She’s Gotta Have It
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Reboot du film éponyme de Spike Lee datant de 1986, cette version sérielle et modernisée de la vie d’une millennial vingtenaire, polyamoureuse et en quête d’elle-même, est une réussite. D’abord parce que la série donne la parole à une femme noire (représentant l’intersectionnalité, soit le fait d’appartenir à deux minorités, ici les femmes et les personnes noires) et c’est encore trop rare, ensuite parce qu’elle le fait très bien.
Les questionnements de Nola Darling sur sa vie amoureuse, sa condition de femme noire et son art la conduisent à ne pas savoir toujours ce qu’elle veut, mais en tout cas, elle sait ce qu’elle ne veut pas : être possédée. Ni par des hommes, ni par des femmes, ni par ses parents. Nola se bat constamment pour sa liberté, qui passe autant par ses peintures que par sa volonté – qui peut paraître féroce – de ne pas s’engager dans une quelconque exclusivité. Avec en creux, cette réflexion : vous aimez Nola, vous aimez les femmes ? Cessez de penser que vous savez ce qui est bon pour elles. Écoutez-les, beaucoup d’entre elles cherchent leur place dans cette société en pleine évolution. Comme Nola, elles ne savent peut-être pas encore ce qu’elles veulent. Mais elles savent désormais que personne n’a le droit de décider quoi que ce soit à leur place.
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Big Little Lies
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En plus d’avoir un casting hollywoodien cinq étoiles à en faire pâlir plus d’un de jalousie (on retrouve tout de même Nicole Kidman, Reese Witherspoon et Laura Dern dans une seule et même série, rien que ça), Big Little Lies peut se targuer d’être l’une des nouveautés les plus féministes du cru 2017. Dans un premier temps, parce qu’elle braque sa caméra sur ses héroïnes, brillantes comme imparfaites.
À aucun moment la série estampillée HBO n’essaie de les mettre sur un piédestal ou de les enjoliver : on découvre des personnages complexes, tiraillés entre leurs différents rôles au quotidien – mère, épouse et surtout femme accomplie. Big Little Lies renforce encore davantage cette prise de position avec le dénouement fatidique de sa première saison, où ces femmes s’entraident pour lutter contre la violence qui les menace. Une scène puissante dans sa symbolique, faisant de ces justicières improvisées de véritables figures anti-patriarcat.
The Handmaid’s Tale
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Acclamée par la critique, The Handmaid’s Tale a indéniablement pris d’assaut la sphère sérielle. Et franchement, ça se comprend. En plus d’une réalisation hypersoignée et d’une atmosphère singulière, le hit de la plateforme Hulu s’est démarqué grâce à son propos aussi féministe que glaçant.
En mettant sur pied une dystopie où le patriarcat est poussé à son paroxysme à l’aide du radicalisme religieux, cette série fascinante illustre les dérives que pourrait subir notre cher monde occidental. Plus qu’un divertissement efficace qui fait travailler les méninges, The Handmaid’s Tale peut être perçue comme un avertissement à tous ceux qui considèrent leurs libertés comme acquises et immuables. Ce n’est pas pour rien que le costume des Servantes est régulièrement utilisé par les manifestant·e·s qui luttent contre les lois anti-avortement que tente de faire passer l’administration Trump ces derniers mois. Heureusement, voir une figure comme l’indémontable Offred s’ériger à l’écran, ça donne de l’espoir.
The Bold Type
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Plus légère, The Bold Type n’en demeure pas moins pertinente dans ses thématiques et le traitement de ses protagonistes. En nous présentant Kat, Jane et Sutton, trois BFF bossant pour un magazine féminin, on doit avouer qu’on était plutôt sceptiques. Pourtant, mieux qu’un Sex and the City édulcoré pour ados prépubères, cette série sans prétention n’a cessé de nous surprendre épisode après épisode.
