Les téléfilms de Noël sont-ils (vraiment) en train d’évoluer ? 

Publié le par Jennifer Padjemi,

©Netflix

Spoiler : un peu, mais pas vraiment. 

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On en a tous déjà vu au moins une fois dans notre vie, ils sont partout entre le début du mois de novembre jusqu’au début du mois de janvier, et ils mettent souvent en scène le même type de personnages, avec un scénario qui change à peine d’une fiction à l’autre. On parle bien entendu des films et téléfilms de Noël, qui passent régulièrement sur des chaînes comme M6 ou TF1, et bénéficient de très nombreuses rediffusions. Depuis quelques années, un changement s’est opéré, ils font même l’objet de créations originales sur des plateformes comme Netflix, et sont devenus le plaisir coupable de toute une génération. 

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C’est même un plaisir assumé, puisque la recette fonctionne parfaitement. Oubliez les grands récits de voyage comme Pôle Express ou les films devenus cultes comme Maman, j’ai raté l’avion. Ici, on parle de ces films entre la comédie romantique et le film de seconde zone, qui n’auront probablement jamais leur place au cinéma. La chaîne américaine Hallmark en est même la spécialiste. Depuis sa création au début des années 2000, elle en a produit et diffusé des centaines. En 2018, ses programmes ont attiré plus de 68 millions de téléspectateurs. Cette année, les producteurs ont décidé de lancer en grande pompe un compte à rebours et ont organisé un ChristmasCon pour les fans les plus vivaces, afin de rencontrer leurs stars préférées.

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Amour + tradition = la recette magique 

Les téléfilms de Noël sont un business qui rapporte énormément d’argent, et permettent notamment à des acteur·ice·s sur le retour de se refaire une santé et parfois de se spécialiser dans ce genre. Candace Cameron Bure (La Fête à la maison), Jesse Metcalfe (Desperate Housewives), Melissa Joan Hart (Sabrina, l’apprentie sorcière) ou encore Chad Michael Murray (Les Frères Scott) figurent régulièrement dans ces fictions télé. 

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Pour Norine Raja, journaliste culture et cinéma chez Vanity Fair, tous ces films relèvent d’une “formule gagnante”.

Les spectateurs seront toujours en quête d’un parfait ‘guilty pleasure’ pour occuper leurs soirées d’hiver. C’est la version grand public du Netflix and Chill. Et pour les chaînes, ce sont des productions à moindre coût – c’est une vraie industrie où tous les postes sont mutualisés et pour lesquelles les attentes sont très basses. L’idée est de faire du prêt-à-consommer et non du grand art, d’où le fait que certaines fictions virent à la parodie. Personne ne s’attend à gagner un Emmy Award, ce qui rend l’expérience plus fun et décomplexée des deux côtés.”

Si personne ne s’attend pas à gagner des prix pour ces performances, le cinéma n’est pas en reste et surfe aussi sur cette vague. Le dernier film de Paul Feig, Last Christmas, vient de sortir sur grand écran avec dans les rôles principaux Emilia Clarke et Henry Golding, et à l’écriture Emma Thompson, qui joue elle-même dans le film. On se souvient de Love Actually ou The Holiday qui ont rencontré un vif succès populaire et sont entrés au rang des films de Noël qui comptent, casting cinq étoiles compris. 

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Francine, une avocate d’une trentaine d’années avance : C’est exactement ce qui me plaît, le manque de réalisme et le côté fleur bleue. On ne pense à rien en regardant ce genre de films. Il y a toujours des happy ends, beaucoup de positivité et c’est ça que je recherche pour les fêtes de fin d’année. Ce sont toujours des feel good movies.” 

Pour Megan, étudiante de 24 ans, cette logique rodée est rassurante. “Les personnages, les situations et même les dialogues, tout est familier et connu. Et le plus important : la fin est toujours heureuse. C’est facile d’identifier le rôle de chacun et surtout ça donne une vision complètement irréaliste et bon enfant du monde qui fait du bien et qui permet de maintenir l’illusion de ‘la magie de Noël’ pour les adultes.”

Plus inclusif ou plus opportuniste ? 

En plus d’avoir des scénarios qui se ressemblent, vacillant entre la journaliste en reportage qui tombe amoureuse de l’homme qu’elle va interviewer, ou de la femme “aigrie” qui devient “gentille” quand elle découvre que le Père Noël existe vraiment, ces films reproduisaient, jusqu’à il y a très peu de temps, toujours les mêmes dynamiques : une femme, un homme, la recherche de l’amour à tout prix, un casting principalement blanc (même s’il y a une tradition des films de Noël dans les Black Movies) et des rôles de femmes pas vraiment révolutionnaires.

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L’objectif est de plaire à un public familial et universel, d’où le fait que les valeurs ‘nobles’ et la quête de l’amour soient au premier plan. Mais c’est toujours une quête du prince charmant, parfois au sens propre, justement pour ne pas choquer dans les chaumières. À part dans Home for Christmas, la série de Netflix, j’ai rarement vu une de ces héroïnes avoir une vie sexuelle”, souligne Norine Raja. 

Les plateformes de streaming sont venues bousculer tout ça, avec des propositions nouvelles en diversifiant les castings, mais aussi en proposant des scénarios plus actuels, où les réseaux sociaux ont leur place, avec des arcs narratifs moins classiques, pour correspondre à une audience plus jeune et connectée. The Holiday Calendar ou encore Flocons d’amour font partie de ces nouveautés. Megan, elle, n’est pas totalement convaincue : “le changement se sent et c’est admirable, mais parfois ça n’est pas très finement amené. On a l’impression qu’ils ont un cahier des charges en féminisme et en inclusivité à remplir.”

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Est-ce que les téléfilms de Noël arriveront un jour à se diversifier et à changer leur recette, tout en conservant leur succès ? “Pourquoi pas ?, nous dit Norine Raja. D’un point de vue général, il y a des progrès : OWN, la chaîne d’Oprah fait des programmes avec des héros afro-américains, Lifetime offre plus de diversité aussi. En France, ce qu’on voit à la télévision reste encore très consensuel, blanc et hétérocentré. Il faut se tourner vers les plateformes de streaming pour avoir un tout petit peu plus de diversité, mais les romances homosexuelles sont souvent au second plan. Il y a encore des résistances, c’est sûr. Hallmark s’était dite prête à diffuser un film de Noël avec un couple gay, mais de l’autre côté, la chaîne boycotte une simple publicité avec deux femmes qui s’embrassent. Toujours cette peur de s’aliéner le public conservateur, je pense. Donc il y a encore du travail…” 

Quoiqu’il advienne, l’essence d’une fiction de Noël est de procurer du plaisir à la personne qui le regarde, peu importe sa qualité ou son niveau d’inclusivité, comme nous le rappelle Megan. “Que le film soit bon ou mauvais, dans les deux cas j’y trouve mon compte. Certains films sont bons. Quand le film est mauvais, je le regarde comme une comédie, avec mes proches (surtout ma mère), pour le critiquer et rigoler. Quand il est bon, on finit par pleurer comme des gamins.”