Quelques mois après la fin de Banshee, Cinemax revient avec une série sombre, brutale et plus contemporaine qu’il n’y paraît. Quarry pourrait bien s’imposer comme la série pulp incontournable de la rentrée.
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Adaptation des romans éponymes de Max Allan Collins, Quarry suit un ancien sniper dans les Marines qui va se transformer en assassin à son retour de la guerre. La série est entre les mains de deux experts du récit dramatique, Graham Gordy et Michael D. Fuller, à l’origine de Rectify. À première vue, on pourrait voir en Quarry la nouvelle Banshee : sombre, violente et pulp.
Mais Quarry dépasse les frontières de la quête d’identité de Lucas Hood, le personnage principal de Banshee. Là où le shérif était en conflit avec lui-même, l’antihéros de Quarry est en conflit avec le monde entier. Un monde qui l’a trahi, malmené et qui a bouffé son humanité.
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Les cicatrices de la guerre du Viêt Nam
Nous en sommes en 1972 et la guerre du Viêt Nam touche à sa fin. Mac Conway (Logan Marshall-Green, très physique mais touchant) revient dans sa Memphis natale après deux années de service militaire. Mais leur ville a bien changé. Lui et son acolyte Arthur pensaient être accueillis en héros par les citoyens américains. Grave erreur : à l’aéroport, un groupe de protestants violents les attend pour les accuser des pires bavures.
Ces manifestants remontés leur reprochent d’avoir participé à un massacre d’innocents dans le village de Quan Thang. Ce nom de fiction fait référence à la tuerie de Mỹ Lai, au cours de laquelle des soldats américains s’en sont pris à des civils résidents dans ce hameau. Conway et Arthur prennent difficilement conscience de la réalité : ils sont le visage du gouvernement, un punching-ball parfait pour la colère des citoyens.
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Les problèmes de Conway ne font que commencer. Stigmatisés par la société, les deux hommes peinent à trouver du travail. Sujet à de nombreuses hallucinations, Conway passe la majeure partie de son temps plongé dans une piscine, telle une âme en peine, se perdant un peu plus à chaque fois qu’il tuait l’un de ses semblables. Cette eau où il s’enferme à plusieurs reprises (dans de très beaux plans) évoque un refuge, le seul capable de libérer son esprit tourmenté.
Peu après son retour, il reçoit la visite d’un énigmatique employeur qui se fait appeler l’Agent. Celui-ci lui propose de régler ses problèmes financiers s’il devient tueur à gages à son service. Il décline, puis décide finalement d’accepter momentanément le job quand Arthur reçoit la même proposition.
La toute première scène du pilote fait écho à cette décision. On le voit assassiner de sang-froid un individu inconnu dans une superbe scène d’un bleu trouble, presque irréel. Preuve que ce contrat temporaire est finalement devenu le seul but de Conway (soit le premier niveau de lecture du mot “quarry”, qui signifie “objectif”). Il dissimule ensuite le corps de sa victime dans les eaux poisseuses de marécages, qui symbolisent le cauchemar dans lequel il est enlisé.
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Mais le nom de la série peut cacher un double sens : Conway est un homme brisé, hanté par les souvenirs traumatisants de la guerre qu’il a menée. Il affronte le revers de la médaille, celle qu’il n’a jamais vraiment gagnée à cause de cette guerre incomprise. Considéré comme un paria, il ne peut s’adapter à la société.
Conway est le reflet du malaise de son pays et de ses citoyens face à cette guerre, entachée par les rumeurs de massacres perpétrés par les militaires. Il est donc devenu la proie (le deuxième niveau de lecture de “quarry”) d’une communauté aveuglée par les médias et fatiguée de ce siècle belliqueux.
Une reconstitution pointilleuse des 70’s
Quarry baigne dans une atmosphère vintage, très réaliste. Les seventies sont parfaitement transposées à l’écran. Les décors et les costumes de l’époque sont reconstitués avec minutie, des voitures (Cadillac old school) au look des personnages (lunettes d’aviateur rétro, coupes de cheveux, moustaches de rigueur). On plonge avec facilité dans ce drame qui suit un rythme instable, passant d’une scène de sexe à une violence graphique inattendue. Un faux rythme qui suit en fait les émotions de Conway, entre tendresse et pétage de plombs.
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La caméra de Greg Yaitanes (déjà à l’œuvre sur Banshee) se force à rester à hauteur d’homme, façon caméra embarquée. Cette mise en scène pertinente permet au spectateur de suivre les doutes du personnage de Conway au plus près.
On entre dans son intimité, dans son esprit perturbé par un syndrome post-traumatique auquel aucun des protagonistes ne semblent prêter attention, même pas la femme de Conway. À la manière de The Night Of et du personnage de Nasir, même si les preuves se multiplient contre lui, on se met à ressentir de l’empathie pour Conway.
Certes un poil long, le pilote nous plonge dans une atmosphère pesante, où rednecks, racisme et Nixon ne font pas bon ménage. Un malaise qui transpire à travers le personnage de Conway, comme s’il devait affronter sa propre nation au quotidien. Quarry n’est définitivement pas le nouveau Banshee, et c’est très bien ainsi.
La première saison de Quarry est diffusée sur Cinemax aux États-Unis et OCS en France en US+24.