Le deuxième épisode de Taboo fait la part belle au personnage de Tom Hardy et introduit de nouvelles forces en présence captivantes. Attention, spoilers.
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Le deuxième épisode de Taboo confirme nos sentiments à l’égard du pilote : on assiste bien au Tom Hardy show. Si certains seront dubitatifs, d’autres seront ravis et se laisseront happer par la quête de vengeance menée par James Keziah Delaney. Une vendetta qui s’intensifie dans ce deuxième épisode et vient obscurcir une intrigue déjà complexe, de par son époque mais aussi par des dialogues très littéraires qui peuvent décontenancer au premier abord. Reste la prestation impériale de Tom Hardy, physiquement et vocalement imposant, qui risque bien de vous convaincre de rester malgré les quelques longueurs de l’épisode.
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Taboo ne s’emballe pas vraiment dans cette deuxième partie. D’un côté, Tom Hardy, son père Chips et Steven Knight ont huit épisodes d’une heure environ pour développer leur intrigue. Le créateur de Peaky Blinders a d’ailleurs confié lors d’une conférence de presse des Television Critics Association que Taboo méritait au moins trois saisons. Bref, on prend son temps pour poser une intrigue à première vue bien huilée dont on a du mal à saisir tous les enjeux en cours.
La série se dirige lentement mais sûrement vers un slow burner, à la manière de Breaking Bad ou plus récemment de Quarry. Certains spectateurs s’ennuieront rapidement et n’auront pas la patience de chercher à comprendre pourquoi les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne se disputent la baie de Nootka. Difficile de leur en vouloir tant la série paraît parfois prétentieuse avec ses plans hauts en couleur et ces séquences où Tom Hardy apparaît comme un crâneur agaçant et un personnage omniscient.
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Nouveaux personnages mais rôles décevants
À l’inverse, certains seront fascinés par l’atmosphère glauque et sombre de la série. On pense à Charles Dickens en voyant Delaney évoluer dans ce Londres en clair-obscur, mais la photographie soignée de Taboo rappelle également le cinéma parfois grisant de Roman Polanski. C’est somptueux et le réalisateur Kristoffer Nyholm semble s’amuser à observer le personnage de Tom Hardy simplement marcher. L’acteur se pavane avec une aisance et une grâce étonnantes dans son manteau couleur d’encre, Kristoffer Nyholm le filmant régulièrement de dos comme Christopher Nolan aurait pu filmer son Batman, la cape en noir traînant derrière lui pendant qu’il arpente les rues de Gotham City.
Cette façon de filmer prend sens via la narration, car James Kenziah Delaney est revenu d’Afrique pour appliquer la loi du Talion et mettre à mal la Compagnie britannique des Indes orientales. C’est un vengeur, un vrai, qui compte bien renverser le nouvel ordre mondial. Car la Compagnie britannique des Indes orientales représentait à l’époque ce que sont aujourd’hui les GAFA. Une entité qui effraie et fascine à la fois le monde entier, sorte de mini-nation financière plus riche que certains pays et que les gouvernements préfèrent avoir dans leur poche plutôt que de risquer de les contrarier.
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Tout comme il incombe à James Keziah Delaney de préserver l’héritage de son père, il incombe à Tom Hardy de porter Taboo à bout de bras. Et c’est un peu le défaut de la série, qui délaisse à tort ses personnages secondaires pourtant incarnés par un très solide casting. Voyez plutôt : l’épisode 2 nous a offert de belles surprises en introduisant les personnages de Michael Kelly (House of Cards), de Stephen Graham (Al Capone dans Boardwalk Empire) ou encore de Mark Gatiss (Sherlock), méconnaissable dans le rôle du prince régent grincheux et grassouillet. Mais aucun d’entre eux n’a réellement d’impact sur l’histoire pour le moment.
C’est pire du côté des personnages féminins
C’est pire quand on regarde du côté des personnages féminins, complètement délaissés (trois femmes à l’écran sur 55 minutes d’épisode c’est relativement peu, et ce sans être féministe) et très sexualisés. Entre un inceste à peine sous-entendu entre Delaney et sa sœur, une tenancière d’un bordel qui passerait IRL pour une groupie de Tom Hardy (d’où la réplique “je te veux en moi” ?) et une actrice à première vue évoluant sous le joug de mystérieux outsiders, les femmes de Taboo ne sont pas très bien servies et souvent assujetties à Delaney.
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Alors oui, c’était à l’époque de la Révolution industrielle, durant laquelle les femmes devaient encore se battre pour travailler, étaient considérées comme inférieures aux hommes car elles s’occupaient de faire tourner la maison, mais entendre Jonathan Pryce toutes les traiter de “whores” (“putes”), ça fait mal aux écoutilles.
Le problème n’est pas tant d’être fidèle à l’Histoire et de respecter les conditions et les mœurs de l’époque, mais plutôt d’accorder aux personnages féminins une place secondaire, un caractère en retrait. Surtout à une époque de Peak TV où les femmes s’emparent du devant de la scène (les détenues d’Orange Is the New Black, Dolores dans Westworld, Tulip dans Preacher, Cersei dans Game of Thrones pour ne citer qu’elles).
Malgré ces quelques défauts, les cinq dernières minutes de l’épisode affolent les compteurs et promettent du changement. Déjà car Delaney rassemble des forces autour de lui et que parmi celles-ci se trouvent des femmes qui auront enfin l’occasion, on l’espère, de s’exprimer. Ensuite, car le passé de Delaney, retranscrit à l’écran à travers ses flashbacks slash visions façon trip sous LSD, fascinent notre imagination et donnent envie de voir immédiatement le prochain épisode. Si on peut éprouver quelques retenues à visionner la série, il n’y a en revanche aucun tabou à souhaiter la suite instantanément.
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