En 2016, la sphère Tumblr s’amourachait de Skam, petite fiction scandinave devenue grande qui, en quatre saisons, a conquis moult millennials à travers le globe. Son parti pris – présenter la jeunesse dans son plus simple appareil, sans filtre et sans préjugés – contrastait avec le paysage actuel des séries pour ados. Carton oblige, Julie Andem, la créatrice de Skam, a piloté la naissance d’une flopée de remakes dans divers pays étrangers. La Norvège, elle, essaie toujours de lui trouver un successeur et vient peut-être d’en dénicher un.
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Son nom, c’est Lovleg. Débarquée fin août sur NRK (qui a également diffusé Skam, ndlr), elle met en scène les premiers pas de Gunnhild dans la bourgade isolée de Sandane, localisée dans le comté de Sogn og Fjordane. Âgée de 15 ans, cette ado introvertie vient d’emménager dans une dorm house, c’est-à-dire un immeuble habité par des jeunes comme elle qui vivent en colocation sans supervision. Elle s’apprête à démarrer ses années lycée dans un établissement où elle ne connaît encore personne : en bref, le pitch “poisson hors de l’eau”, on l’a déjà vu mille fois.
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Et pourtant, Lovleg se démarque tout de go de n’importe quel autre teen drama de ces dernières années. D’une part, tout comme Skam s’était évertuée à le faire dès son lancement, la série veut dépeindre l’âge ingrat de la façon la plus réaliste qui soit. Sans être un canon de beauté ou tout son contraire, Gunnhild (justement interprétée par la méconnue Kristine Ryssdalsnes Horvli) est l’incarnation même de l’ado lambda, la girl next door en puissance. Elle porte des sweat-shirts XXL, doit composer avec un père surprotecteur et, surtout, n’a pas confiance en elle. Et on touche là au cœur de Lovleg.
Avec la même approche naturaliste que pouvait avoir Skam dans ses meilleurs moments, cette nouvelle série norvégienne n’a pas de mal à encapsuler l’essence même de cet âge-là. L’âge des premiers échecs, des premières déceptions, où l’on tâtonne sans trop savoir quelle direction suivre et où n’importe quelle émotion prend des ampleurs colossales. Et si la vie de Gunnhild est présentée avec beaucoup de simplicité, Lovleg ne se contente pas d’une approche quasi documentaire. Dans sa tonalité, la série fait usage d’une certaine absurdité qui fonctionne.
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Les interactions entre Gunnhild et ses camarades paraissent en léger décalage avec les thématiques que Lovleg désire aborder. Si vous trouviez que certains dialogues étaient gênants dans Skam – il faut croire que les Norvégiens n’ont pas le même débit de parole que nous –, ce n’était rien en comparaison à sa successeure. D’autant plus que ce côté malaise est accentué par Gunnhild, souvent titubante dans ses propos, et son naturel timide. Et si cela pourrait amoindrir la crédibilité de la série, c’est finalement tout le contraire qui se passe : oui, l’adolescence est faite de nombreux malaises, autant se l’avouer.
Ah, et pour celles et ceux qui auraient envie de jeter un coup d’œil à Lovleg dans l’espoir de cultiver les bases de norvégien acquises grâce à Skam, vous faites (un peu) fausse route. Les ados de Skam avaient l’accent qu’on entend majoritairement à Oslo, ce qui n’est pas le cas de ceux de Lovleg, qui n’hésitent d’ailleurs pas à employer un dialecte typique de la région. En soi, c’est un bon exercice pour les éventuels Erasmus qui envisagent de poser leurs valises à l’ouest de la Norvège.
En prime, Lovleg bénéficie du même mode de diffusion multiplateforme que Skam, avec plusieurs clips à durée variable proposés en temps réel chaque semaine. Soyons honnêtes, il y a tout de même peu de chances que cette petite nouvelle connaisse le même succès retentissant que son aînée. Elle réunit en tout cas les ingrédients nécessaires pour y parvenir, fusionnant une atmosphère légère avec des instants plus contemplatifs et posant, au bout du compte, un regard bienveillant sur la jeunesse contemporaine.
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Lovleg est actuellement diffusée sur NRK dans son pays d’origine, mais ses épisodes sont trouvables sur Tumblr en version sous-titrée anglais.