L’équation réussie de Tim Miller et David Fincher nous sert depuis maintenant deux ans une mini-série aux univers aussi trash que futuristes. Oscillant entre onirique et horrifique, les 26 courts-métrages de Love, Death + Robots ont chacun leur propre style et esthétique. Voici ceux qui nous ont le plus marqués.
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#10. Les Esprits de la nuit
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La panne d’essence en plein désert, un classique. Dans “Les Esprits de la nuit”, deux représentants se retrouvent bloqués et attendent le passage d’un·e conducteur·rice pour sortir de là – en vain. La nuit tombe et le rideau se lève : un incroyable spectacle de créatures phosphorescentes illumine le ciel. Poissons, pieuvres ou encore baleines de toutes les couleurs évoluent tranquillement autour du véhicule. L’explication : ils seraient les fantômes des anciens animaux qui peuplaient autrefois les lieux, lorsque le désert était encore un fond marin.
La vision est hypnotisante, si bien que le plus jeune des deux se jette à l’eau et s’envole dans les airs à leur rencontre. Mal lui en a pris : un redoutable requin préhistorique fonce sur lui et le déchire en deux. Tout l’esprit de Love, Death + Robots est là : en un simple claquement de doigts, on bascule du rêve féerique au tragique cauchemar.
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#9. L’Âge de glace
Rien à voir avec un quelconque écureuil fou accro aux glands ou un mammouth grognon qui parle, “L’Âge de glace” suit l’histoire d’un couple en plein emménagement. Entre deux cartons, ils tombent sur un ancien frigo laissé là par les anciens propriétaires. Surprise : dans le congélateur, une véritable mini-civilisation est en train de se développer.
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On survole alors ce microcosme niché dans une vallée enneigée. Des lilliputien·ne·s affairé·e·s s’appliquent à bâtir un village médiéval tandis que des choux de Bruxelles laissés là sont triés par un savant mécanisme en bois. Le couple ne cessera alors d’ouvrir régulièrement la porte du congélo pour constater les avancées de cette société éclair, de l’ère industrielle à un monde futuriste… jusqu’à sa disparition soudaine.
Si le bilan énergétique de cet épisode nous donne des frissons (refermez donc ce congélateur !), l’histoire a des allures de conte moderne et apporte un regard neuf sur notre propre société. Vers quel modèle civilisationnel nous dirigeons-nous ? Pourquoi mener à tout prix cette course au progrès ? Et surtout, où sont passés ces satanés brocolis ?
#8. Les Trois Robots
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Dans un monde post-apocalyptique, trois potes robots explorent les ruines de l’humanité. Ils s’émerveillent devant les dernières traces de vie humaine comme la fameuse “sphère divertissante ” aka… un ballon de basket. On adore les voir tenter de comprendre notre espèce et souligner nos incohérences : pourquoi se fatiguer à manger quand on peut tout simplement se recharger à l’aide d’une batterie ?
La joyeuse bande est aussi persuadée que les chats sont de dangereuses machines explosives. La preuve : quand on les caresse, on peut entendre le ronronnement d’une bombe, affirme l’un d’entre eux. Mais cette ambiance bon enfant retombe brusquement quand on apprend que les humains avaient doté les chats de pouces, tout juste ce qu’il manquait aux félins pour dominer le monde. De quoi questionner notre anthropocentrisme. Une histoire pleine d’humour et de second degré dont la légèreté n’est pas de refus.
#6. La Revanche du yaourt
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Une des histoires les plus WTF de la série digne des scénaristes de Rick and Morty. Dans “La Revanche du yaourt”, une expérience sur du yaourt fermenté aboutit à la naissance d’une armée de produits laitiers dotés de l’intelligence et de la parole. Après une négo avec le président des États-Unis himself, ils investissent l’état de l’Ohio et trouvent la solution pour rembourser la dette des États-Unis – rien que ça. En deux, trois coups de cuillère, le yaourt devient leader suprême du monde entier. Mais les humains dépendent désormais (littéralement) des produits laitiers, ce qui pourrait bien les mener à leur perte…
Ces cinq minutes sont un pur concentré d’absurde. La trame narrative et le style de l’animation y sont pour beaucoup, le comique des petits personnages presque cubiques aux airs ahuris tranchant avec la gravité de l’ascension géopolitique laitière. Une chose est sûre, après cet épisode, on se dit que non, les produits laitiers ne sont décidément pas nos amis pour la vie.
