Avant de conquérir l’Europe et les pays asiatiques, l’Amérique latine a été l’un des centres névralgiques de Netflix pour la production de séries étrangères. Narcos, 3% ou encore Reality Z ont connu un succès retentissant sur la plateforme, démocratisant le langage sériel des œuvres hispanophones, jusqu’à leur avènement plus occidental avec La Casa de Papel et Élite. Forcément, Netflix continue de produire du contenu dans les régions du Mercosur avec, ce mois-ci, une série originale intégralement incarnée et tournée au Brésil, La Cité invisible.
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Dans ce show à la croisée du polar et du fantastique, on découvre le destin tragique d’Eric, un flic de Rio de Janeiro spécialisé dans la protection de l’environnement. Il doit surmonter le décès de sa femme, morte dans des circonstances mystérieuses au cours d’un incendie. Son enquête finit par le mener jusqu’au cadavre d’un dauphin rose, échoué sur une plage, qui le guide jusqu’à une mystérieuse communauté de la forêt, douée de pouvoirs magiques. Là, il découvre avec effroi que des esprits et des créatures mystiques hantent les bois, dont Dry Body, un démon hostile et très dangereux, possiblement à l’origine de meurtres sanglants.
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Démons et pollution
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Au milieu de sa quantité exponentielle de contenus proposés, Netflix profite de ses productions étrangères pour proposer des œuvres de genre. Ainsi, on a pu profiter de l’horreur indienne, puis égyptienne, avec respectivement Ghoul et Paranormal, deux séries qui ont précédé La Cité invisible. Pour cette série brésilienne créée par Carlos Saldanha (le réalisateur de L’Âge de glace et Rio), la plateforme nous invite à découvrir le folklore local, mettant en scène des créatures, telles que le Curupira, le Boto Cor de Rosa et le Saci. Une mythologie rafraîchissante pour les Occidentaux, qui s’éloigne de nos lutins et autres fées habituelles.
Évidemment, la présence du fantastique dans La Cité invisible n’est qu’un prétexte pour parler d’une problématique actuelle. Les monstres de la forêt sont très clairement une métaphore de la pollution et de l’influence néfaste de l’homme sur ses ressources, l’Amazonie en tête de file pour les pays d’Amérique latine. Les dangers mystiques de la série sont en réalité un plaidoyer pour la nature qui reprend ses droits et exhortent leur souffrance liée à la déforestation et l’érosion des sols. Le show possède donc une portée pédagogique importante à travers son sous-texte, qui met par ailleurs en lumière des métiers de l’ombre, comme celui d’Eric, essentiels pour la protection de l’environnement.
Dans l’exécution, la série est un peu plus prévisible et formatée. Malgré un jeu intrigant sur les lumières et une atmosphère poisseuse bien travaillée, la mise en scène peine à nous faire véritablement trembler. Les mouvements de caméra ne sont pas très modernes et les effets visuels assez cheap, par moments. En revanche, La Cité invisible n’a pas peur de foncer tête baissée sur la représentation des pouvoirs et envoûtements noirs de ses créatures, si bien que les fans de séries B y trouveront leur compte, avec une enquête classique – quoique ponctuée de quelques incohérences. On a parfois la drôle de sensation d’assister à la rencontre entre X-Files et Supernatural.
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Finalement, La Cité invisible est plus intéressante quand elle s’éloigne de son Atlantide boisée. À la manière de The Haunting of, elle utilise sa thématique horrifique pour évoquer la question du deuil. Eric et sa fille partagent des scènes sur la difficulté du dialogue et l’explication du concept de la mort aux enfants, qui s’avèrent très émouvantes. On apprécie l’alchimie palpable entre les deux interprètes qui sont au cœur de ce récit sur la résignation et l’épanouissement après un drame aussi brutal. La série se révèle bien plus juste dans ces moments d’émotion familiaux, qui nous font découvrir tout un pan des traditions sociales brésiliennes.
Comme 3% et ses homologues hispaniques, La Cité Invisible s’avère une série honnête dans ses ambitions et esthétiquement intrigante, qui a l’avantage de nous faire voyager en ces temps où nous sommes enfermés. Avec ses décors somptueux et sa mythologie exotique, elle représente une bonne alternative d’évasion pour les abonné·e·s fatigué·e·s des productions trop américaines. Elle est loin d’être parfaite dans l’exécution et sa qualité visuelle mais elle aura l’avantage de vous proposer un univers, fait de dauphins roses et de sirènes marécageuses, vu nulle part ailleurs.
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La première saison de La Cité invisible est disponible en intégralité sur Netflix.