Lorsque Harry Goldenblatt a exhibé son pénis de cinquantenaire dans And Just Like That, les spectateurs ne s’y attendaient pas. Pourtant, dans les séries, le phallus a le vent en poupe en ce début d’année 2022. De And Just Like That à Euphoria en passant par Pam & Tommy, il est partout et s’affiche sous toutes ses formes. La particularité de ces quéquettes ? Il s’agit pour la plupart de prothèses. Pour en savoir plus, on a demandé à un expert !
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La mode des faux pénis
Quand on filme une scène de nudité, et spécifiquement un full frontal, l’utilisation de prothèses est plus commune qu’on ne le pense, mais tout dépend du contenu de la scène et du type d’intimité qu’elle représente. Un pénis en érection ou ayant besoin de performer un acte, comme celui d’uriner, nécessite l’utilisation d’une prothèse… parce que l’envie de faire pipi, ça ne se fait pas sur commande. En revanche, un plan montrant un acteur nu sortant de la douche peut tout simplement être naturel, à condition que l’acteur en question n’ait pas de problème avec le fait de se dévoiler à l’écran.
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Jason Collins est concepteur d’effets spéciaux et maquillages et c’est sa compagnie, Autonomous FX, qui fabrique la plupart des faux pénis que l’on a vus dernièrement sur le petit écran. Il nous explique qu’il a observé une hausse des demandes de ce type de prothèses l’an dernier.
“J’en avais fait quelques-unes avant mais, au milieu de l’année dernière, je me suis fait la réflexion que c’était l’année de la bite. C’est fou, je pense qu’on a dû fabriquer une vingtaine de pénis pour plusieurs productions différentes.”
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Comment la saucisse est faite
Si un pénis n’est pas totalement exposé, comme dans la scène où Cal Jacobs (Eric Dane) urine dans son entrée dans la saison 2 d’Euphoria, une simple prothèse avec sangles peut être utilisée et attachée autour de la taille de l’acteur. Mais quand une scène dévoile complètement le sexe masculin, comme c’est aussi le cas dans Euphoria ou Pam & Tommy, la prothèse se doit d’être collée au corps du comédien. Jason Collins explique :
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“Pour ‘Pam & Tommy’, j’ai voulu concevoir quelque chose de différent, car je trouvais que les prothèses qu’on met par-dessus le vrai pénis d’un acteur ont tendance à créer un effet de volume pas très naturel. Alors j’ai voulu fabriquer une prothèse qui fonctionne comme une sorte de pochette : l’acteur insère lui-même son propre matos dedans et le tout est collé pour rester en place. Il y a même une ouverture au niveau des testicules pour que, quand la nature l’appelle, l’acteur puisse retirer son pénis et aller aux toilettes.”
Ce qui rend ces prothèses si réalistes, c’est qu’elles sont faites en silicone, ce qui donne l’impression qu’elles se fondent dans la peau de l’acteur. Pour les retirer, une huile spéciale est utilisée pour décoller la prothèse de la peau, mais celle-ci en détruit les bords et rend la prothèse inutilisable par la suite.
“On doit alors systématiquement faire un nouveau moule, peindre la prothèse, et insérer chaque poil pubien un par un, continue Collins. C’est un procédé qui prend énormément de temps, mais c’est le seul moyen pour que ça ait l’air vrai.”
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La fameuse scène de Pam & Tommy
Quand Jason Collins a lu le scénario de Pam & Tommy introduisant le pénis bavard de Tommy Lee (doublé par Jason Mantzoukas), il a dû commencer par déterminer quel type de phallus la production avait en tête. Le concepteur revient sur cette collaboration :
“Je leur ai présenté plusieurs concepts montrant ce à quoi un pénis qui parle pouvait ressembler, allant de l’absurde au naturel. À vrai dire, notre premier concept était plutôt terrifiant : il avait de gros yeux, une bouche avec des dents, et on s’est tous dit que ça n’irait pas. C’est suffisamment difficile de mettre en scène un pénis qui parle, mais si en plus on pousse le côté absurde à l’extrême, alors ça change la dynamique de la scène. On a donc décidé de faire le plus naturel possible.”
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Pour fabriquer l’engin, Jason Collins a reçu Sebastian Stan, qui incarne Tommy Lee, dans son studio pour faire un moule de son entrejambe. De nombreux câbles devaient aller dans le gland du faux pénis pour pouvoir contrôler ses mouvements et ceux-ci devaient être dissimulés à l’arrière des jambes de l’acteur, pendant que deux marionnettistes étaient aux commandes de la prothèse durant le tournage pour donner la réplique à Sebastian Stan.
“Ils connaissaient le texte du pénis et pouvaient ainsi jouer la scène avec Sebastian, nous raconte l’expert. Cela a permis d’obtenir une réaction authentique de la part de l’acteur et une scène avec une véritable conversation.”
Il ajoute que c’est là un grand avantage de ces prothèses : elles permettent à l’acteur d’enfiler un costume plutôt que de dévoiler sa propre anatomie et ainsi de littéralement se glisser dans la peau de son personnage.
Les seins de Pamela
Ce pénis à la langue bien pendue n’est pas la seule prothèse dont la production de Pam & Tommy a eu besoin. Le batteur de Mötley Crüe a pour réputation d’en avoir une grosse, mais Jason Collins ne pouvait pas juste mettre une copie du pénis de Tommy Lee sur le corps de Sebastian Stan sans que ça ait l’air faux. Il a donc dû adapter les prothèses portées par l’acteur pour qu’elles aient l’air plus naturelles sur son propre corps.
Collins explique que le même problème s’applique au décolleté de Lily James, dans le rôle de Pamela Anderson. Pour créer cette poitrine, il a dû prendre en considération non seulement la réalité du corps de l’actrice d’Alerte à Malibu et de ses seins qui ont participé à sa légende, mais aussi la corpulence de Lily James.
“On doit prendre en compte ce qui va avoir l’air naturel ou non sur le corps de quelqu’un”, ajoute encore Jason Collins. Pour le cas de Pamela Anderson, il fallait donc créer une prothèse qui ait l’air naturel sans paraître disproportionnée sur le corps de Lily James.
Simple tendance ou effet permanent ?
Jason Collins le reconnaît, le public a encore du mal à ne pas être choqué par la présence d’un phallus sur son écran de télévision. Cependant, il considère que cette libération du pénis permet aux scénaristes de pousser plus loin les histoires qu’ils veulent raconter.
“Maintenant que les studios et le public s’en offusquent moins, je pense que la nudité frontale masculine va devenir plus commune. Une fois passé le choc, ça va devenir quelque chose de naturel. Peut-être qu’on aura davantage de pénis bavards ou même des poitrines qui parlent ! [Rires.]”
Il affirme que les pénis que l’on a vus jusqu’ici dans les séries sont loin d’être les derniers que la télévision a en stock pour les spectateurs en 2022, et il ne serait pas surpris que les productions continuent de lui demander des prothèses de phallus dans les années à venir.
La première saison d’And Just Like That est disponible sur Salto, la saison 2 d’Euphoria est à voir sur OCS, et la première saison de Pam & Tommy est actuellement diffusée sur Star de Disney+.