Depuis son arrivée en France le 7 avril 2020, Disney+ doit se plier aux règles appliquées par le CSA et la Commission européenne dans le secteur de la culture, à savoir investir dans la création française (comme le reste de ses concurrents d’ailleurs).
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Cette année, ces investissements ont commencé à se concrétiser avec la comédie Week-End Family, portée par Éric Judor, et la mini-série dramatique Oussekine présentée à Séries Mania 2022, qui revient sur le meurtre de Malik Oussekine et la bataille judiciaire qui en découla dans les années 1980. Entre les deux, Disney+ a mis en ligne la première saison de Parallèles (aussi écrit Para//èles), une tentative audacieuse et originale dans le genre de la science-fiction, pas franchement très commun ni réputé dans le paysage des séries françaises.
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Cette création, signée par le scénariste Quoc Dang Tran (Nox, Marianne), nous transporte dans un petit village de haute montagne, où quatre ados, Sam, son frère Victor, Bilal et Romane, passent le plus clair de leur temps à traîner dans un bunker abandonné. Mais, un soir, alors qu’ils célèbrent l’anniversaire d’un de leurs camarades, un étrange événement se produit et Victor, Bilal et Romane disparaissent subitement sans laisser de trace.
Choqué et déboussolé, Sam se retrouve seul pour comprendre ce phénomène alors que ses parents et la police ne veulent pas le croire. Dans le même temps, il rencontre un inconnu d’une trentaine d’années qui lui assure être le Bilal du futur, transporté dans le passé à la suite d’un inexplicable voyage dans le temps.
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Les mondes à l’envers
Le récit de Parallèles s’identifie à une forme de série “high concept”, un sous-genre de la SF popularisé dans les années 2000 par des créateurs de mystères sur le long cours comme J. J. Abrams, Damon Lindelof, Noah Hawley ou plus récemment Jonathan Nolan et Lisa Joy. Vous l’aurez compris, la série française puise son inspiration dans l’imaginaire américain, traduit par des propositions uniques en leur genre comme Lost et Westworld. Plus précisément, Parallèles semble très imprégnée de l’Allemande Dark et Stranger Things, deux hits sortis ces dernières années sur Netflix. Visuellement et narrativement, les aventures de Sam, Victor, Bilal et Romane ressemblent parfois à s’y méprendre à celles de Jonas ou Eleven.
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Si Parallèles évite la nostalgie des années 1980 et un arbre généalogique aussi complexe que celui de la famille Kahnwald, elle croise généreusement des éléments de Dark et Stranger Things (avec un soupçon de Chronicle, ce film de super-héros indépendant et très réaliste réalisé par Josh Trank) pour les reprendre à sa sauce. Un bunker, des voyages dans le temps liés à des concepts de physique quantique, une bande d’amis perdus dans le temps, des versions alternatives des personnages principaux, un décor mystique et envoûtant… Les références pleuvent à l’écran, parfois jusqu’au plan près, si bien qu’on pouvait craindre une pâle copie voire un patchwork fade entre ces deux séries Netflix. Pourtant, Parallèles arrive à trouver sa voie et mettre en avant le savoir-faire à la française à travers un récit bienveillant, poétique et finalement émouvant.
D’abord, la série évite de se montrer plus ambitieuse que son budget ou sa durée (six épisodes de 35 minutes en moyenne, ça passe très vite) ne le lui permettent. Ainsi, le mystère principal du récit est loin d’être aussi complexe que Westworld, ou aussi fourni et détaillé que Lost. Parallèles se veut plus accessible mais aussi plus réaliste d’une certaine manière, à travers des concepts astrophysiques comme la physique des particules et la théorie des ponts d’Einstein-Rosen (ou trous de ver si vous préférez), fantasmes des singularités de l’univers que tout amateur de SF connaît bien. Évidemment, Quoc Dang Tran évite de se perdre dans des explications farfelues ou trop poussées pour mettre plutôt en lumière ses personnages et leurs aventures. Et c’est là une preuve qu’il a bien compris comment fonctionne le “high concept” pour séduire ses spectateurs et spectatrices.
Ainsi, le mystère principal de la série est au service de ses jeunes héros et non de la complexification du récit. Comprenez par là que Parallèles passe plus de temps à construire ses protagonistes et leur dynamique entre eux au détriment d’apporter des réponses concrètes à ses fameux mondes alternatifs et autres voyages dans le temps. La série constitue alors une galerie de personnages touchants et attachants qui, malgré des dialogues parfois trop écrits, sont incarnés par de jeunes comédiens franchement doués. Par ailleurs, le jeune cast peut compter sur le charisme de Naidra Ayadi (qu’on retrouvera par ailleurs dans la mini-série française Oussekine sur Disney+ également), un personnage féminin joliment écrit et incarné, qui dépoussière le trope du savant fou.
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On sent par ailleurs que Parallèles a été faite avec les moyens du bord, sans faire appel à des effets spéciaux trop complexes qui auraient pu donner une bouillie indigeste. À la place, la mise en scène se veut plus sobre et poétique et convoque l’imaginaire des spectateurs et spectatrices, avec des mouvements de caméra judicieux et quelques effets spéciaux enfantins mais très jolis qui semblent naturels. Certains diront que c’est de la triche, d’autres que c’est ingénieux, selon votre point de vue brouillé par les grosses productions américaines. L’atmosphère fantastique est d’ailleurs très bien traduite grâce aux décors naturels de l’ensemble, la série ayant été tournée dans une région montagneuse près de Grenoble, en Isère, qui suffit amplement à nous immerger dans une réalité à la fois alternative et proche de la nôtre.
Il est possible qu’on s’emballe un peu sur Parallèles et ses six épisodes, où tout va parfois un peu vite et qui ne sont pas parfaits en termes d’écriture. Mais cette création française originale et audacieuse mérite qu’on y accorde de l’attention tant les séries de genre se font rares dans l’Hexagone. Avec ses références assumées, son cast solide, son univers passionnant et ses questionnements pertinents sur le syndrome de Peter Pan et la peur de grandir, Parallèles fait beaucoup de bien dans une actualité aussi anxiogène et prosaïque. Une proposition aussi rassurante qu’enfantine mais jamais naïve, qui nous donne autant envie qu’à Sam, Victor, Bilal et Romane de retourner dans un monde à l’envers plus lumineux.
La première saison de Parallèles est disponible en intégralité sur Disney+.
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