Même si WandaVision et Falcon et le Soldat de l’Hiver sont deux séries relativement différentes sur le papier, elles partagent un point commun au cœur de leurs enjeux. Les deux premiers shows du Marvel Cinematic Universe racontent l’histoire d’une origin story, celle de la Sorcière rouge dans le premier cas, celle du nouveau Captain America dans le second. Toutefois, les spectateurs de Falcon ont été surpris de voir à quel point la série accordait de l’importance au camarade de Sam Wilson, Bucky Barnes : loin de jouer un simple rôle de sidekick, l’homme au bras en vibranium a quasiment volé la vedette du héros de l’histoire.
Publicité
Au sein du MCU, l’intrigue de Bucky remonte aux prémices de la saga, le personnage étant apparu dès le premier film Captain America: First Avenger, sorti en 2011. Même si Kevin Feige et ses équipes ont régulièrement refait appel au Soldat de l’hiver par la suite, ils n’avaient jamais pris le temps d’approfondir la psychologie et les caractéristiques du super-héros, qui en a bavé face aux nazis puis sous les ordres et les expérimentations diaboliques d’HYDRA. Avec Falcon et le Soldat de l’Hiver, Bucky retrouve des couleurs et s’offre surtout une rédemption totale, émouvante et bien construite, qui apporte beaucoup à une série très classique sur la forme.
Publicité
Adieu les wagons de marchandises
Publicité
Pour les fans du MCU, les séries de Disney+ sont des cornes d’abondance pour approfondir la mythologie et les personnages de cet univers étendu. La team Feige peut enfin prendre le temps, plusieurs heures en tout cas, pour faire évoluer des héros jusque-là secondaires dans la grande famille des Avengers. Si dans le cadre de WandaVision, on a pu assister avec émotion au deuil de la Sorcière rouge, Falcon et le Soldat de l’Hiver revient elle aussi sur une thématique grave autour de Bucky : son passé de meurtrier et les symptômes de troubles de stress post-traumatique qui en découlent.
En réalité, pour commencer, la série donne enfin de la voix au meilleur ami de Steve Rogers. Jusqu’ici, le Loup blanc du Wakanda était un personnage taiseux, pas franchement souriant et souvent sur la défensive. Son combat aux côtés de Sam permet de le voir sous un autre jour, plus lumineux et désireux de se faire pardonner pour ses crimes du passé. Bucky a vécu cette vie de tueur à ses dépens, manipulé par HYDRA et ses dirigeants maléfiques. Il essaie donc d’extirper cet alias obscur du Soldat de l’hiver, rejet symbolisé par deux scènes loin d’être anecdotiques dans le show.
Dans l’épisode 5, James écarte l’idée de tuer Zemo ainsi que Karl Morgenthau, la leadeuse des Flag-Smashers. Sa décision s’accompagne d’un geste symbolique, alors qu’il appuie sur la détente d’un pistolet vide et lâche les douilles devant un baron désarçonné. Dans la même idée, il refuse à plusieurs reprises d’utiliser son bras gauche pour aider Sam à réparer son bateau. Il s’agit bien évidemment de son bras en vibranium qui lui servait à tuer, avançant le prétexte d’une défaillance mécanique depuis l’attaque des Dora Milaje. Même si cette excuse est potentiellement vraie, les scénaristes veulent ici nous faire comprendre que Bucky met en avant sa partie humaine, son bras droit, afin d’enterrer définitivement son passé tortueux en tant que Soldat de l’hiver à la solde d’HYDRA.
Publicité
Sebastian Stan, la révélation
L’autre point fort des séries Marvel Studios, c’est bien le temps accordé aux acteurs pour faire étalage de leur talent. Elizabeth Olsen et Paul Bettany nous avaient déjà conquis dans WandaVision, mais les acteurs de Falcon et le Soldat de l’Hiver ne sont pas en reste (dont Carl Lumbly, bouleversant dans le rôle de l’ex super-soldat Isaiah Bradley). Et là encore, on ne peut s’empêcher de voir Sebastian Stan briller davantage qu’Anthony Mackie dans la série, avec des choix de mise en scène consacrés à l’émotion et ses tourments intérieurs.
Publicité
On pense à ce cold open poignant de l’épisode 3, alors qu’Ayo chasse définitivement la liste de mots permettant de transformer Bucky en tueur de sang-froid. La caméra s’arrête un moment sur le visage crispé, en larmes de l’acteur, très convaincant et qui porte en lui dix ans d’émotions soutenues par son historique dans le MCU. Et puis il y a aussi ce dialogue fraternel de l’épisode 5 entre James et Sam en Louisiane, où il présente ses excuses et déconstruit la virilité d’une amitié masculine, alors que la série s’éloigne ainsi d’une vision macho et poussiéreuse des relations platoniques entre hommes.
En vérité, le parcours de Bucky pour accomplir sa rédemption permet également de sublimer celui de la transformation de Sam en nouveau Captain America. Dans cette scène en particulier, Bucky s’excuse aussi de ne pas avoir saisi auparavant l’ampleur et la difficulté de faire d’un Afro-Américain la nouvelle idole héroïque des États-Unis. Ce dialogue, extrêmement contemporain et qui fait écho à notre réalité, complète une succession de séquences dans la série qui traitent discrètement du racisme dans la société américaine.
Alors oui, Falcon et le Soldat de l’Hiver ne réalise pas une étude sociale approfondie de la question, mais l’existence de cette thématique au sein d’un univers aussi populaire que le MCU s’avère capitale. Tout en restant un divertissement familial et, il est vrai, très cliché par moments, la série met en lumière des questions morales et éthiques bien réelles dans le monde moderne. Au-delà du côté épique de la passation du bouclier et de l’héritage de Steve Rogers dans cette scène, Bucky remet à Sam, donc dans les mains d’un citoyen afro-américain, la défense et les valeurs des États-Unis symbolisées sur un bout de métal. Mais avec une différence majeure par rapport aux précédentes passations, il le fait cette fois avec la confiance et la fierté d’une franche amitié, qui tardait à se mettre en place dans une série résolument plus intelligente et woke qu’elle ne le laissait penser.
Publicité
La première saison de Falcon et le Soldat de l’Hiver est diffusée tous les vendredis sur Disney+, à raison d’un épisode par semaine.