MotherFatherSon (Angleterre)
Max est un magnat américain des médias, son fils Caden dirige un grand journal britannique et son ex-femme Kathryn est bénévole pour une association de SDF. Richard Gere, Billy Howle (Dunkerque) et Helen McCrory (Polly dans Peaky Blinders) compose une famille rongée par le pouvoir et l’argent et un patriarche impitoyable, qui n’est pas sans rappeler le J. Paul Getty campé par Donald Sutherland dans Trust.
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Dans cette série bouleversante, entre drame familial et thriller politique, les trois acteurs mènent une partition de haute volée à travers un récit sur l’autodestruction et l’influence d’un mâle alpha sur son entourage. Les deux premiers épisodes se concluent sur un cliffhanger particulièrement violent qui nous secoue les tripes, même si les effets de MotherFatherSon sont parfois trop appuyés. Hormis quelques dialogues pompeux et un rythme en dents de scie, la série britannique est chirurgicale dans sa mise en scène et virtuose dans son interprétation. Richard Gere ne pouvait mieux tomber pour son premier rôle principal sur le petit écran. (AD)
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La Dernière Vague (France)
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La tournure de phrase peut sembler surréaliste et pourtant : avec La Dernière Vague, France 2 ose la série de genre et plus précisément la voie périlleuse des séries dites high concept aux États-Unis, dans la droite lignée de Lost et ses héritières aléatoires. Dans un petit village côtier des Landes, dix surfeurs disparaissent subitement lorsqu’un nuage menaçant s’abat sur eux. Après plusieurs heures de recherches, ils réapparaissent mystérieusement sur la plage, sains et saufs, même si certains commencent à développer d’étranges capacités.
À la croisée de Heroes, The Crossing ou encore Manifest, également présentée au Festival Séries Mania dans la catégorie “Best of USA”, La Dernière Vague est un effort à souligner pour une chaîne aussi conservatrice que France 2. Malgré des dialogues peu inspirés et des premiers rôles hasardeux, le pitch tient en haleine et la série s’attarde judicieusement à cultiver ses personnages avant son mystère. On suivra avec attention la trajectoire de Capucine Valmary, jeune révélation de l’œuvre, qui nous évoque le magnétisme de Garance Marillier dans Ad Vitam. (AD)
Lambs of God (Australie)
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Margarita, Iphigenia et Carla cohabitent, coupées du monde extérieur, sur une presqu’île océanique. Ces trois religieuses d’âges variés vivent ainsi en autarcie depuis des années, étant les toutes dernières bonnes sœurs de l’Ordre de Sainte-Agnès. Oubliées de tous, elles ont appris à subsister dans un monastère vétuste, faisant passer leur foi avant tout. Lorsqu’un jeune prêtre débarque sur leur terre d’exil avec pour but de vendre le domaine, leurs limites et convictions seront mises à rude épreuve.
Portée par un casting bluffant allant d’Ann Dowd (The Handmaid’s Tale) à la prometteuse Jessica Barden (The End of the F***ing World), cette mini-série importée du pays des kangourous se pare d’une atmosphère mystique et oppressante brillamment travaillée. Par-dessus tout, Lambs of God est un portrait glaçant de femmes poussées dans leurs retranchements, en lutte contre la modernité et, plus métaphoriquement, contre le patriarcat. (FQ)
Une île (France)
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Comme le trahit son nom évocateur, Une île s’intéresse à, oui, une île secouée par une pénurie de pêche ainsi qu’une flopée de morts inexplicables. Tous ces problèmes coïncident avec l’arrivée de Théa, une femme énigmatique et envoûtante qui sème le trouble dans son sillage. Au milieu de tout ça, Chloé, une jeune vingtenaire orpheline, s’apprête à voir sa vie monotone changer du tout au tout.
