Schitt’s Creek arrive enfin en France, et voici pourquoi vous ne devez pas passer à côté

Publié le par Delphine Rivet,

© CBC

Après une année 2020 toute pourrie, laissez tous vos problèmes derrière vous et embarquez pour Schitt's Creek.

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À l’heure où le cynisme est roi, elle s’est imposée comme une parenthèse enchantée. Une utopie faite série, jamais naïve mais toujours bienveillante, et qui se paye en plus le luxe d’être délicieusement drôle. Mais quelle est cette sorcellerie ? Cette audace, on la doit à la canadienne Schitt’s Creek, créée par Daniel Levy, longtemps passée sous le radar et qui a raflé sans prévenir une flopée de récompenses aux derniers Emmy Awards. Cette comédie, qui s’est achevée après six saisons et au sommet de sa gloire durement (et lentement) gagnée, attisait soudain la curiosité. Tout à coup, le monde n’avait plus qu’une question au bord des lèvres : qu’est-ce Schitt’s Creek et pourquoi ses gifs ont envahi mon fil d’actu Twitter ?

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Déjà, petit message de service : les fans de la première heure ont immédiatement décelé le potentiel de cette comédie, before it was cool, et clamaient ses louanges même si cela impliquait souvent de se prendre des regards pleins de dédain ou d’indifférence des sériephiles “pointu·e·s”. On exagère à peine. C’est le lot de bien des comédies qui, si elles ne sont pas provocantes, méta ou super edgy, ne méritent pas les éloges ou même l’intérêt des critiques.

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Heureusement pour vous, chez Biiinge, on a une affection toute particulière pour les outsiders. Il aura tout de même fallu six saisons et 15 nominations aux Emmys de 2020 (un record pour une comédie, et elle en a remporté neuf) pour que la France daigne lui laisser sa chance. On pariait très fort sur une acquisition par Netflix des droits de la série, c’est finalement Canal+ qui vient d’annoncer sa diffusion en 2021. L’occasion pour nous de vous dire à quel point cette comédie, diffusée de 2015 à avril dernier sur CBC, est le parfait refuge après cette année toute pourrie. Venez, on vous emmène à Schitt’s Creek !

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Sachez d’abord qu’on n’y entre pas comme ça. Mais là encore, c’est le cas de beaucoup de comédies qui ont besoin d’un petit tour de chauffe avant que leurs qualités ne nous explosent au visage. Il faut donc lui laisser quelques épisodes, et dépasser la vanne bien grasse de son titre. Elle avance d’abord à tâtons, avant de trouver son identité : sous ses airs de satire aux prémices usés jusqu’à la corde se cache un trésor de gags, de répliques à se tordre de rire, d’interprétations bigger than life et une galerie de personnages qu’on a aimés très, très fort (à l’exception peut-être du maire, Roland, joué par le toujours très cringe Chris Elliott). Elle est la preuve qu’on peut faire une série hilarante en misant sur la bienveillance.

Schitt’s Creek est une bulle où l’humour paresseux et oppressif n’existe pas, et où il fait bon se réfugier. Ce qu’on prenait au départ pour une histoire du type “les riches New-Yorkais chez les bouseux” a très vite démontré ses ambitions, modestes mais sincères : les personnages, qu’ils soient d’abord perçus comme des snobs ou des ploucs, sont le cœur de la série et sa colonne vertébrale. Tout s’articule autour d’eux et de leurs trajectoires respectives. Et la seule question qui nous préoccupe alors, c’est “vont-ils réussir à se sentir bien là où ils sont ?”. Sur le mode somme toute assez classique du “clash des classes”, les Rose vont, d’abord à leur corps défendant, se faire peu à peu absorber par la petite ville, sans toutefois perdre leur identité en chemin.

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Moira (Catherine O’Hara) reste la diva en mal de tapis rouge des débuts, mais elle finit par s’impliquer dans la vie de la bourgade. Johnny (Eugene Levy), l’ex-magnat des vidéoclubs, apprendra à calmer ses ardentes ambitions pour se recentrer sur le développement de son petit motel miteux. Alexis (Annie Murphy), l’égocentrique socialite, va découvrir qu’être généreuse, c’est parfois plus compliqué que de donner ses fringues de couturier de la saison passée. David (Daniel Levy), enfin, qui semble toujours si détaché de tout et ne se montre jamais vulnérable, même pas devant sa propre famille (surtout pas devant sa propre famille !), va trouver l’amour. Le plus pur, le plus doux, le plus bel amour. Celui qui le fera sortir de sa carapace pour dire “I love you” et faire un lipsync d’anthologie de “Simply the Best” de Tina Turner. Il est, et c’est un fait qui a son importance, l’un des rares personnages pansexuels de la télévision.

Mais avant d’en arriver là, ils vont trébucher, pour notre plus grand plaisir, et souvent se heurter à la dure réalité : ils sont condamnés à rester dans ce bled. Leur purgatoire deviendra, sinon leur paradis, tout du moins leur Éden où ils verront éclore leurs projets et leurs relations. Schitt’s Creek est avant tout une histoire de famille, devant comme derrière la caméra. Daniel Levy, son créateur, tient l’un des rôles principaux, celui de David Rose, aux côtés de son père, à la ville comme à l’écran, Eugene Levy (qui joue Johnny Rose, donc), mais donne aussi la réplique à sa sœur, Sarah Levy, l’interprète de Twyla, la gérante du Café Tropical.

La complicité de ses acteurs et actrices va bien au-delà des liens du sang. Et c’est aussi ça qui fait de cette série une telle réussite, l’amour qu’ils et elles se portent les un·e·s aux autres crève l’écran. On ne saura jamais combien de perruques possède Moira, et on ne percera jamais non plus le mystère de son accent, mais sa façon de prononcer “bébé” et la performance de Catherine O’Hara resteront l’un des plus grands moments de comédie de l’histoire des séries. Une telle proposition n’a pu être possible que par la confiance que plaçait Daniel Levy dans son actrice.

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Le charme de cette bourgade, et ses habitants, tient au fait qu’elle rassemble en son cœur tout ce qui fait l’Amérique profonde… le racisme, l’homophobie, le sexisme et l’intégrisme religieux en moins. Derrière ses façades un peu kitsch au crépi qui s’écaille, Schitt’s Creek nous redonnerait presque foi en l’humanité et dans ce pays, capable du meilleur comme du pire.

Avant, l’escapism désignait surtout des séries qui nous embarquaient dans des mondes parallèles ou des époques lointaines. Aujourd’hui, tout ce qui fait du bien devient de l’escapism. Et nous faire échapper au réel, c’est la mission que s’est fixée Schitt’s Creek. C’est une série qui nous prend dans ses bras, nous chatouille, nous dit que tout ira bien. Best wishes, warmest regards.

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Les six saisons de Schitt’s Creek seront disponibles sur Canal+ en 2021.