Bien qu’elle ait recours à plusieurs facilités scénaristiques propres aux programmes de la chaîne (qui est derrière Pretty Little Liars, entre autres), The Bold Type a fait de son trio d’héroïnes une pure armada garantie 100 % féministe. Les nanas du show savent se respecter et se faire respecter, quitte à faire passer leurs besoins personnels avant ceux des hommes de leur entourage. Par exemple, on n’a jamais vu une rupture aussi honnête et mature que dans cette série. The Bold Type a le mérite de rendre son féminisme universellement compréhensible pour toucher un maximum de jeunes femmes et hommes. Un choix assurément judicieux.
I Love Dick
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Sans doute la série féministe de l’année la plus compliquée à résumer car la plus conceptuelle, très en prise avec le monde de l’art contemporain. S’appuyant sur l’autofiction de Chris Kraus sortie en 1997, Jill Soloway adopte le point de vue d’une femme quarantenaire, alors cinéaste frustrée et mariée depuis des années à Sylvère, chercheur à l’université. En l’accompagnant à Marfa au Texas, où il doit assister à un colloque autour de l’Holocauste (fun !), elle va tomber raide dingue de Dick, un cow-boy artiste qui bosse avec son mari. Elle commence à lui écrire des centaines de lettres enflammées.
Avec cette démarche jusqu’au-boutiste, Chris va bousculer le cliché de l’obsession amoureuse (c’est mal, ça sert à rien, c’est un truc de femmes) et de “la femme hystéro”, s’interroger sur son mariage qui part à vau-l’eau depuis bien longtemps et sur son art. Cette loseuse attachante (incarnée par la géniale Kathryn Hahn) va finalement conduire les deux hommes de sa vie à s’interroger sur leurs propres identités intimes et artistiques et sur leur vision de Chris. L’art sert ici de point de départ à la libération sexuelle et intellectuelle de la femme. Et Jill Soloway se fait la cheffe de file du mouvement du female gaze.
Crazy Ex-Girlfriend
Depuis trois saisons, Rachel Bloom nous offre le meilleur des deux mondes : une comédie déjantée, qui ose tout et ne s’excuse de rien, avec des chansons mémorables, et une série féministe qui assume de front les paradoxes de son héroïne, tiraillée entre ses idéaux et sa dépendance affective à un homme qui ne lui montre finalement que très peu d’intérêt.
La créatrice de la série, Rachel Bloom, revendique son droit à rire ou discuter de toutes les situations dont on apprend aux femmes à avoir honte : le sexe pendant les règles, les problèmes gastriques, les infections urinaires qui surviennent après des rapports sexuels, leur propre corps, l’inconvénient d’avoir des gros nichons, l’obsession pour un homme, les rapports avec une mère abusive… Ajoutez à cela une exploration sans compromis de la maladie mentale et vous obtenez l’une des œuvres télé les plus fraîches, sous-estimées, et poignantes de ces dernières années.
Wynonna Earp
Elle est passée sous le radar de beaucoup de critiques, et c’est franchement un crève-cœur. Cette petite série fantastique diffusée sur SyFy depuis maintenant deux saisons n’est pas juste un pur divertissement, c’est aussi, dans ses thématiques féministes, une digne héritière de Buffy. Une élue, seule à pouvoir terrasser les démons qui pullulent dans son bled, prend autant son pied à remplir sa mission (qui lui pèse aussi parfois) qu’à descendre des shots au saloon du coin ou à s’envoyer en l’air avec les mecs qui l’entourent. Rien à foutre de ce qu’on peut penser d’elle.
Dans la dernière saison, fait rarissime, la grossesse de l’actrice principale, la pétillante Melanie Scrofano, est totalement intégrée à la narration. Et au lieu de voir ça comme une faiblesse, notre Wynonna continue de botter des culs et de balancer ces catchphrases politiquement incorrectes. Mais Wynonna Earp, c’est aussi le couple lesbien le plus mignon et sexy que vous verrez à la télé en ce moment, formé par Waverly et Nicole. La série, écrite par une femme, prend un malin plaisir à défoncer les clichés et à mettre en avant des héroïnes complexes, tantôt badass, tantôt fragiles, qui font front commun dans l’adversité.
Un article écrit par Delphine Rivet, Florian Ques et Marion Olité.