L’an passé, nos amis ricains s’attaquaient au mythe des femmes-poissons avec des séries mi-figue mi-raisin comme Siren et Tidelands du côté de Netflix. Toutes deux passables, elles sont d’emblée surpassées par Une île, production française qui s’approprie la figure de la sirène et l’orne d’une réalisation léchée et mystique appréciable. Le pitch reste jusqu’ici un poil prévisible, mais il est sublimé par un casting convaincant, mené par une Laetitia Casta à l’aise en femme fatale vengeresse. (FQ)
Chambers (États-Unis)
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Sur un pitch aux allures de téléfilm du dimanche après-midi sur M6 – après un accident cardiaque, une jeune femme se retrouve avec un nouveau cœur qui semble toujours habité par son ancienne propriétaire – la série créée par Leah Rachel nous embarque dans un trip inattendu aux frontières de l’horreur et de l’étrange, avec pour toile de fond les paysages sublimes et menaçants de l’Arizona. Cette prochaine série Netflix – qui sortira le 26 avril prochain – est aussi intrigante sur le fond que sur la forme.
Inspirée, la réalisation signée Alfonso Gomez-Rejon (American Horror Story) pour le premier épisode réserve autant de moments poétiques qu’oppressants, sans parler de quelques jump scares bien sentis. Chambers explore le white privilege à travers Sasha, son héroïne métisse et pauvre (incarnée par Sivan Alyra Rose), propulsée dans un monde de riches familles blanches – représenté par les parents en deuil de la donneuse, interprétés par les convaincants Uma Thurman et Tony Goldwyn. Cette communauté parfaite (en apparence évidemment) est baignée de philosophie New Age, ce qui donne à Chambers des allures de The OA horrifique qui aurait rencontré Veronica Mars (série qui repose sur la polarité entre les classes sociales, et qui débute par la mort suspecte d’une jeune fille riche). Cet ovni sériel semble avoir la capacité de prendre des directions complètement inattendues. (MO)
The Virtues (Royaume-Uni)
Grande favorite du festival cette année, The Virtues signe le retour aux affaires de Shane Meadows, cinéaste et showrunner connu pour sa saga de l’Angleterre punk, This is England (un film, trois mini séries). Dans le style brut de décoffrage et ultraréaliste qu’on lui connaît, il s’intéresse cette fois à la trajectoire de Joseph, un père de la classe ouvrière en pleine crise existentielle. Quand son ex-femme décide de déménager en Australie avec leur jeune fils, cela réveille chez lui les vieilles blessures d’une enfance traumatisante.
Entre fragilité et explosivité, Stephen Graham fait des étincelles dans le rôle principal, celui d’un homme brisé de l’intérieur, qui se réfugie dans l’alcool quand son seul point de repère, son fils, est sur le point de le quitter. Si The Virtues en fait un peu trop pour montrer l’émotion brute de son héros – à coups de scènes au réalisme cru, très étirées – la mise en scène est en réalité très maîtrisée, derrière la sensation d’improvisation qu’elle peut donner. Elle est accompagnée d’une bande-son délectable, signée par, excusez du peu, PJ Harvey. On aime ou pas le style de Shane Meadows. Il a dans tous les cas le grand mérite de donner une voix à celles et ceux que l’on n’écoute pas et que l’on ne filme pas.
Mytho (France)
C’est la réussite française la plus éclatante de Séries Mania. Écrite par Anne Berest, Mytho, prochainement diffusée sur Arte, raconte le gros mensonge d’une mère qui croule sous la charge mentale à force de s’occuper – en plus de son travail chiant d’assureuse – de la gestion d’un foyer familial composé de trois enfants (deux ados, une petite fille) et d’un père photographe et infidèle, inconscient du travail que fournit sa compagne au quotidien. À la suite d’une fausse alerte médicale, et parce qu’elle se sent tous les jours un peu plus transparente, Elvira se retrouve à faire croire à son entourage qu’elle est atteinte d’un cancer du sein.
Cette comédie de mœurs post Me Too – la notion charge mentale a été popularisée surtout ces derniers mois – est portée par l’irrésistible Marina Hands, accompagnée par Mathieu Demy, parfait en père de famille attachant et égoïste (oui, on peut être les deux). Le reste du casting qui compose cette tribu est au diapason. Les personnages des enfants sont clairement ancrés dans la société de 2019, avec notamment la présence d’un ado non-binaire. La réalisation, signée Fabrice Gobert, accompagne avec délicatesse cette dramédie en liberté, tantôt émouvante et mélancolique, tantôt hilarante. Mytho, c’est la bouffée d’air frais d’un festival à la programmation au demeurant plutôt austère et sérieuse. (MO)
Un article écrit par Adrien Delage, Florian Ques et Marion Olité.