Après un début un peu laborieux, mais dépaysant (le bayou, c’est définitivement validé !), cette saison 3 de Preacher a pris un risque : séparer le trio pour confier à chacun de ses membres sa part de l’action et une intrigue distincte. La dynamique de cette petite famille dysfonctionnelle, qui restait jusqu’ici la bouée de sauvetage de la série dans ses moments les moins divertissants, s’en voyait bouleversée. On avait donc pas mal de raisons de craindre pour la suite. Heureusement, Preacher nous a donné tort.
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D’un côté, on avait Jesse à Angelville, se confrontant à son passé et à l’emprise de sa terrifiante grand-mère. De l’autre, Tulip, revenue d’entre les morts, tentait de défier le destin et Dieu himself. Cassidy, quant à lui, s’est trouvé une famille de substitution auprès d’Eccarius, un vampire d’un autre temps. Le bougre, il nous a presque fait croire que notre Irlandais préféré aurait droit au bonheur. C’est salaud de nous faire espérer. Cass deserves a break !
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Là où Preacher réussit son tour de force en saison 3, c’est qu’en dépit de la séparation du trio pour une bonne partie des épisodes, on n’a jamais l’impression de ne suivre que l’un d’entre eux. Un savant dosage qui permet, même dans ses baisses de régime, de redonner un coup de peps à cette machine complètement foutraque qu’est Preacher. Et là, il faut bien admettre qu’elle a mis les bouchées doubles.
Le terme WTF, pour la décrire, est tellement galvaudé qu’il ne saurait égratigner la surface de la montagne de connerie et de liberté créative dont elle fait preuve. Au cas où il y aurait encore des doutes : Preacher se fout de tout, de tout le monde, et en particulier de Dieu. La série, et particulièrement cette saison 3, est un gros doigt d’honneur au catholicisme, et à toutes les religions en général, qui sont clairement assimilées à des multinationales tentaculaires et obsédées par le pouvoir.
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La série n’a pas vraiment de message politique à faire passer, elle veut juste chier dans les bottes des censeurs (ce qui, en soi, est un acte politique). Alors certes, dans son season finale, un escadron de nazis fait irruption dans une scène et l’un d’eux porte une casquette MAGA (“Make America Great Again”, slogan de campagne de Trump). Mais insinuer que parmi les supporters de Donald Trump, certains sont des nazis, on a déjà vu plus subversif. C’est juste un fait. En revanche, la mise en place de cette arrivée surprise, la façon dont ces neuneus censés représenter l’un des pires maux du XXe siècle sont ridiculisés est assez jouissive.
Preacher n’a d’excuse à donner à personne. Tout le monde peut être la cible de ses moqueries, parfois cabotines, souvent blasphématoires. Et on rit avec elle, on jubile de ses excentricités. À une exception près. C’est un point de vue qui fait déjà suffisamment jaser comme ça en ce moment : peut-on poser des limites à la liberté d’expression ? L’un des grands méchants de la saison est l’Archipère d’Aronique, une sommité de l’Église, planqué dans sa tour d’ivoire, entouré de serviteurs qui le craignent.
Fidèle à son modèle dans les comics, il est représenté sous les traits d’un homme exagérément obèse, qui rote, qui pète, qui se fait régurgiter dès qu’il avale (en grandes quantités évidemment) un repas, bref, il est répugnant. On rit déjà un peu moins quand on pense que la grossophobie, bien réelle, fait de vraies victimes chaque jour. Alors oui, on peut être offensé en tant que catholique devant la représentation du descendant de Jésus en demeuré consanguin (le bien nommé Humperdoo), mais la “blague” n’a que peu de conséquences. On ne peut malheureusement pas en dire autant des personnes grosses qui se voient trop souvent représentées comme des créatures dégoûtantes, et harcelées pour ces mêmes raisons.
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On peut donc adhérer au parti pris de Preacher qui consiste à envoyer valser la décence la plus élémentaire (c’est même assez libérateur pour celui ou celle qui regarde), mais ressentir une profonde lassitude quand elle touche à de “vrais” sujets qui font de “vraies” victimes. Passé les haut-le-cœur que nous a inspiré, non pas l’Archipère lui-même mais la façon dont il est dépeint (le fatsuit, on n’avait pas dit qu’on arrêtait avec ça ?), on prend évidemment du plaisir à regarder les divagations de Preacher.
On a parfois du mal à suivre Jesse (Dominic Cooper) dans ses choix, tandis que Tulip et Cassidy (les formidables Ruth Negga et Joseph Gilgun) s’humanisent un peu plus chaque saison. Plus ça va, et plus on se persuade que la série préfère ces deux-là à celui qui donne son nom au show. Ça tombe bien, nous aussi. Tout le sel de la série tient à sa bizarrerie, des apparitions de Herr Starr, qui mériterait un article à lui tout seul tant le personnage campé par Pip Torrens fait de chacune de ses scènes une petite merveille d’humour caustique, en passant par la façon faussement romantico-gothique de représenter les vampires. Dieu, ce biker en costume SM de dalmatien qui se fait la malle et aimerait bien qu’on lui foute une paix royale, n’est évidemment pas épargné. Mais croire que Preacher serait plus tendre avec le Diable serait mal connaître la série. Jusqu’à la dernière minute, on y a cru quand même.
L’un dans l’autre, et même si elle n’était pas exempte de défaut, cette saison 3 de Preacher était probablement la plus fun et la plus solide à ce jour. Ses qualités ressortent d’autant plus que la saison 2 s’était avérée décevante. Les derniers épisodes étaient particulièrement jubilatoires, prenant soin de clore les intrigues sans sacrifier le pur divertissement que la série nous avait promis, et d’en lancer de nouvelles pour la saison 4, qu’on espère tout aussi indécente et irrévérencieuse que les trois premières.
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En France, Preacher est diffusée en VM sur OCS.