au pliage express de l’arc “Flashpoint”, les méchants décevants et la perte des gimmicks efficaces (le nouveau Cisco est ennuyeux à mourir) ont lassé. La saison 3 perd ainsi 500 000 spectateurs par rapport à la cuvée précédente.

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L’équipe des Legends of Tomorrow s’en sort tout juste mieux. Les audiences ont stagné entre la première et la deuxième saison malgré la perte du captivant Captain Cold (Wentworth Miller). Toutefois, les scénaristes ont eu l’ingéniosité de nommer Sara Lance (Caity Lotz), la chouchoute des fans, à la tête du crew. Le “girl power” est d’ailleurs synonyme de réussite, puisque Supergirl rencontre un bien meilleur succès sur la CW (2,5 millions de spectateurs en moyenne) que sur CBS. Bref, les anciens ont intérêt à remplir leur carquois d’idées nouvelles pour ne pas finir dans le monde alternatif terrifiant des séries annulées.

#3. Le retour de la valeur famille

Outre la violence sous toutes ses formes et les super-héros en collants moulants, une place toute particulière a été accordée à la famille cet automne. Fruit d’une promotion réfléchie et d’un bouche à oreille non négligeable, la très sympathique This Is Us s’est imposée comme une incontournable de la rentrée. Cette série doudou, parfaite pour les dimanches sous la couette, a su conquérir public et critique.

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Une bonne surprise quand on se rappelle que le dernier drama familial à la télévision publique US n’était autre que Parenthood, lequel s’est éteint dans l’indifférence générale. Si on a vidé un nombre incalculable de paquets de mouchoirs au long de six saisons poignantes à souhait, il va vite falloir refaire le stock pour This Is Us grâce à qui la relève est assurée. Dans la même veine, la méconnue Queen Sugar s’est faite remarquée par des prestations et une photographie bluffantes, sans oublier la patte inimitable d’Ava DuVernay (Selma).

De leur côté, les sitcoms font elles aussi la part belle à la famille, quelles que soient ses origines et sa composition. Si des comédies comme Modern Family et Black-ish sortaient du lot grâce à leur inclusivité culturelle, des nouvelles recrues se situent dans la même perspective d’ouverture d’esprit, n’en déplaise à un Donald Trump fraîchement élu. On pense notamment à Speechless et The Real O’Neals, toutes les deux récemment prolongées de quelques épisodes.

#4. Les dramédies d’auteur

Après l’annulation soudaine de Looking et l’inéluctable fin de Girls, le câble US se devait de leur dénicher de dignes successeuses. Le cru automnal de 2016 s’est plutôt pas mal débrouillé à ce niveau-là, avec les débuts prometteurs de quelques dramédies intimistes. Des œuvres personnelles, finement menées par des auteurs engagés, actifs devant et derrière la caméra. Début septembre, Donald Glover (aussi connu sous son nom de scène Childish Gambino) a initié la tendance. Le musicien/acteur/créateur s’est prêté avec brio à l’exercice du portrait social dans Atlanta.

Les artistes féminines n’ont pas été laissées pour compte. La décapante Pamela Adlon (Louie) parle maternité et Hollywood dans Better Things tandis que Tig Notaro s’inspire d’événements personnels pas très gais (décès de sa mère, cancer du sein) pour produire une petite série sans prétention et incroyablement touchante, One Mississippi. Plus récemment, c’est Issa Rae qui s’est lancée tête baissée dans la dramédie, à raison. Son bébé pour HBO, Insecure, donne davantage de visibilité aux personnes afro-américaines sans tomber dans les clichés. C’est une réussite sur tous les fronts.

#5. Le règne des “privileged white male”

Là où une majorité des networks américains est parvenue à proposer des têtes d’affiche variées et multi-culturelles, CBS jure toujours fidélité à son statu quo digne de l’ancien temps. Bull, Kevin Can Wait, Man with a Plan… toutes mettent en scène des hommes blancs hétéros aux vies aisées. Qu’ils soient experts en psychologie ou père de famille un tantinet macho, tous ces héros occupent une position de “grand sauveur” bien trop familière et déjà vue. Malgré tout, ces stéréotypes ambulants plaisent aux millions de téléspectateurs de la chaîne.

Dans cette même perspective, d’autres shows s’en tirent mieux. Designated Survivor cartonne, signant surtout le grand retour de Kiefer Sutherland sur le petit écran. De son côté, The Young Pope surprend par la complexité et la dualité d’esprit de son pape, bien aidé par le jeu de Jude Law. C’était pourtant mal parti : le jeune souverain pontife est un homme blanc et américain d’une quarantaine d’années, qui fume comme un pompier et ingurgite du Coca Cherry tous les matins. Alléluia, Paolo Sorrentino en a fait une figure personnelle de l’anti-héros.

#6. Copier, coller, supprimer

Entre cris de désespoir et soupirs d’exaspération, les reboots de MacGyver et Lethal Weapon (L’Arme fatale en VF) étaient au moins autant attendus que le nouvel album de Maître Gims. Contre toute attente, ces nouveautés de l’automne ont bravé nos a priori et se sont propulsées au top des audiences. Si ces œuvres et la flopée de projets d’adaptions en chantier (Ennemi d’État, Eternal Sunshine of the Spotless Mind) sont indicatives d’une chose, c’est probablement de la mort lente et douloureuse de l’originalité à Hollywood.

Mais tout le monde ne peut pas être aussi chanceux qu’un MacGyver version ado imberbe. Les remakes de longs-métrages n’ont pas tout à fait eu la cote auprès du public américain : Frequency chute doucement mais sûrement dans les audiences alors que The Exorcist ne captive pas davantage. Pour le coup, c’est regrettable, car ces dernières s’éloignaient du format procédural rébarbatif pour y préférer des storylines un brin plus poussées.

En bas de la pyramide, on retrouve sans grand étonnement de pâles copies des séries estampillées Shondaland, aussi crédibles qu’une contrefaçon made in China. Toutes deux au bord de l’annulation, Notorious et Conviction ont joué avec le feu en voulant se calquer sur le modèle qui a fait la fortune de Queen Shonda : une femme de pouvoir, des twists à n’en plus finir, des intrigues over-the-top… Sans succès. Au mieux, on a obtenu des plaisirs coupables en puissance. Olivia Pope et ses gladiateurs peuvent dormir sur leurs deux oreilles, et préparer sereinement leur retour, prévu en janvier 2017.