À l’instar du cinéma, la petite lucarne a ses grandes figures de proue chères au public. Dans le genre, difficile de faire plus mainstream que Ryan Murphy. En une vingtaine d’années, le mégaproducteur que tout Hollywood s’arrache a signé une flopée de séries. Certaines mémorables, d’autres un peu moins. Alors que sa dernière œuvre, The Politician, vient de rejoindre le catalogue de Netflix, on a décidé de passer en revue (et de juger) dix créations du showrunner.
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Popular (1999-2001)
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Un titre somme toute ironique quand on sait que Popular, sa toute première série, est en fait l’une de ses moins populaires. Bien avant de s’aventurer dans les couloirs de McKinley High, Ryan Murphy s’essayait au genre de la série ado avec cette dramédie haute en couleur, diffusée sur The WB. On y suivait Brooke, une pom-pom girl avide de popularité, et Sam, un tomboy en constante rébellion — autrement dit, deux lycéennes aux antipodes l’une de l’autre –, contraintes de cohabiter lorsque le père de l’une se met en couple avec la mère de l’autre. À sa manière (soit avec un humour gentiment décalé), le showrunner s’amusait déjà à déconstruire les stéréotypes relatifs au genre, tout en délivrant une critique acidulée du microcosme tant craint que constitue le lycée américain.
Nip/Tuck (2003-2010)
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Ou comment faire un virage à 180 degrés on ne peut plus radical. On zappe le lycée et les méandres de l’âge ingrat pour s’intéresser au quotidien trash de deux chirurgiens esthétiques, Christian Troy et Sean McNamara. La série étant diffusée sur le câble (FX), Ryan Murphy peut ici s’affranchir de moult limites, notamment en misant sur des images bien plus choquantes que dans la gentillette Popular. Si Nip/Tuck ne restera pas dans les annales pour son humour (peu présent et très noir), la série met en lumière une autre marotte de son créateur, à savoir son appétence pour le too much. On se rappellera longtemps de cette scène traumatisante où l’anesthésie d’une patiente ne fonctionne pas correctement… Résultat : elle est consciente des incisions qu’on lui fait sur le visage. Glaçant.
Glee (2009-2015)
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Après une escale au bloc opératoire, Ryan Murphy s’octroie un retour aux sources mérité. Grâce à Glee, proposée sur la FOX, il peaufine sa vision de la jungle lycéenne – là où Popular s’apparentait à un coup d’essai. Si Glee a pâti d’une écriture plus que douteuse dans ses dernières saisons, les deux premières restent brillantes. En dépeignant les hauts et les bas de la chorale atypique d’un lycée, le showrunner s’affirme beaucoup plus, notamment en jouant avec les clichés pour mieux les détourner, et fait appel à un humour bien plus WTF et élaboré qu’à ses débuts. On découvre aussi tout l’amour qu’il porte aux personnages marginalisés, qu’ils soient LGBTQ+, racisés, gros ou handicapés. Ce n’est pas pour rien qu’il a décroché son tout premier Emmy Award après avoir réalisé le pilote.
American Horror Story (2011-)
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Pour peu qu’on prenne un peu de recul, on tient là son œuvre la plus iconique et fédératrice. Pour sa première tentative de format anthologique, Ryan Murphy propose du lourd sur FX. À chaque saison, il revisite et entrelace plusieurs figures terrifiantes, que partage notre inconscient collectif : les aliens, les vampires, les sorcières et même les clowns meurtriers, rien n’échappe au showrunner qui prend un plaisir évident à adapter à sa sauce différents folklores horrifiques. American Horror Story est aussi un grand tournant dans la carrière de Ryan Murphy. C’est à partir de là qu’on commence à cerner ses stars fétiches (Sarah Paulson, Evan Peters, Jessica Lange…) dont il ne se sépare que très rarement. La Murphy Family prend forme.
The New Normal (2012-2013)
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Pas du genre à se défiler (et encore moins à faire du surplace), Ryan Murphy relève un nouveau défi sur NBC : produire une comédie de 20 minutes. Ce changement le pousse ainsi à revoir son écriture, et ça fonctionne assez d’un point de vue critique – mais un peu moins au niveau des audiences, la série étant annulée après une seule et unique saison. Dans The New Normal, il dépeint une famille éminemment moderne, composée d’un couple homosexuel et de la jeune femme qui accepte de porter leur premier enfant. C’est frais, engagé et particulièrement inclusif. Un petit show prometteur, parti trop tôt.
