C’est en août 2018 que débutait Insatiable, œuvre ô combien controversée de par son propos bancal et sa grossophobie ambiante, parsemée çà et là au fil de ses douze épisodes. Bien que la critique fut quasi unanime en l’affublant du titre de pire série produite par Netflix, le mastodonte du streaming n’avait pas mis trop de temps à la renouveler pour une deuxième saison. Alors que cette dernière a été dévoilée le 11 octobre dernier, on s’attendait au pire. La surprise ne pouvait qu’être au rendez-vous.
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La dernière fois qu’on la voyait, Patty venait de frapper à mort son ex-boyfriend Christian à l’aide d’un pied-de-biche, le tout après s’être échappée des griffes de Stella Rose qui l’avait kidnappée afin de ruiner toutes ses chances de concourir pour le titre régional. Vous trouvez ça déjà too much ? Alors mieux vaut s’accrocher pour la saison 2, qui place les curseurs au maximum en termes de folie. Ici, notre reine de beauté en herbe veut continuer de gravir les échelons mais les fantômes de son passé vont rapidement la rattraper, au point de mettre en question sa santé mentale. Rien que ça, ni plus ni moins.
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Il est vrai que, comme beaucoup, la fournée inaugurale d’Insatiable était loin, très loin d’être stellaire. Dans le genre exercice satirique, la série de Lauren Gussis s’était lamentablement mélangé les pinceaux, se confondant entre tentatives d’humour foireuses et message plutôt problématique (car stigmatisant envers les personnes grosses). Mais en saison 2, un virage s’opère. Sans devenir la meilleure série du catalogue Netflix – il n’est quand même pas question d’un 180 °C ici, n’abusons pas –, Insatiable prouve qu’elle a entendu les reproches faits à son égard et tente de faire amende honorable.
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Cette rédemption est rendue évidente dans le quatrième épisode, intitulé “Poison Patty”, au cours duquel le personnage central est chargé de coacher une jeune adolescente, Becky. Celle-ci, en surpoids et clairement mal dans sa peau, l’idolâtre et souhaite même qu’il lui arrive la même chose – c’est à ce moment-là qu’on rappelle que Patty avait perdu plusieurs kilos grâce à sa mâchoire, contrainte d’être fermée après s’être pris un poing dans le visage par un SDF bien vénère. Plutôt que de lui donner raison, Patty explique à maintes reprises à Becky que sa vie n’a rien d’enviable et que voir sa silhouette s’affiner n’avait en rien fait d’elle une meilleure personne. Ce n’est pas une excuse directe, évidemment, mais on ne peut s’empêcher de voir dans cet épisode une tentative de la série de se racheter.
La bonne chose dans l’ensemble, c’est qu’Insatiable laisse globalement de côté ses relents grossophobes pour se focaliser sur les troubles alimentaires dont souffre Patty. Car cette dernière a une relation éminemment complexe avec la nourriture, alternant entre périodes de goinfrerie maximale et famine volontaire. Le hic, c’est que la série n’a pas vocation à éduquer son public. Elle n’offre aucune aide, aucune piste pour les personnes dans la même situation que Patty. Le seul coup de pouce qu’on retient, c’est qu’il faut aller demander de l’aide et parler de son problème dès qu’on s’apprête à replonger.
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Il y a d’autres tentatives d’approche assez bancales (quand la série veut parler l’air de rien d’appropriation culturelle, par exemple) au fil de cette saison 2, mais ce n’est rien en comparaison du désastre sans nom de la salve d’épisodes précédente. A contrario, d’autres thèmes sont mieux traités, comme la représentation des hommes asiatiques ou l’expérience d’une personne métissée dans la société occidentale. Du bon et du plus laborieux, voilà ce qu’on retrouve chez Insatiable.
Ce qui fonctionne ici, en revanche, c’est la dimension WTF totalement assumée d’Insatiable qui prend plaisir à aller toujours plus loin. La crédibilité est persona non grata, et c’est pour le mieux tant on se surprend à rire franchement. Cette saison, on a droit à un fantôme venu hanter Patty, à un test de paternité improbable qui affiche “nope” lorsque le résultat est négatif et même à un tampon (faussement) explosif. Bon, bien entendu, ça a davantage de sens quand on regarde la série. Si Patty reste une protagoniste essentiellement antipathique, les personnages secondaires font la force d’Insatiable tant la série sait les utiliser à bon escient dans des situations comiques, plus absurdes les unes que les autres.
Insatiable a su remonter la pente épisode après épisode, affûtant sa tonalité satirique et épousant son côté kitsch exacerbé, à mi-chemin entre un Desperate Housewives et un Awkward, le tout sous LSD. Ce n’est pas un must-see du cru automnal (en soi, elle reste tout de même assez oubliable post-visionnage), mais la série peut se targuer d’avoir entendu les critiques faites à son encontre et d’en avoir pris de la graine. On n’y croyait pas.
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Insatiable est disponible en intégralité sur Netflix à l’international.