C’est un exercice inédit auquel se prête l’humoriste aguerrie, plus habituée à dérouler les sketchs qu’à déballer ses tripes. Pour la première fois, Florence Foresti se raconte, avec toute la drôlerie qui la caractérise mais sans cacher ses peurs et ses aspérités, dans Désordres, qu’elle a écrite et réalisée en collaboration avec son camarade Pascal Serieis et dans laquelle elle se met en scène. Cette autofiction, rafraîchissante et à fleur de peau, navigue entre comédie romantique, récit introspectif et chroniques d’une bande de copines. À l’occasion du lancement de Désordres ce 3 octobre sur Canal+, nous avons pu rencontrer Florence Foresti, qui s’est confiée sur cette première expérience forcément très personnelle.
Publicité
Konbini ⎥ Le public te connaît surtout sur les planches, et il a pu te voir au cinéma également, dans le rôle de la fille drôle en toutes circonstances. D’où t’est venue l’idée de faire une série, et pourquoi cette série-là, très intime, en particulier ?
Publicité
Florence Foresti ⎥ J’ai toujours eu envie d’en écrire une. Je suis une enfant des séries : Seinfeld, Dream On, Friends, Sex and the City, The L Word… Je suis fan de celles des années 1990 à 2010, de Larry David, de Ricky Gervais. J’ai toujours rêvé de le faire, je devais juste attendre le bon moment et les bons partenaires. Mais j’étais tellement écrasée sous le poids de mes références que j’ai eu très, très peur d’y aller, et il a fallu qu’on me mette des coups de pied aux fesses.
“Je me disais que j’étais trop vieille pour faire un Sex and the City à la française.”
Publicité
En regardant Désordres, on perçoit quelques notes de Fleabag ou de Crazy Ex-Girlfriend, deux séries écrites par des femmes qui se mettent elles-mêmes en scène et qui excellent autant dans la comédie que dans une exploration plus dramatique de leurs états d’âme.
Je n’ai vu aucune des deux. Mais effectivement, mes références, ce sont plutôt des autofictions et surtout Pamela Adlon avec Better Things. Cette série m’a vraiment aidée à me mettre au travail. Je me disais que j’étais trop vieille pour faire un Sex and the City à la française, parce qu’évidemment, on a toutes rêvé de faire ça et personne n’y est jamais arrivé. Et puis j’ai vu Better Things, avec une Pamela Adlon qui assume son âge, sa ménopause, ses trois gosses, et qui ne parle finalement presque que de son quotidien, de sa relation avec ses filles ou de sa mère. Et je me suis dit qu’on n’avait pas besoin d’être une femme active de 30 ans pour avoir des choses à raconter. J’ai aussi été beaucoup inspirée par des femmes de la trempe de Julia Louis-Dreyfus qui a joué dans Seinfeld ou Veep, ou par les séries en demi-teinte de Ricky Gervais, et notamment Extras, et beaucoup aussi par Larry David. Sauf que ce qui me manque chez lui, c’est l’émotion. C’est un mec très “comédie” – ce qui est merveilleux, puisque la comédie est en soi un art majeur. C’est juste que moi, j’avais envie de parler de romance, j’avais envie d’un peu plus d’amour et d’aller davantage dans le registre de la sensibilité.
Publicité
“Emily in Paris et toutes ces conneries, on n’en veut plus.”
Et d’ailleurs, en France, on a assez peu de séries qui mettent en scène des femmes de plus de 45 ans…
C’est vrai qu’on n’a pas grand-chose ! En plus, c’est un terrain glissant de vouloir faire une série “girly”, parce que c’est souvent caricatural et réducteur. C’était un peu le risque que je prenais avec Désordres. J’avais cette peur d’être superficielle. Emily in Paris et toutes ces conneries, on n’en veut plus. Il y a tellement de belles choses à raconter, il y a tellement de féminités différentes, ça ne veut presque plus rien dire “une série de filles”. C’est de séries d’auteur·rice·s dont on a besoin, hommes ou femmes. On veut juste des gens qui aient des choses à dire. Je suis aussi une mère, je suis une amoureuse, je suis une femme qui travaille, je suis une anxieuse… Les femmes sont beaucoup plus complexes que ce qu’on nous a montré pendant des années dans la fiction. J’ai juste essayé d’être au plus près de mon quotidien.
Publicité
Tu y parles de tes troubles anxieux, puisque la série est très autobiographique. Ce n’est pas un peu paradoxal de se mettre autant en danger, en livrant une œuvre aussi personnelle, quand on vit avec les angoisses ? C’est en tout cas quelque chose que tu ne mettais pas dans tes spectacles.
La série m’a permis d’aborder des sujets que je n’aborde pas sur scène parce que ce n’est pas très drôle. Ou du moins, je n’ai pas trouvé le bon angle pour aborder le sujet. Je l’ai fait une fois dans un sketch à Bercy. Mais si on veut vraiment aller chercher des émotions un peu plus subtiles, la série est un meilleur médium, en effet, parce qu’il y a la musique, la mise en scène, et puis les autres. Quand je suis seule sur scène, je ne peux pas aller chercher toutes ces émotions que procurent l’amitié, l’amour, ou les événements un peu plus dramatiques de la vie comme les avortements ou la dépression. La série, c’était le terrain de jeu idéal, et ça m’a permis d’élargir mon spectre.
Publicité
On ne va rien spoiler, mais la dernière scène de Désordres peut servir de final. Cependant, elle ouvre aussi sur une potentielle suite. Est-ce que tu te projettes déjà dans une saison 2 ou pas du tout ?
Je ne me projette pas encore, mais c’est vrai qu’il y a cette scène dans l’épisode 8 qui ressemble à une promesse. J’avais envie de distribuer un petit biscuit, comme ça. Même pour moi, j’avais envie de finir sur une note d’espoir pour mon personnage. Mais je n’ai pas encore songé à une saison 2, je laisse juste la porte entrouverte.
Et pour finir : qu’est-ce qui fait marrer Florence Foresti ?
À peu près tout ! Mais surtout les autres, mes amis, mes proches, ma famille. La vie ne me fait pas rire du tout, ou plutôt la société actuelle. Vraiment pas. Je suis assez noire et pessimiste à l’intérieur. En revanche, je suis entourée de gens très, très drôles, et ça me sauve.
La saison 1 de Désordres est actuellement diffusée sur Canal+.