#7. De si hautes herbes
Changement d’ambiance pour ce court-métrage angoissant. Plusieurs épisodes de la saison 2 de Love, Death + Robots sortie en mai dernier ont attiré notre attention. Parmi eux, “De si hautes herbes”, un récit cauchemardesque qui ne vous fera plus jamais voir les champs de maïs de la même façon. Alors qu’un train à vapeur doit s’immobiliser sur les rails, un des passagers décide de s’accorder une petite pause cigarette dehors. Il fait nuit, les champs s’étendent à perte de vue, et une curieuse lueur brille au loin. Évidemment, alors que le conducteur de train avait déconseillé de s’éloigner, notre héros décide de s’aventurer dans la végétation.
On soupire devant tant d’imprudence : comme au début de tout film d’horreur, il fallait bien que le personnage aille braver l’interdit pour se retrouver dans le pétrin… Et ça ne loupe pas : plus il avance, plus les herbes s’agrandissent, jusqu’à ce qu’il se retrouve complètement perdu. C’est là qu’apparaissent ces horribles créatures, sortes de monstrueuses silhouettes humaines livides sans visage à la The Descent. On a le cœur qui palpite quand le héros peine à s’enfuir, pourchassé par ces bêtes de l’enfer. Pas d’amour ni de robots pour cette fois, mais il frôle bien la mort. Une bonne dose d’adrénaline horrifique comme on les aime.
#5. La Surprise de Noël
Dans la veine de l’horreur, cet ovni revisite l’imaginaire de nos tendres enfances. La surprise en question est loin d’être celle que l’on croit : dans cet épisode, le petit Papa Noël n’est ni petit, ni papa… Mais un monstre absolument ignoble aux allures d’arachnide géant avec son arsenal de tentacules, de griffes et de crocs acérés.
Une découverte plutôt traumatisante pour les deux enfants qui venaient simplement guetter la venue des cadeaux sous le sapin le soir du 24 décembre. La bonne nouvelle, c’est que la créature en a bien en réserve pour eux ; la moins bonne, c’est qu’ils ne sortent pas d’une hotte, mais directement de la gueule du monstre. Ce dernier leur offre vomit donc leurs présents avant de s’éclipser par la cheminée. Ou comment transformer une légende toute mignonne en l’histoire la plus improbable et terrifiante qui soit… tout en nous laissant un sourire aux lèvres devant autant d’imagination.
#4. Groupe d’intervention
Après le conte remanié, place à la fable réflexive. Dans “Groupe d’intervention”, l’humanité a trouvé le secret de l’immortalité sous la forme d’un sérum de jouvence “rejoo”. Une injection confère le pouvoir de vivre pour l’éternité, avec comme seule condition de renoncer à avoir des enfants. Les dangereux criminels à traquer et abattre sans hésitation ne sont alors ni de redoutables assassins ou autres trafiquants de drogues mais… de simples parents et leurs enfants.
On y suit un policier impassible dont la tâche consiste justement à anéantir les familles illégales qui se cachent pour vivre à l’abri des regards. Là, les peluches font figure de pièces d’antiquités et le moindre pleur de bébé est suspect. L’univers est sombre, pesant, à l’image de la conscience tourmentée du personnage que les remords assaillent. Si bien que lors d’une ultime traque, ce dernier renonce à tuer une mère et sa petite fille. Mais son obligation professionnelle le rattrape, et il finit par tirer sur sa collègue pour qu’elle ne puisse pas à son tour leur nuire.
Un questionnement touchant sur les motifs profonds de notre existence et sa finalité : vivre pour soi-même, est-ce de l’égoïsme suffisant à contenter l’être humain ? L’altruisme et la transmission ne sont-elles pas intrinsèques aux fondamentaux de la vie ? Vous avez 3 heures (ou simplement 16 minutes, si vous préférez regarder ce petit bijou).
