Vous pensiez que l’avènement des plateformes de streaming avait au moins l’avantage d’être eco-friendly ? Pas du tout, répond Sandvine. Cette société canadienne spécialisée dans les équipements de réseaux a fait bosser un think thank français, Shift Project, qui a rendu un rapport éloquent en juillet dernier sur l’impact de l’essor exponentiel de la vidéo en ligne sur l’environnement. On y apprend notamment qu’en 2018, 60 % des flux de données peuvent être rangés dans les “vidéos en ligne”, qui auraient entraîné l’émission de 306 millions de tonnes de CO2.
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Et au sein de cette catégorie, ce sont les plateformes de SVOD (vidéos à la demande par abonnement) telles que Netflix ou Amazon Prime (et bientôt Apple TV+ et Disney+) qui pollueraient le plus. Elles représenteraient 34 % de la vidéo en ligne, soit 20 % du flux total de données et 7 % du total des émissions de GES (gaz à effet de serre) dues au numérique. Et dans cette sous-catégorie, où se retrouvent toutes les séries que nous binge-watchons chaque semaine, Netflix représente à elle seule 11,44 % des flux de données.
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Derrière les plateformes de streaming, sans surprise, on retrouve le porno (27 %), les vidéos YouTube et assimilées (21 %) et les vidéos hébergées sur les réseaux sociaux (18 %). Ces chiffres semblent représenter beaucoup, mais ils restent quelque peu abstraits. Sachez par exemple que ces 7 % des émissions de GES produits par la SVOD représentent 102 millions de GES, ce qui correspond à peu près aux émissions annuelles du Chili.
Interviewé par l’AFP, Gary Cook, qui suit le secteur pour Greenpeace aux États-Unis, analyse : “La vidéo digitale ce sont des fichiers très lourds et qui grandissent avec chaque génération de plus haute définition. […] Plus de data égale plus d’énergie pour maintenir un système prêt à streamer cette vidéo vers votre appareil dans la seconde.”
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La différence avec la télé linéaire réside aussi dans le côté “contenu à la carte” si appréciable, et qui reflète nos usages numériques toujours plus individualistes. Laurent Lefevre de l’Institut national de recherche en sciences du numérique, également contacté par l’AFP, explique que le principe du streaming, qui peut paraître un peu magique pour beaucoup de monde, est “une ressource utilisée pour un client regardant une vidéo” et non pas un système où tout le monde reçoit les données en même temps, comme la télé.
Ce système “met une grosse pression sur trois axes : l’équipement terminal, les réseaux et les centres de données (data centers)”. Car ne vous y trompez pas, l’immatériel est matériel. Si de moins en moins d’entre nous achètent des coffrets DVD et autres intégrales de séries, les centres de données et “clouds” sont en surchauffe aux quatre coins de la planète.
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Et de notre côté, nous, les “consommateurs de contenus”, voulons plus que jamais une qualité maximale quand il s’agit de binge-watcher la dernière saison de Riverdale ou de Mindhunter par exemple. Donc “tout le monde est en train de surdimensionner les équipements avec pour conséquence un gaspillage de ressources à tous les niveaux”, conclut Laurent Lefevre, également directeur adjoint du groupe EcoInfo du CNRS.
Que faire pour ne pas reproduire les erreurs du capitalisme matériel (la surconsommation aveugle étant en grande partie responsable de la catastrophe écologique que nous connaissons), alors que la révolution numérique poursuit sa mue ? En attendant que les États s’emparent sérieusement de ce sujet, c’est à tout un chacun de repenser ses usages. Jean-Marc Jancovici, ingénieur spécialiste de l’énergie et l’environnement, plaide pour “la sobriété numérique”. Il s’agit de prendre conscience de sa consommation personnelle et d’agir pour la réduire. Shift Project a ainsi mis en ligne l’extension de navigateur Carbonalyser, pour le moment uniquement dispo sur Firefox, qui permet de calculer les émissions de CO2 générées par votre activité sur Internet.