Injustice de l’histoire : vous ne la connaissez probablement pas, et pourtant, Nancy Drew est une pionnière, qui a infusé des œuvres aussi diverses que Twin Peaks, Veronica Mars ou la récente Riverdale. Le personnage de la jeune détective aux multiples talents a été imaginé en 1930 par Edward Stratemeyer et Mildred Wirt dans une série de livres pour enfants. Au final, il existe 175 romans mettant en scène la jeune femme, édités jusqu’en 2003. Des adaptations ont déjà eu lieu, sur le grand écran (cinq films, dont le dernier en 2007 avec Emma Roberts dans le rôle-titre) et sur le petit (deux dont une en 1995, au moment de la montée en puissance des héroïnes de séries badass).
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Si, sur la forme, Roberto Aguirre-Sacasa donne le la en matière d’esthétique des séries ado depuis le succès de Riverdale (elle-même très inspirée par les œuvres policières et ados qui l’ont précédée), sur le fond, Nancy Drew était donc complètement légitime pour venir réclamer à Betty Cooper sa couronne de brillante détective.
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Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme
À la vue du pilote de la nouvelle série Nancy Drew, lancée le 9 octobre dernier sur The CW, il était primordial de recontextualiser l’histoire de ce personnage iconique de la pop culture américaine, qui a eu du mal à passer l’Atlantique (elle est peu connue chez nous). Car sans ces informations, ce nouveau show peut passer pour une pâle copie de Riverdale, ou en tout cas une nouvelle production de la team de Roberto Aguirre-Sacasa. En fait, pas du tout : il apparaît seulement que ce dernier a remis au goût du jour une esthétique rétro d’une Amérique fantasmée des années 1960, également présente dans cette nouvelle itération signée par deux routiers du teen show, Josh Schwartz (Newport Beach) et Stephanie Savage (Gossip Girl).
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Dans cette nouvelle version, Nancy Drew est une jeune femme brillante âgée de 18 ans et une détective “à la retraite”, qui a mis ses plans pour étudier à l’université de côté après la mort de sa mère. Elle est serveuse dans un dinner, The Bayside Claw, situé dans la petite ville de Horseshoe Bay. Un soir, une femme qu’elle venait de servir meurt dans un parking, assassinée par ce qui semble être un… fantôme. Interrogée par la police, assaillie de visions étranges, Nancy ne peut se retenir plus longtemps de mener l’enquête. Ses collègues du dinner, George, Bess et son love interest Nick se retrouvent aussi impliqués, quand il ne sont pas… suspects. Et voici un début de Scooby Gang en pleine ambiance Scream ou je ne m’y connais pas !
Sans surprise, au visionnage de ce premier épisode bien formaté, l’influence qui se fait le plus sentir est celle de Riverdale. Les similarités, de la plus anecdotique (Nancy Drew est rousse, comme Archie) à la plus évidente (la mise en scène aux couleurs saturées, les nuits éclairées au néon), s’accumulent. Comme si la CW, qui diffuse les deux séries, avait donné pour consigne au réalisateur Larry Teng de reprendre les codes du hit ado lancé en 2017.
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En somme, nous voilà face à des mystères à résoudre (le meurtre de cette femme, auquel s’ajoute le potentiel fantôme de “Dead Lucy”, une jeune femme retrouvée morte en bas d’une falaise dans sa robe de promo), des personnages vaguement dessinés (on espère qu’ils seront moins caricaturaux sur le long terme que Jughead, Veronica, Archie, Betty et compagnie) et cette ambiance de slasher 90’s qui fait fureur ces dernières années dans le monde des séries (ce n’est pas AHS 1984 qui nous dira le contraire).
Là où Nancy Drew a l’occasion de se démarquer de la concurrence, c’est en ne se perdant pas dans des intrigues abracadabrantes comme l’a fait l’inénarrable Riverdale, au point que ce n’importe quoi narratif devienne une marque de fabrique, et ne tombant pas dans le syndrome Archie (un héros “boy next door” canon mais ennuyeux à souhait). Cette héroïne (incarnée par la convaincante Kennedy McMann), en plein processus de deuil, a des comptes à régler avec papa (coucou Scott Wolf).
Elle possède en germe une profondeur qui la place dans le sillage des prédécesseures Buffy Summers ou Veronica Mars. Pour cela, il faudra qu’elle fasse preuve de davantage de personnalité. En dehors de sa curiosité, sa réticence à envisager Nick autrement que comme un plan cul et sa relation tendue avec son géniteur, la jeune femme ne possède pas encore de traits de caractère assez marqués pour la rendre vraiment attachante. Sa voix off, plate et pour le moment inutile, en est la plus éclatante des preuves.
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Difficile en un petit épisode d’imaginer l’évolution de la série et de ses personnages, qui ont par ailleurs les deux pieds dans leur époque (deux protagonistes du groupe sont racisés par exemple) malgré l’esthétique rétro. Mais ce qu’elle ne possède pas et qui viendra peut-être, ce sont des moments plus légers et de recul pourquoi pas méta – Nancy fait partie intégrante de la pop culture –, il s’agirait de jouer avec. Les débuts de la détective qui en a inspiré tant d’autres sont un peu trop sérieux et formatés pour convaincre totalement. Pour éviter l’annulation, Nancy Drew devra rapidement trouver un ton plus singulier.