Scream Queens (2015-2016)
Après s’être frotté à l’épouvante pure et dure, notre showrunner bien-aimé joue la carte de l’hybridation en lançant la comédie d’horreur Scream Queens sur Fox. Tout un campus américain est terrorisé par un tueur masqué, le Red Devil. Dans sa ligne de mire, les Chanel, un groupe de mean girls qui ne comptent pas se laisser faire. Pour faire simple, cette série, annulée au bout de deux saisons malgré la mobilisation des fans, s’impose comme un mix entre American Horror Story (pour la trame horrifique) et Glee (pour le second degré et le ton décalé). Ryan Murphy semble ici créer sa série de cœur, avec des personnages féminins bien bitchy (le dénominateur commun de toutes ses séries, ou presque) et une intrigue inspirée des slashers (un genre qu’il revisitera plus tard dans la saison 9 d’AHS). On pourra cependant oublier la seconde saison, brouillonne au possible.
American Crime Story (2016-)
Fort de son succès avec American Horror Story, Ryan Murphy reste fidèle au format de l’anthologie, mais cette fois-ci dans un tout autre registre. En dépit de son titre peu inspiré, American Crime Story (sur FX) rafle de nombreux prix lors des cérémonies prestigieuses, des Golden Globes aux Emmy Awards. En s’appuyant sur des ouvrages fouillés, le showrunner nous fait (re)découvrir des affaires qui ont secoué la sphère médiatique, telles que le procès d’O.J. Simpson ou encore l’assassinat de Gianni Versace. Peut-être plus léchée que ses productions précédentes, ACS est un virage créatif notable pour Ryan Murphy qui lui permet d’explorer le true crime (l’un de ses genres fétiches).
Feud (2017-)
S’il y a bien une obsession qu’on repère rapidement chez Ryan Murphy, c’est son affection pour l’opulence, le bourgeois, l’extravagance et le clinquant. Pouvoir revisiter l’âge d’or d’Hollywood était donc une aubaine que le showrunner ne pouvait refuser. Dans Feud (FX), il reste fidèle au format anthologique qu’il chérit tant, chaque saison passant au crible des querelles mythiques qui ont marqué l’histoire. À commencer par la relation houleuse entre deux icônes du cinéma, Bette Davis et Joan Crawford, qui furent notamment rivales lors du tournage du film Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?. Cette série ne fait peut-être pas l’unanimité, mais c’est indubitablement celle qui a la plus grande envergure.
9-1-1 (2018-)
La série ado, le true crime, la fiction d’épouvante… Le moins qu’on puisse dire, c’est que Ryan Murphy n’est pas sectaire et ne se cantonne pas à un seul genre. Si on en doutait, 9-1-1 est la preuve ultime de sa polyvalence comme de sa créativité sans bornes. Ici, il se focalise sur les vies, professionnelles et intimes, des secouristes de Los Angeles – les pompiers, les flics, les opérateurs téléphoniques, etc. C’est ce que les Américains appellent un procedural, soit une série basée sur des intrigues différentes à chaque épisode, comme c’est le cas avec nombre de fictions policières par exemple. Sauf que 9-1-1 est un procedural en liberté, qui donne volontiers dans le sensationnel, un peu comme Nip/Tuck pouvait le faire à sa façon. Un must-see pour celles et ceux qui trouvent NCIS et consorts un peu trop formatées.
Pose (2018-)
Qu’on aime son œuvre ou non, Ryan Murphy a fait beaucoup pour la visibilité de la communauté LGBTQ+ sur la petite lucarne. Cela est encore plus évident avec Pose (toujours sur FX). Grâce à cette série lumineuse, il s’aventure dans l’underground new-yorkais des 80’s pour explorer la ball culture où voguing et paillettes se tutoient. Sous son vernis hypercoloré, Pose est surtout l’opportunité d’enfin mettre en lumière des personnages trans et racisés, joués par des comédiennes qui le sont également. La notion d’inclusivité n’aura jamais autant brillé.
Et ensuite ?
Si cette dizaine de productions a marqué, à des degrés variables, la sphère sérielle, Ryan Murphy n’a pas prévu de s’arrêter en si bon chemin. Bien au contraire. Le showrunner que le Tout-Hollywood adule a déjà une bonne flopée de séries dans les tuyaux. Il vient ainsi d’inaugurer son deal colossal avec Netflix via The Politician, satire politique très pop tout juste mise en ligne sur la plateforme. Dans les chantiers, on peut aussi citer Ratched, prequel du film Vol au-dessus d’un nid de coucou, ou encore 9-1-1 : Lone Star, spin-off de la série mère du même nom. Mais celle qu’on attend de pied ferme, c’est Hollywood, vendue comme une “lettre d’amour à l’âge d’or du show-business”. Une œuvre qui devrait tout logiquement réunir toutes les obsessions du créateur.