#3. L’Avantage de Sonnie
Lauréat des Annie Awards 2020, catégorie Design de production animée, cet épisode nous sort au contraire de nos interrogations métaphysiques pour rentrer dans le vif du sujet : la mort et les robots. Plus précisément, des combats acharnés de bestiaux dans des arènes ultra modernes. Ces monstres sont pilotés par la force de la pensée d’être humains comme Sonnie, jeune femme rescapée d’une agression sexuelle aux séquelles psychologiques et physiques irréversibles.
Si Sonnie nous semble au départ froide et sans pitié, on apprend peu à peu qu’elle a dû apprendre à vivre dans la peur et la haine pour combattre. Mais alors qu’elle se livre à Jennifer, la jeune compagne séduisante et séductrice d’un chef de gang, ce dernier fait irruption et l’anéantit. Enfin, croit l’anéantir, car le (double) plot twist de cet épisode est génial. Si Sonnie semble à première vue être un simple robot humanoïde, elle révèle ensuite sa vraie nature aux deux assaillants : le monstre, c’est elle. Un retournement de situation inattendu qui nous captive jusqu’à la dernière seconde.
#2. Le Témoin
Là, on atteint le gratin de cette sélection. “Le Témoin” a lui aussi remporté les Annie Awards la même année que “L’Avantage de Sonnie”, ainsi que trois prix aux Primetime Creative Arts Emmy Awards en 2019. L’esthétique est singulière, nous plongeant dans une cité futuriste aux nuances roses et violettes. Un écrin visuel onirique pour une intrigue aux allures de thriller à base de maison close peuplée de robots, de boucle spatiotemporelle et… d’un (double) meurtre.
Car le témoin, ou plutôt “la” témoin éponyme, c’est celle qui assiste à un assassinat. Notre héroïne surprend par sa fenêtre un homme alors qu’il vient de poignarder quelqu’un. Elle passe alors toute l’histoire à le fuir, tandis que lui ne pense qu’à la retrouver. Pourquoi ? Car celle à qui il vient d’ôter la vie n’est autre… que notre héroïne en question.
Un scénario bien mindfuck avec un twist tout aussi inattendu que celui de Sonnie : lorsque l’héroïne se retrouve face à l’agresseur et le tue à son tour, elle se rend alors compte qu’elle est épiée… par l’homme à qui elle vient justement d’ôter la vie. L’histoire macabre se répète.
#1. L’Œuvre de Zima
Notre chouchou à l’apogée de cette série sur l’amour, la mort et les robots, c’est donc “L’Œuvre de Zima”. Une légende futuriste contant l’histoire d’un artiste obsédé par la couleur bleue, dont chaque nouvelle peinture dépasse en taille celle d’avant pour atteindre des proportions spectaculaires – jusqu’à être visible depuis l’espace, ça n’est pas rien tout de même.
Cet artiste torturé balzacien semble sortir tout droit de La Recherche de l’absolu et n’est jamais satisfait, allant même jusqu’à appliquer des modifications cybernétiques à son propre corps : sa peau est remplacée par des tissus polymères, il ne respire plus d’oxygène… Bref, il est un être mi-homme mi-robot.
Ce qui semble dépasser l’entendement et frôler l’hybris chez Zima, n’est autre qu’un retour aux sources. Car à l’origine, l’artiste révèle être un simple et modeste nettoyeur automatique de piscine, sans cesse augmenté jusqu’à atteindre l’apparence et la pensée d’un être humain. Ce bleu qui le fascinait jour et nuit n’est autre qu’un souvenir lointain de son passé, celui des carreaux azurés du bassin.
Tout comme un humain retournerait symboliquement à sa poussière originelle, Zima se laisse alors se désintégrer lentement dans l’eau pour retourner à sa forme première, comme au temps des premières neiges. Son prénom est d’ailleurs loin d’être un hasard : “Zima” ne signifie autre que l’hiver en slave, la saison du recueillement, de l’introspection. Un poème touchant et profond qui nous laisse rêveur·euse et pensif·ive… et mérite amplement son sacre de meilleur épisode de Love, Death + Robots.
Les deux premières saisons de Love, Death + Robots sont disponibles en intégralité sur Netflix.