Avec BoJack Horseman, Raphael Bob-Waksberg, son showrunner, a créé un antihéros capable de rivaliser avec ceux qui ont fait de ce stéréotype masculin un art, tels Tony Soprano, Walter White ou Don Draper. Et depuis Mad Men et le happy end de son pubard tourmenté, on s’est demandé si ces mêmes antihéros avaient le droit à une fin heureuse. Non pas qu’ils ne le méritent pas ou n’aient pas droit à la rédemption, mais pour conserver leur aura de mâles cabossés, ne devraient-ils pas morfler jusqu’au bout ?
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Lorsqu’on a quitté BoJack en saison 5, il voulait sincèrement changer. On connaît la chanson, et ça n’a pas empêché la série de briller même en figeant le canasson dans un cercle vicieux, dont chaque ecchymose sur la route le faisait s’enfoncer davantage. Mais plus il tombait, plus on creusait pour découvrir de nouvelles couches, de nouvelles aspérités et donc, de nouvelles raisons d’aimer cette vieille carne. L’ensemble était rendu respirable par d’irrésistibles touches d’humour savamment dosées. Alors, quand Diane le déposait devant la clinique de désintox pour riches dans le final de la saison 5, tout en sachant que la sixième serait la dernière, on se demandait comment les scénaristes allaient négocier ce chant du cygne.
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BoJack a-t-il le droit d’aller mieux ? Les huit premiers épisodes, disponibles sur Netflix depuis le 25 octobre, nous montrent en tout cas l’ex-star de Horsin’ Around en train de difficilement remonter la pente. Au centre de rehab Pastiches, il accepte d’abord de toucher le fond avant d’entamer sa guérison. Un processus forcément épuisant, et très codifié : dans la plus pure tradition des Alcooliques Anonymes, il y a 12 étapes à traverser avant d’aller mieux (généralement très associées à la croyance en Dieu).
Les 12 travaux de BoJack commencent sous nos yeux, et on a toutes les raisons de douter d’un hypothétique succès à l’arrivée. Une fois que le plus gros du sevrage est derrière lui, qu’il a raclé les tréfonds de sa mémoire traumatique avec le psy et qu’il est enfin temps pour lui de reprendre sa vie, BoJack refuse de quitter Pastiches. Parce que sortir, c’est se confronter à un nouveau lot d’épreuves qui, depuis l’enceinte protectrice de la clinique de rehab, semblent insurmontables. Il faut dire qu’il a blessé un paquet de monde.
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Cette (demi) saison sur la guérison, et le lourd tribut qu’elle implique, est aussi plus légère qu’à l’accoutumée. Est-ce qu’il y aurait une brise d’espoir dans l’air ? On reste sur nos gardes. L’énergumène peut rechuter à tout moment et replonger dans ses tendances autodestructrices. En attendant, BoJack est un homme, pardon, un cheval changé. Il se réconcilie avec son passé et fait amende honorable auprès des gens qu’il a blessés (comme l’ancienne coiffeuse sur le tournage de Horsin’ Around).
Et, il n’y a pas à dire, ça fait tout drôle de le voir aider Diane quand celle-ci sombre à son tour dans la dépression. Les rôles s’inversent et, à notre grande surprise, l’ensemble tient plutôt la route. La série consacre même un épisode entier à Princess Carolyn et la charge mentale d’être une femme (hyper) active et maman solo. Mais, si réussi soit-il, il manque à ce début de saison 6 une des fulgurances des années précédentes. Ces étincelles de génie qui nous ont donné, pour ne citer qu’eux, des épisodes comme le huis clos de “Free Churro” (S05E06), ou encore la plongée dans le monde du silence de “Fish Out Of Water” (S03E04).
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Pour des raisons qui nous dépassent, Netflix a choisi de ne mettre en ligne que la première moitié de cet ultime chapitre — pour les prochains épisodes, il faudra patienter jusqu’en janvier 2020. On ne va pas tourner autour du pot : c’est une erreur. Une saison de série, surtout quand elle est aussi bien écrite et construite que BoJack Horseman, repose sur un mouvement dont le temps est le principal élément. Imaginez être à un concert de musique classique et, au dernier acte, en pleine symphonie finale, on vous impose un entracte. C’est irrespectueux pour les gens qui y assistent mais aussi pour la personne qui l’a composée et voit l’impact émotionnel de sa musique s’étioler, les morceaux précédents ayant conduit à ce moment d’apogée.
Bref, on se fera une raison. Mais le choc de cette ultime saison, s’il a lieu, en sera amoindri. La question au cœur de BoJack Horseman, depuis ses débuts, a toujours été celle de la métamorphose : peut-on changer en mieux et aller contre notre nature profonde ? Et la réussite de la série, c’est qu’elle a aussi porté un soin tout particulier aux dommages collatéraux, ici personnifiés par Diane, Todd, Princess Carolyn et, dans une moindre mesure, Mr Peanutbutter. La reconstruction de BoJack ne fait que commencer, et on sera là au moment de la ligne d’arrivée, quelle que soit l’issue.
La première partie de la saison 6 de BoJack Horseman est disponible sur Netflix.
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