Surprise feel good de l’année 2020, la super chou Mes premières fois (Never I Have Ever en version originale, qui fait référence à un jeu adolescent pratiqué surtout aux États-Unis) est de retour pour une saison 2 sur Netflix, mise en ligne le 15 juillet dernier. Le teen drama signé Mindy Kaling et Lang Fisher nous racontait sur le ton de la comédie le quotidien d’une ado, Devi Vishwakumar (incarnée par Maitreyi Ramakrishnan), évoluant à Sherman Oaks High, un lycée de Californie. Après avoir subi une paralysie fulgurante à la suite du décès de son père, l’adolescente, considérée comme la weirdo de service dans l’établissement, décidait qu’il était temps… de perdre sa virginité.
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On la quittait en fin de saison 1 avec déjà un peu plus de confiance en elle et tiraillée entre deux camarades masculins : le fayot mais attachant Ben (Jaren Lewison), et le bad boy Paxton (Darren Barnet), machine à fantasmes. Alors, qui Devi a-t-elle choisi après avoir répandu les cendres de son père avec sa famille ? Comme nous le raconte ce bon vieux John McEnroe, toujours narrateur du récit en voix off, la jeune femme a fait le choix audacieux… de ne pas en faire !
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Voilà donc notre Devi nationale doublement maquée après avoir accepté d’être la petite amie des deux élus de son cœur. Ce double jeu ne durera évidemment qu’un temps, et Devi va devoir faire face aux conséquences, parfois lourdes, de ses actes égoïstes. C’est un peu le mantra de la saison pour notre héroïne, qui incarne toujours à la perfection la “normalité” (ou l’anormalité, car personne n’est normal au lycée) un peu maladroite de l’adolescence. Elle va apprendre que les mauvaises décisions, les mensonges pas si innocents et les coups de colère inconsidérés contre ses proches ont des répercussions. Il existe un monde entre nos intentions initiales et le résultat de nos actes. Devi va alors retrousser ses manches, apprendre à s’excuser et tout simplement à gagner en maturité.
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La série montre bien, notamment à travers son amitié naissante avec Aneesa Qureshi, une nouvelle venue d’origine indienne, comme elle, comment l’on peut passer de victime à bourreau en quelques jours au lycée. Blessée qu’on la surnomme “crazy Devi”et jalouse de la cote de popularité de la jeune femme, Devi se laisse gagner par ses insécurités et lance sous le coup de la colère une rumeur sur l’anorexie d’Aneesa.
Malheureusement, cette supposition s’avère véridique, et c’est même la raison pour laquelle elle a quitté son précédent lycée. Devi, la gentille loseuse habituellement victime de moqueries, se retrouve du mauvais côté de la barrière. Cela fait partie de l’apprentissage de la vie de découvrir qu’on peut mal se comporter et voir son jugement obscurci par ses états d’âme, surtout quand on est adolescent·e. En prenant le temps de discuter avec ses amies, sa psy (incarnée par la géniale Niecy Nash) ou sa famille, Devi apprend de ses erreurs. Comme toujours, pour désamorcer une situation potentiellement explosive, rien de tel que l’honnêteté et la communication.
Normaliser (et universaliser) l’inclusivité
Mes premières fois se repose parfois sur des clichés éculés du genre du teen drama, comme le ressort du trio amoureux (Devi va-t-elle finir avec Ben ou Paxton ?). Mais la série parvient à conserver une vraie fraîcheur grâce à des dialogues décalés toujours aussi efficaces, un cast attachant et impeccable, et une inclusivité normalisée dans un genre historiquement dominé par des protagonistes blancs et hétérosexuels, de Beverly Hills à Dawson en passant par Awkard pour ne citer qu’elles.
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La diversité des origines des personnages (la majorité est racisée) apporte ainsi immanquablement plus d’histoires inédites – car encore peu explorées – que s’ils avaient été Blancs. Et ces histoires portent une résonance toute aussi universelle que les séries précédemment citées. Chez les adolescent·e·s, on suit par exemple la trajectoire de Paxton, qui en apprend plus sur ses origines nippones à travers un projet d’histoire incluant son grand-père et une période sombre de l’histoire des États-Unis, celle des camps d’internement des Américains d’origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Une façon aussi de mettre en lumière les bienfaits du travail de mémoire, de la transmission et tout simplement de la connaissance.
De leur côté, les deux amies de Devi, Eleanor Wong (Ramona Young) et Fabiola Torres (Lee Rodriguez), ont un temps de présence à l’écran limité, qui ne permet pas forcément de les explorer de façon multidimensionnelle. La première plonge dans une relation toxique et finit par ouvrir les yeux sur ses névroses liées à l’abandon de sa mère, quand la deuxième navigue avec sa nouvelle identité queer et sa première relation amoureuse avec une femme, Eve (Christina Kartchner). On regrettera que la série n’explore cette romance que très superficiellement pour le moment, insistant davantage sur ce que représente symboliquement ce couple lesbien, sacré “reine et reine de promo” en fin de saison.
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En revanche, on apprécie que ces protagonistes secondaires piétinent les stéréotypes associés à leurs origines respectives : Eleanor, adolescente d’origine asiatique, est une grande drama queen devant l’éternel, quand Fabiola, jeune femme noire et queer, est plutôt du genre grande nerdy passionnée de robots et peu à l’aise socialement. Les scénaristes prennent aussi leur temps pour développer très joliment la romance naissante entre Nalini, la mère de Devi, et un collègue dermatologue et noir, Dr. Chris Jackson. La réaction détestable mais compréhensible de Devi lorsqu’elle apprend la nouvelle – elle blâme sa mère et l’accuse d’avoir oublié son défunt père – résume assez bien les qualités de Mes premières fois.
Notre héroïne n’est pas une jeune fille “parfaite”, et la perfection n’est pas de ce monde, à part dans les yeux d’un père ou d’une mère aimante. Elle n’a pas toujours les bonnes réactions et se laisse parfois dépasser par ses émotions. Qui n’a pas hurlé des horreurs à sa mère avant de s’en mordre les doigts ? Les réactions immatures de Devi sont contrebalancées par ses prises de conscience – certes parfois tardives ! – et par une personnalité attachante et inspirante. À tel point que sa grande cousine, Kamala (Richa Moorjani), prend exemple sur elle au moment de s’opposer à son boss sexiste, qui a omis de créditer son travail dans une étude scientifique. Pas mal pour une ado de 16 ans, décidément capable du meilleur comme du pire !
Dans cette saison 2 qui se savoure sans modération, Devi continue de grandir, entre moments de gloire et de honte, sous la plume de la talentueuse équipe de scénaristes aux origines variées (notamment indiennes, comme sa showrunneuse, Mindy Kaling, qui raconte son adolescence à travers le personnage de Devi) et à prédominance féminine. Ça peut vous sembler anodin, mais quand des scénaristes concernées racontent leur histoire, ça fait tout de suite la différence. On a hâte de retrouver tout ce beau monde pour une saison 3, à officialiser du côté de Netflix, qu’on imagine bien être celle de la maturité et des aspirations professionnelles pour Devi. Sans oublier quelques gaffes et dilemmes amoureux inextricables bien sûr !
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La saison 2 de Mes premières fois est disponible sur Netflix depuis le 15 juillet.